Faut-il ouvrir la santé à la concurrence ? La caste hésite…

Faut-il ouvrir la santé à la concurrence ? La caste hésite…

Faut-il ouvrir la santé à la concurrence ?
Le rapport du HCAAM (Haut Conseil à l’Avenir de l’Assurance Maladie) publié vendredi met timidement sur la table la question du financement de la santé en France, avec de nombreux bémols qui devraient déplaire à de nombreux acteurs privés comme les assureurs complémentaires. Mais il lève un frein majeur aux dérives constatées ces dernières années dans la dépense de soins : il ouvre la porte à un remboursement de certaines dépenses de santé au premier euro. En outre, il prévoit l’inscription des dépenses des organismes complémentaires dans une loi pluriannuelle de dépenses… On va entendre les dents grincer.

Il faut absolument lire le rapport du HCAAM (Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie) consacré à la “régulation du système de santé”, expression stratosphérique qui désigne la maîtrise des dépenses dans les années à venir, sans toucher aux questions de financement. Ce rapport (à découvrir en fin d’article) constitue en effet un pivot essentiel dans la réflexion sur ce que sera le système de santé (s’il subsiste dans sa forme actuelle) dans les 10 ans à venir.

Un rapport “paramétrique” et non systémique

Nous n’insisterons pas ici sur le manque d’ambition des réformes proposées dans le rapport. Celui-ci est en effet le produit d’une bureaucratie qui s’autorise à modifier quelques paramètres de-ci de-là (et plus c’est compliqué, plus ça fait sérieux), sans toucher à un système que personne n’ose discuter. D’où un silence complet sur une réforme complète et profonde du financement de la santé, notamment en remettant en cause le funeste monopole de l’assurance-maladie sur le régime général.

Tout le monde sait pourtant que l’Allemagne est parvenue à régénérer son système de santé en vingt ans grâce à la fin de ce monopole, et grâce à l’ouverture à la concurrence. Pour des raisons profondes de collusion entre les “partenaires sociaux” et la caste au pouvoir, cette question est taboue dans notre pays.

Il faut donc se contenter d’une fastidieuse lecture où des “sachants” coupent des cheveux en quatre pendant 100 pages pour sauver le système sans y toucher et sans déplaire aux puissants.

L’encadrement des dépenses des complémentaires

On retiendra donc de cette lecture que les rapporteurs proposent la création d’un nouveau type de loi : les lois quinquennales de financement de la santé… ou quelque chose qui y ressemble fort, puisqu’il est bien connu qu’en France la réalité procède forcément d’une loi (si possible pluriannuelle).

Pire même, dira-t-on, ce texte sera décidé par le seul exécutif, et le Parlement deviendra, annuellement, la chambre d’enregistrement de dépenses décidées ailleurs :

Elaborer, dans un cadre interministériel, une trajectoire à cinq ans des objectifs, activités et ressources du système de santé. Les objectifs de santé et de transformation de l’offre de soins à l’horizon de cinq ans et la programmation des moyens humains, matériels et financiers pour atteindre ces objectifs doivent être présentés dans un document unique, unifiant les textes existants27. Les autres textes dans le champ de la santé, dont la LFSS, en seraient la déclinaison ; ils devraient être radicalement simplifiés et fournir une information plus transparente et hiérarchisée. Ce document, élaboré via une véritable place accordée à la démocratie politique, sociale et sanitaire, au niveau national et local, porterait sur l’ensemble des dépenses de santé et déterminerait leur répartition entre financeurs (Etat, collectivités territoriales, assurances maladie obligatoire et complémentaire, ménages, employeurs), sur la base de principes cohérents. Il définirait des priorités transversales telles que : réduire les inégalités d’accès aux soins, structurer les soins de proximité, agir sur les déterminants de santé, dans le cadre d’une trajectoire tenant compte du point de départ. Il définirait également les modalités de suivi (objectifs chiffrés et indicateurs) et d’évaluation de la programmation.

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Autrement dit, la solution proposée par la bureaucratie de la santé pour mieux “réguler” notre système sanitaire consiste à ajouter une couche de bureaucratie, qui engloberait cette fois non seulement les opérateurs publics, mais aussi l’ensemble de la société, ménages compris. Le gouvernement déciderait plusieurs années à l’avance de la “répartition entre financeurs” de notre dépense de santé.

Par quel miracle pourrions-nous, en 2022, ordonner la dépense des ménages en santé pour 2027 ? De quel droit l’Etat décide-t-il à l’avance de l’effort des ménages dans ce domaine ? Ces questions simples et évidentes ne semblent pas effleurer l’esprit des rédacteurs du rapport, tout imbus qu’ils sont de leur vision “ordonnée” du monde.

Pour les organismes complémentaires, l’information n’est pas neutre : elle signifie que leur action sera plus que jamais contrainte et “coordonnée” par l’Etat. En apparence, donc, le HCAAM resserre les boulons de la planification étatique dont la caste technocratique est convaincue qu’elle est l’alpha et l’oméga de toute politique publique.

Remboursement au premier euro

Dans le même temps, les auteurs du rapport annoncent l’ouverture d’une étrange porte sur une nouvelle distribution des rôles entre assurance maladie et assureurs complémentaires.

Le champ de la prévention financée et identifiée dans les systèmes d’information (et donc identifiable dans l’ONDAM) serait alors élargi, au-delà de la prévention institutionnelle. En contrepartie d’autres dépenses notamment hospitalières seraient réduites. Le périmètre et le coût de la mesure devraient être précisés, ainsi que le partage des dépenses entre assurances maladie obligatoire (sur la base d’une nomenclature tarifaire nationale) et complémentaire (le HCAAM proposera prochainement des scénarios sur ce sujet), collectivités territoriales et patients eux-mêmes, en tenant compte de la situation sociale de ces derniers.

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Traduction : l’Assurance-Maladie serait appelée à financer beaucoup plus d’actions de prévention (notamment dans le domaine de la nutrition). En contrepartie, elle se “débarrasserait” d’autres interventions, notamment sur les organismes complémentaires.

Pour l’instant, le rapport n’en dit pas plus. Mais on pressent que le prochain quinquennat devrait être le moment d’une refonte générale des interventions “laissées” aux organismes complémentaires, et du champ d’action de l’assurance maladie. Il faudra suivre attentivement ce dossier, mais il est d’ores et déjà acquis que l’imagination devrait prendre le pouvoir sur la place de la concurrence en santé.

Notre conviction est que le dossier est loin d’être clos, et que le chaos est loin d’avoir touché le fond dans le financement de la santé en France. Selon un principe de réalité, les bienfaits de la concurrence finiront par s’imposer, mais les termes du débat n’étant pas encore tous réunis, il faut encore laisser le temps faire son oeuvre… en apportent un maximum d’argument pour peser.

L’attente d’un rapport sur les complémentaires

Le HCAAM annonce un rapport en 2021 sur l’articulation entre organismes complémentaires et organismes de sécurité sociale. Plusieurs scénarios devraient y être divulgués.

La profession est-elle en ordre de bataille pour défendre ses intérêts dans ce dossier ? Ses performances en termes d’influence en 2020 sur l’affaire des pertes d’exploitation posent quand même quelques questions…