Tensions Ibrahim Traoré -Emmanuel Macron : symbole d’une perte d’influence française en Afrique

Février 2023, la France avait annoncé officiellement le retrait « de tous les personnels militaires français en service dans les administrations militaires burkinabè », à la demande de la junte au pouvoir. Cet épisode marque un tournant : Paris, autrefois maître incontesté du jeu au Sahel, voit son influence s’effriter. Au Burkina Faso, le jeune capitaine, Ibrahim Traoré, incarne cette rupture. Sa posture panafricaniste et résolument anti-française, cristallise une dynamique de rejet de la Françafrique.Entre le dirigeant burkinabé Ibrahim Traoré et le président français Emmanuel Macron, le climat est de plus en plus tendu. Mais quelle est réellement la cause de ces tensions ?

Le terme « France Afrique » symbolisait autrefois une alliance étroite entre Paris et ses anciennes colonies africaines. Mais ce concept appartient désormais au passé. Aujourd’hui, les relations entre la France et l’Afrique francophone sont marquées par une profonde défiance. Le Burkina Faso, sous la houlette d’Ibrahim Traoré, incarne cette rupture grandissante. Retour sur les racines et les implications de ce divorce politique.Si la France se présentait comme un partenaire indispensable, les scandales liés à la gestion des ressources naturelles, le soutien à certains régimes contestés et une coopération militaire critiquée ont progressivement terni son image sur le continent.
La perte d’influence française au Sahel
La rupture entre Burkina Faso et Paris est en effet liée à un ressentiment historique. Il faut dire que le jeune leader burkinabé a toujours dénoncé la domination économique, militaire et politique de la France sur ses anciennes colonies en Afrique.
Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir au Burkina Faso en septembre 2022, ne se contente pas d’un simple discours de souveraineté. Dès 2023, il expulse les troupes françaises, coupe les canaux de coopération militaire et limite les actions de diplomates et médias français. Inspiré par Thomas Sankara, Traoré dénonce une exploitation économique néocoloniale et propose un modèle alternatif axé sur l’autonomie, la souveraineté et une diplomatie multilatérale, en lien avec des partenaires comme la Russie, la Turquie ou la Chine.

En tournant le dos à Paris, Ibrahim Traoré ouvre son pays à de nouveaux partenaires. L’influence grandissante de la Russie — via des conseillers militaires et possiblement le groupe Wagner — inquiète profondément Paris. Pour Macron, ce réalignement est non seulement un camouflet diplomatique, mais aussi un revers stratégique dans une région essentielle à la politique d’influence française.
Deux visions opposées du partenariat
La relation entre Emmanuel Macron et Ibrahim Traoré est aujourd’hui quasi inexistante. Les divergences sont idéologiques, stratégiques et personnelles. Macron, chantre d’un multilatéralisme technocratique, incarne une posture d’élite européenne soucieuse de préserver ses sphères d’influence. À l’opposé, Traoré se présente comme un révolutionnaire de terrain, à l’écoute du peuple.
Derrière ce conflit se cachent des divergences profondes de vision :
- Traoré prône un nationalisme africain libéré de toute tutelle occidentale. Il adopte un discours anticolonial assumé, dénonçant la dépendance économique et politique envers Paris.
- Macron, de son côté, défend une approche dite « partenariale », mais son style technocratique et sa rhétorique sont souvent perçus comme condescendants et néocoloniaux par ses homologues africains.
Dans ses prises de parole, le leader burkinabé adopte un ton anticolonial et anti-impérialiste. Il déclare haut et fort que la présence française en Afrique est un obstacle à la souveraineté africaine. Pour Macron, Traoré est un jeune dictateur inexpérimenté.

Mais les différentes mesures drastiques adoptées par Ibrahim Traoré ont aussi alimenté la tension entre lui et Emmanuel Macron. On cite entre autres l’expulsion des troupes et diplomates françaises de Burkina Faso, une « décision hostile » pour le président français.
Traoré a également remis en cause les contrats miniers entre le Burkina Faso et la France. Pour Paris, c’est un affront économique. Il faut dire que cette décision du jeune leader burkinabé représente une menace pour les entreprises françaises.
Malgré les tentatives de l’Élysée pour moderniser son approche, la stratégie française reste perçue comme motivée par des intérêts économiques plus que par un véritable respect de la souveraineté africaine.
La relation entre Emmanuel Macron et Ibrahim Traoré dépasse les individus. Elle illustre l’effondrement d’un système d’influence qui, pendant des décennies, a permis à la France de peser lourdement sur les décisions africaines. Le cas burkinabè n’est pas isolé. Il annonce peut-être la fin de la Françafrique, et le début d’un nouvel ordre africain où la France ne sera plus qu’un partenaire parmi d’autres — et non plus un maître.
Commentaires ()