Prêt à parier que la réforme des retraites ne passera pas

Prêt à parier que la réforme des retraites ne passera pas


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La réforme des retraites tente un petit tour de chauffe, menée à l’entraînement par Bruno Le Maire, qui teste différentes formules sous l’oeil goguenard d’Emmanuel Macron. C’est comme pour les candidats de la droite : on lance des ballons d’essai, on propose, on provoque, et on voit comment ça réagit. Si le fond de l’air est favorable, Macron se risquera à l’exercice. Si la réaction est épidermique, le Président battra en retraite. Voici les pistes que Bruno Le Maire a lancées sur cette réforme, et dont nous pensons qu’elles seront rapidement enterrées vivantes.

La réforme des retraites, saison III. Vous aviez aimé le débat vide et inutile « animé » en chambre par Jean-Paul Delevoye, vous avez raffolé du projet de loi monté en épingle par Édouard Philippe, qui a mis des millions de salariés dans les rues, vous allez vous enivrer du projet Le Maire qui promet de se montrer à la hauteur des épisodes précédents.

Ce qu’on ne dit pas sur la réforme des retraites selon Le Maire

La presse a commencé à évoquer la vision lemairienne de la réforme des retraites, dont nous avons esquissé le champ des possibles vendredi dernier. Mais peu de journalistes subventionnés ont pris soin de dire ce à quoi Bruno Le Maire ne renonçait pas.

En premier lieu, le gouvernement tient mordicus à son absurde projet d’étatisation complète de la retraite, système qui n’existe nulle part ailleurs tant il est ingérable, et qui autorisera l’État à faire cotiser 99% des salariés pour un régime qui ne profitera réellement qu’ à la moitié d’entre eux. Dans la pratique, tous ceux qui perçoivent plus de 2.000 € de revenus mensuels seront appauvris par ce dispositif, en comparaison de ce qu’ils gagneraient avec un système individuel.

Mais cette réalité-là est interdite d’évocation en France : il est de bon ton de se réjouir unanimement de la « solidarité », mot générique qui désigne tout système où une partie de la population se fait plumer pour assurer le bonheur de l’autre partie.

Vers un départ à 67 ans

Parallèlement, Bruno Le Maire s’est exprimé dimanche pour dire tout le bien qu’il pensait de l’allongement de la durée de cotisation, et probablement du report de l’âge de départ à la retraite.

Selon le ministre de l’Économie, il faut un « volume global de travail supérieur en France ». Cette expression annonce une (inéluctable) mesure d’allongement de la durée de cotisation. En dehors de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, personne ne conteste d’ailleurs l’utilité de cette mesure.

Toute la difficulté est de l’expliquer, surtout dans une période électorale où les voix ne manqueront pas pour expliquer qu’il s’agit de la propagande néo-libérale. Sur ce point, nous pensons qu’il sera très compliqué d’expliquer aux Français qu’ils doivent travailler plus pour partir à la retraite. Si l’on se souvient des polémiques haineuses sur l’augmentation de la CSG pour les retraités, on peut mesurer la difficulté de l’exercice.

L’aberration de la pénibilité maintenue

Pour faire passer la pilule, le gouvernement reconduirait le dispositif dits de « pénibilité », qui autorise certains métiers à partir plus tôt à la retraite, pour tenir compte du différentiel d’espérance de vie entre certains métiers.

Intuitivement, on peut admettre l’intention généreuse de cette mesure largement demandée par la CFDT et quelques autres, mais qui se révèle complètement contre-productive. La pénibilité offre en effet un permis de « casser les salariés » durant leur carrière, et décourage toute vraie politique de prévention.

Cette logique explique pourquoi l’espérance de vie en bonne santé en France est très inférieure à ce qu’elle est en Allemagne, où la pénibilité n’existe pas.

Une baisse des retraites en cas de problème ?

Surtout, Bruno Le Maire entend, semble-t-il, préserver un mécanisme à la suédoise où la revalorisation des retraites est subordonnée à la croissance de l’économie. Sur le papier, ce mécanisme permet de baisser les retraites en cas de coup dur. Sauf que… même la Suède n’a pas réellement pu appliquer ces dispositions.

Il est en effet très compliqué, et urticant, d’expliquer à des retraités que leur retraite peut baisser quand l’économie ne va pas bien. C’est probablement le principal point de faiblesse et d’exaspération du projet Le Maire.

Travailler plus pour gagner moins ?

Finalement, le projet présenté par Bruno Le Maire peut se résumer ainsi : travailler plus pour gagner moins. On sait ce qu’il advient de ces conceptions dont Bercy raffole, mais qui ne convainquent personne : elles ont généralement une durée de vie limitée. Nous pensons que dans le climat politique dégradé actuel, la faible légitimité d’Emmanuel Macron pour réformer devrait condamner rapidement ce projet, à quelques semaines des élections, même si la Commission Européenne le réclame.


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