La presse subventionnée des milliardaires nous a massivement vendu un petit Mozart soutenu par des êtres supérieurs. Ce gloubi-boulga de la caste joue à la barbichette, en prouvant qu'une somme d'intelligences individuelles peut fabriquer une immense bêtise collective.

L’air de Paris, en cette fin octobre 2025, est chargé de cette électricité singulière qui précède les grands orages ou, plus prosaïquement, les chutes de régime. La politique française, cet éternel théâtre d’ombres où la posture l’emporte trop souvent sur l’action, s’est muée en une partie de poker menteur particulièrement perverse. Ou, pour utiliser une métaphore plus triviale mais tristement adaptée à l’infantilisation de nos gouvernants : un jeu de la barbichette. « Je te tiens, tu me tiens… ». Le premier qui cédera face à l’abîme budgétaire entraînera l’autre dans sa chute. Et dans ce jeu stupide, c’est la France qui risque la tape.
Le chronomètre constitutionnel est implacable. Le 4 novembre, un Parlement fragmenté comme jamais doit théoriquement boucler la partie recettes du budget. Le 15 novembre, Emmanuel Macron atteint la date butoir au-delà de laquelle une nouvelle dissolution deviendrait impossible sans saboter le cycle budgétaire 2026. Nous sommes au cœur d’un nœud gordien institutionnel, et le navire France, ce Titanic bureaucratique, fonce droit sur l’iceberg de l’ingouvernabilité.
Ce qui se joue sous nos yeux n’est pas une énième crise politique. C’est la manifestation clinique de la faillite d’un système et, plus encore, de l’effondrement d’un modèle de gouvernance basé sur la confiscation du pouvoir par une caste qui a confondu la brillance académique avec la sagesse politique. Ce qui se dessine n'est pas un affrontement d'idées, mais un suicide collectif assisté par ce que l'on doit bien appeler une "coalition des incompétences".

L’anatomie d’un fiasco programmé
Cette coalition unit (nous l'avions annoncé dans le Courrier !), dans une danse macabre, un Exécutif pyromane et un Législatif irresponsable.
D'un côté, la faillite d'Emmanuel Macron. L'incarnation même de cette hyper-présidence jupitérienne qui, à force de vouloir tout contrôler, finit par ne plus rien maîtriser. Sa dissolution intempestive, acte d’hubris ou de désespoir solitaire, apparaît aujourd'hui comme le péché originel de cette séquence mortifère. En voulant reprendre la main par un coup de tête, il a précipité le pays dans une instabilité chronique. Le "maître des horloges" autoproclamé est devenu prisonnier de son propre calendrier, acculé à une gestion de crise permanente où la tactique politicienne a définitivement remplacé la gouvernance. C'est la faillite de la stratégie de l'homme seul, qui confond l'autorité de l'État avec l'arbitraire du Prince.
De l'autre côté, l'Assemblée Nationale. Loin d'être le temple de la démocratie retrouvée, elle est devenue la cour de récréation des irresponsabilités. L'examen des amendements budgétaires est une mascarade, une guérilla procédurale où l'obstruction tient lieu de pensée politique.
Plus grave encore, nous assistons à une surenchère fiscale délirante. La gauche, fidèle à son logiciel idéologique consistant à croire que l’argent public est infini, multiplie les propositions de taxes nouvelles. Elle trouve un allié objectif dans un Rassemblement National qui, par pur cynisme électoraliste, préfère saborder le navire plutôt que de prendre le risque de l’impopularité budgétaire.
Le pouvoir législatif, qui aurait pu profiter de l'affaiblissement de l'exécutif pour s'affirmer comme une alternative crédible et forte, démontre chaque jour son incapacité à se structurer et à se responsabiliser. Nous sommes face à un système bloqué, non par excès de force, mais par défaut de courage et de vision.

Le paradoxe de la technostructure : la bêtise brillante
Ce "bateau ivre" qu'est devenue la France nous amène à une question centrale, presque anthropologique : comment une collection d'intelligences individuelles souvent brillantes peut-elle produire une telle bêtise collective ? Emmanuel Macron et la technostructure dont il est le pur produit incarnent ce paradoxe à la perfection.
La France ne manque pas de cerveaux bien faits. Nos élites politiques et administratives sont issues des écoles les plus prestigieuses. Elles maîtrisent les dossiers avec une aisance qui confine à l'arrogance. Pourtant, le résultat est calamiteux : une incapacité chronique à réformer le pays sans le braquer, une déconnexion abyssale avec le "pays réel", et une succession de décisions stratégiques absurdes.
Ce paradoxe tient à la nature même de la formation de nos élites. L’intelligence technocratique française est une intelligence désincarnée, "hors-sol". Elle excelle dans la maîtrise des normes et des procédures. Elle sait optimiser un système existant, mais elle est radicalement incapable de remettre en question le cadre lui-même. Leur intelligence est procédurale, pas visionnaire.

Depuis des décennies, cette haute administration gère la France comme une machine complexe dont il suffirait de tourner les bons boutons. Mais la France n'est pas une machine. Enfermés dans leur bulle, ces brillants esprits ont confondu la rationalité technocratique avec le sens politique. Ils maîtrisent le "pays légal", celui des tableaux Excel, mais ils ignorent superbement le "pays réel", celui des gens qui ne se laissent pas mettre en équation.