Pourquoi votre facture d’électricité va encore doubler dans les années à venir

Dans cet entretien, Sophie de la Motte, spécialisée dans les dossiers parlementaires, passe en revue les propositions de la programmation pluriannuelle de l’énergie et nous explique pourquoi ce texte, qui sera adopté par décret, après une information protocolaire du Parlement, débouchera sur une augmentation durable du prix de l’électricité pour les consommateurs, dans la continuité des politiques menées depuis 10 ans.
La prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) en France, qui devrait couvrir les périodes 2024-2035 (avec des étapes clés pour 2030 et 2035), est en cours d’élaboration et s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Française Énergie-Climat (SFEC). Bien que le texte définitif ne soit pas encore adopté à ce jour (21 mars 2025), les grandes orientations ont été dévoilées par le gouvernement, notamment via des consultations publiques lancées en novembre 2024. Voici les principales mesures prévues par la deuxième version du document, et les trajectoires actuellement discutées :
- Réduction de la consommation énergétique et sobriété
- Objectif de réduire la consommation finale d’énergie de manière significative, avec une baisse visée de 40 à 50 % d’ici 2050 par rapport à 2021. Pour 2030, une réduction de l’ordre de 20 % par rapport à 2012 est souvent évoquée comme étape intermédiaire.
- Promotion de la sobriété énergétique dans tous les secteurs (bâtiments, industrie, transports) à travers des incitations comme les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) et des mesures réglementaires.
- Sortie progressive des énergies fossiles
- Confirmation de la sortie du charbon d’ici 2027, avec une fin totale des énergies fossiles dans le mix énergétique d’ici 2050.
- Réduction de la consommation d’énergies fossiles de 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990, en priorisant l’abandon des sources les plus émettrices de gaz à effet de serre (charbon, puis pétrole et gaz).
- Développement de carburants alternatifs (biocarburants avancés, hydrogène vert) pour remplacer les combustibles fossiles dans les transports et l’industrie.
- Développement massif des énergies renouvelables
- Augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité.
- Solaire : Multiplication par 5 de la capacité installée d’ici 2035, avec un objectif de 35 à 44 GW en 2030.
- Éolien terrestre : Doublement ou triplement des capacités pour atteindre 33 à 35 GW en 2030, puis 40 à 45 GW en 2035.
- Éolien en mer : Objectif de 10 GW d’ici 2030, avec des appels d’offres prévus d’ici 2025 pour sécuriser cette croissance, visant jusqu’à 18 GW en 2035.
- Chaleur renouvelable : Hausse de 50 % de la production de chaleur et de froid renouvelables (biomasse, géothermie, solaire thermique) d’ici 2030.
- Évolution du nucléaire
- Maintien du nucléaire comme pilier du mix énergétique, avec un objectif de réduction progressive de sa part à 50 % de la production électrique d’ici 2035 (repoussé de 2025 initialement).
- Fermeture de 14 réacteurs d’ici 2035 (dont Fessenheim, déjà arrêtée en 2020, et 4 à 6 autres avant 2030 selon les conditions du marché électrique).
- Relance de la filière avec la construction de 6 nouveaux réacteurs EPR, le premier devant démarrer en 2025 pour une mise en service en 2035, et potentiellement 8 supplémentaires à plus long terme (horizon 2040-2050).
- Électrification des usages et stockage
- Accélération de l’électrification des usages (mobilité, chauffage, industrie) pour porter la part de l’électricité dans le mix énergétique à environ 35 % d’ici 2035 (contre 27 % aujourd’hui).
- Développement du stockage d’énergie (batteries, stations de pompage-turbinage STEP) avec un objectif de 1 à 2 GW supplémentaires entre 2025 et 2030.
- Soutien à l’autoconsommation photovoltaïque (objectif de 200 000 sites individuels et 500 collectifs d’ici 2030).
- Investissements et infrastructures
- Mobilisation de 300 milliards d’euros d’investissements d’ici 2035, dont environ 100 milliards de fonds publics, pour moderniser les réseaux (RTE et Enedis) et connecter les nouvelles installations renouvelables.
- Renforcement de la compétitivité des industries électro-intensives via des tarifs préférentiels pour l’électricité décarbonée.
Ces mesures visent à atteindre la neutralité carbone en 2050, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement et la souveraineté énergétique. Cependant, des points restent en débat, notamment le calendrier précis des fermetures nucléaires, le financement exact, et l’équilibre entre renouvelables et nucléaire, qui fait l’objet de critiques de part et d’autre (ONG, industriels, parlementaires). La version finale, qui sera publiée par décret, peut varier sur certains points.
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