Derrière les vitres fumées du siège de la Banque Populaire Rives de Paris s'est joué un drame bureaucratique d'une banalité effrayante. Pas de braquage, pas de gangsters en traction avant, mais un vol feutré, commis par des algorithmes et validé par des hommes en costume gris.

La nouvelle est tombée comme un rapport d'autopsie : la DGCCRF a infligé une amende de 2,5 millions d'euros à la banque. Le motif ? Des « pratiques commerciales trompeuses ». En français courant : du vol. La banque a facturé des commissions d'intervention sur des comptes qui ne présentaient aucun défaut de provision. Elle a inventé des incidents de paiement imaginaires pour prélever sa dîme. C'est du « boerenbedrog » (tromperie paysanne, comme on dit dans ma Flandre natale), mais à l'échelle industrielle.
Pourtant, ne vous y trompez pas. Cette amende n'est qu'une tape sur la main, une petite taxe sur le cynisme. Dans ce pays colbertiste qu'est la France, ce scandale n'est pas un accident, c'est le produit logique du « capitalisme de connivence ».
Frédéric Bastiat nous avait prévenus : lorsque la loi ne protège plus la propriété mais organise la spoliation, la société court à sa ruine. En France, les banques ne craignent pas le marché, car le marché n'existe pas vraiment. Elles sont protégées par une forteresse de réglementations si complexes qu'aucun concurrent étranger ou innovant ne peut franchir le fossé. Cet oligopole bancaire est verrouillé par l'État lui-même.
La source de cette impunité? Elle réside dans ce que j'appelle les liens « osmotiques » entre la haute finance et la haute administration. Regardez le sommet de la pyramide BPCE. Qui y trouve-t-on? Nicolas Namias, un pur produit de l'ENA et de la Direction du Trésor. Ce sont des inspecteurs des finances qui dirigent les banques, et ce sont leurs anciens camarades de promotion qui les régulent. C'est un monde clos, étouffant, où l'on passe du contrôle à la direction par le jeu des chaises musicales – le fameux « pantouflage » que vous tolérez avec une résignation qui me fascine.
Pourquoi la Banque Populaire se gênerait-elle? Elle sait que le régulateur est un cousin éloigné. Elle sait que les barrières à l'entrée la protègent des neobanques plus agiles qui, dans un marché libre, l'auraient déjà poussée à la faillite pour incompétence.

Alors, on paie les 2,5 millions – une goutte d'eau dans les milliards de résultats du groupe – et on recommence. On continuera de facturer le vide, protégés par des lois écrites par des banquiers pour des banquiers. Dehors, la pluie continue de tomber sur les pavés parisiens. Les passants pressent le pas, têtes baissées, sans savoir qu'ils sont les victimes consentantes d'un système où l'honnêteté est devenue une option tarifaire.
Tot ziens, et gardez votre argent sous votre matelas, c'est plus sûr.
