Près de 10% des entrepreneurs ne se versent aucun salaire

La condition des entrepreneurs en France est largement méconnue, fantasmée, parfois enviée ou décriée. L’INSEE vient de publier des statistiques qui esquissent ce que sont les vraies conditions économiques de vie des entrepreneurs. Et il en ressort que près de 10% d’entre eux ne se versent aucune rémunération d’activité. Voilà un chiffre peu évoque, peu commenté, mais qui en dit long sur la façon que les pouvoirs publics français ont de décourager l’esprit d’entreprise en France.

Les entrepreneurs, en France, ont une vie infernale. Et ceux qui ne l’ont pas vécue peuvent difficilement mesurer ce que signifie cette expression. L’une des meilleures preuves de cette méconnaissance est donnée par les statistiques de l’INSEE publiées hier, qui décrivent assez bien ce qu’est le mode de vie des indépendants en France.
10% des entrepreneurs ne se paient pas
L’une des grandes données à retenir des informations statistiques fournies par l’INSEE tient à la proportion d’entrepreneurs qui ne retirent aucune rémunération d’activité de leur entreprise. Bien entendu, ce chiffre générique dépend des situations exactes, mais voici ce que l’INSEE fournit comme indications.

Ce tableau donne des informations fondamentales qui permettent de comprendre le déclin de l’esprit d’entreprise en France. Ainsi, la ligne 2 du tableau, dernière colonne, montre que 11,1% des gérants majoritaires de société ne se versent aucun revenu du travail. Ce chiffre hallucinant, qui souligne que plus d’un dirigeant sur dix ne se paie pas, s’explique par une raison simple : la fiscalité française sur la rémunération est tellement dissuasive et confiscatoire, que les gérants majoritaires préfèrent ne percevoir que des dividendes (taxés à 30%) plutôt que des salaires taxés à 70% environ.
En outre, le revenu médian des dirigeants se situe au mieux à 2.500 €, à une moyenne médiane de 2.300 € (1.800 € pour le salaire médian). Dans le secteur des transports, il est inférieur à 1.400 € ! Dans le service aux particuliers, il est de 1.200 €.
Ces chiffres soulignent la grande misère de nombreux entrepreneurs en France. Et pourtant, dès qu’il s’agit de trouver des recettes fiscales, personne n’hésite jamais : faisons payer les patrons !
Le sociocide des entrepreneurs organisé par la caste
Le non-dit de ces chiffres tient évidemment à la fiscalité pratiquée sur les entreprises. Chaque entrepreneur a en effet le choix :
- soit il est rémunéré comme gérant, et il doit se soumettre à des cotisations d’environ 60% au titre du SSI, sans préjuger de son impôt sur les bénéfices professionnels
- soit il est rémunéré comme salarié, et il doit se soumettre à des cotisations sociales de plus de 60%, sans préjuger de son impôt sur le revenu
- soit il est rémunéré comme actionnaire, et il doit acquitter un prélèvement de 30% sur ses dividendes, eux-mêmes soumis à un impôt sur les sociétés préalable d’au moins 31%.
Dans tous les cas, les prélèvements atteignent des proportions très supérieures à ce que paie un salarié… ou un patron de grand groupe !
On ne s’étonnera donc pas que les effectifs d’entrepreneurs soient en chute libre en France :

Comme on le voit, et en comptant les auto-entrepreneurs qui poussent inconsidérément les chiffres à la hausse, pour 100 entrepreneurs en France en 1975, on en compte à peine plus de 70 aujourd’hui. Hors auto-entrepreneurs (ou micro-entrepreneurs), ce chiffre est tombé à moins de 60.
Autrement dit, la proportion d’entrepreneurs au sens « traditionnel » du terme a été pratiquement diminuée de moitié en 50 ans… sans que personne ne s’en inquiète (dans le meilleur des cas : beaucoup se félicitent en réalité de la disparition progressive de ce groupe « d’emmerdeurs » que personne ne contrôle).
On peut parler ici de sociocide, pratiqué avec une complicité quasi-générale dans la société, à commencer par celle des grands patrons heureux de javelliser la petite concurrence.
Une stratégie d’éradication Great Reset compatible à long terme ?
La question fondamentale est évidemment de savoir si ce sociocide est le produit malencontreux de politiques publiques mal calibrées, ou s’il correspond à une logique à long terme, opaque, non expliquée, mais qui vise à assurer un grand remplacement des indépendants « réfractaires » à l’ordre bureaucratique par des salariés beaucoup plus complaisants. Faute de documents approfondis, et d’une décision unilatérale claire sur ce point, nous en sommes réduits à des conjectures pour expliquer le phénomène.
Il n’est pas inintéressant de voir que, dans le projet de Great Reset de Klaus Schwab et Thierry Malleret, l’hypothèse d’une disparition massive des « petits indépendants » au profit des grandes chaînes internationales capitalisées est ouvertement évoquée. C’est bien l’esprit du temps : partout où la concurrence émiettée réduit les marges de profit des grands acteurs, il faut l’étouffer par de la complexité administrative, l’user en lui rendant la vie insupportable, la décourager d’entreprendre, ou alors seulement pour devenir sous-traitante d’une plate-forme internationale.
Chacun jugera si la situation que nous connaissons depuis un an de confinement correspond ou non à cette description.

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