La « taxe Silicon Valley » à 100 000 $ : un coup de pied "maladroit" de Trump dans la fourmilière
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La « taxe Silicon Valley » à 100 000 $ : un coup de pied "maladroit" de Trump dans la fourmilière


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Vendredi, Donald Trump a lâché une bombe depuis le Bureau ovale : désormais, chaque entreprise de la tech américaine devra débourser 100 000 dollars par an pour chaque visa H-1B.La mesure, censée protéger l’emploi américain, a immédiatement plongé la Silicon Valley dans la panique. “Microsoft, Alphabet, Amazon ainsi que d’autres entreprises technologiques ont envoyé des messages aux employés concernés leur demandant de rentrer aux États-Unis samedi et d’annuler tout projet de départ du pays”, selon Bloomberg.

Un grand nombre des travailleurs dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) aux Etats-Unis sont des étrangers. Le nouveau décret signé par le président américain Donald Trump risque d’apporter de grands changements dans le secteur, notamment dans la haute technologie. Le texte de loi impose des frais de dossier élevés pour les visas de travail H-1B, indispensables aux ressortissants étrangers recrutés par les géants de la Silicon Valley.

Un décret pour favoriser le recrutement de travailleurs américains

Vendredi, Donald Trump a signé un décret qui impose l’augmentation des frais de dossier pour les visas H-1B à 100.000 dollars, soit environ 85.100 euros. Notons que ce permis de travail est surtout indispensable aux travailleurs dotés de qualifications spécifiques, comme les ingénieurs, les scientifiques et les programmeurs informatiques, désireux de travailler aux Etats-Unis. Le visa H-1B est valable sur une durée de 3 ans, renouvelable une fois pour les employés étrangers parrainés par leurs employeurs.

En 2024, les Etats-Unis ont validé environ 400.000 demandes de visa H-1B. 71% des requêtes approuvées ont été déposées par des ressortissants indiens et 11% par des Chinois. Les conditions liées à l’application de cette nouvelle mesure tarifaire ont suscité des inquiétudes auprès des personnes concernées, y compris les entreprises de la Silicon Valley. Le décret a en effet indiqué que sa mise en vigueur est prévue pour dimanche 21 septembre.

« Un délai d’un jour crée une incertitude considérable pour les entreprises, les professionnels et les étudiants du monde entier »

a déclaré l’association professionnelle indienne, Nasscom. Elle estime qu’une période de transition plus longue est nécessaire afin de permettre aux organisations et aux personnes concernées de mettre en place une bonne organisation.

La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a tenu à clarifier les choses. Elle a déclaré sur X que les titulaires de ce visa H-1B ont le droit d’entrer et de sortir du territoire américain. Karoline Leavitt a aussi annoncé que la nouvelle mesure tarifaire ne sera appliquée officiellement qu’à compter du février 2026.

Le H-1B, l’arme fiscale contre la Silicon Valley

Le visa H-1B est la clé de voûte du modèle de la tech américaine. Sans lui, pas de main-d’œuvre qualifiée en nombre suffisant.

  • Durée : 3 ans, renouvelable jusqu’à 6.
  • Employeur sponsor : c’est l’entreprise qui « achète » le droit de recruter.
  • Secteurs : ingénierie, IA, cybersécurité, cloud, data science.
  • Quota : environ 85 000 visas par an, attribués par loterie.

En annonçant un coût de 100 000 $ par an pour chaque visa H-1B, Donald Trump ne s'attaque pas seulement aux entreprises technologiques, il s'en prend à l'essence même de l'innovation américaine : le libre-échange des talents. Cette mesure, loin d'être un ajustement, est un sabotage délibéré du marché du travail, une déclaration de guerre aux fondements de l'économie.

Imposer 100 000 dollars par an équivaut à un nouvel impôt caché sur l’innovation.

  • Pour une start-up qui emploie 20 ingénieurs étrangers, c’est 2 millions $ annuels.
  • Pour Google, Amazon ou Meta, la facture grimpe à plusieurs centaines de millions.

La logique est claire : Trump veut forcer les entreprises à « former des Américains » et réduire leur dépendance aux talents étrangers. Mais ce raisonnement est une illusion.
Former un ingénieur en cybersécurité prend des années. Le marché, lui, a besoin de bras tout de suite.

Le risque économique majeur

En imposant ce tarif délirant, la Maison-Blanche prend trois risques immédiats :

  1. Fuite des talents : l’Inde, le Canada et l’Europe se frottent déjà les mains.
  2. Explosion des coûts : les salaires locaux augmenteront mécaniquement, sans gain réel de productivité.
  3. Délocalisations : pourquoi payer 100 000 $ par tête quand on peut ouvrir un laboratoire à Toronto ou Bangalore ?

Résultat : l’Amérique perd son avantage compétitif au profit de ses rivaux. Derrière le discours patriotique, cette mesure est un coup porté à la liberté des entreprises de recruter où elles veulent, selon leurs besoins.

Notons toutefois que l’administration Trump a sorti en février dernier un décret visant la création d’une procédure d’immigration rapide nommée « carte dorée ». Elle permet à un étranger d’obtenir un visa dans les brefs délais s’il verse 1 million de dollars ou si une entreprise le parraine et accepte de payer 2 millions de dollars.


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