Pourquoi l'État Léviathan se moque du budget (Merci, James Buchanan)

Pourquoi l'État Léviathan se moque du budget (Merci, James Buchanan)


Partager cet article

Nous avons vu comment le gouvernement Lecornu s’est fracassé sur le bitume du Chicken Game. Mais une question doit vous brûler les lèvres : si l'État est incapable de faire voter son budget, comment se fait-il que les ministères continuent de tourner, que les cerbères de Bercy continuent de prélever l'impôt et que la technostructure ne semble pas s'en émouvoir outre mesure ?

Pourquoi Lecornu est une vraie poule mouillée
Entre Noël et le Nouvel An, le Courrier entame un “parcours” d’éclairage auprès des lecteurs pour mieux comprendre comment se posent, avec un peu de recul, les problèmes de notre société. Voici une première explication sur l’effondrement de notre système, où il est question de “poulet mouillé”, de “prisonnier” et

Pour comprendre ce miracle de l'inertie, il faut ouvrir les livres de James M. Buchanan (Prix Nobel 1986) et de son complice Gordon Tullock. Leur théorie, le Public Choice (ou Théorie des Choix Publics), est l'arme fatale pour quiconque veut comprendre le parasitisme d’État.

Les contributions de Downs, Tullock et Buchanan à la naissance de l’analyse économique du politique
Le fonctionnement du régime politique démocratique fait aujourd’hui l’objet de nombreuses théories inquiètes. Cette inquiétude n’est cependant pas nouvelle. En économie au moins, de nombreux travaux pessimistes quant au fonctionnement démocratique ont émergé dès le milieu du XXe siècle, au moment où naissait l’analyse économique du politique telle qu’on la connait aujourd’hui. Les travaux de James M. Buchanan, Anthony Downs et Gordon Tullock sont particulièrement révélateurs de cette inquiétude. Mais leur étude révèle des disparités qui accompagnent ce sentiment commun. Ces dernières ont notamment trait à la méthodologie employée : tantôt positive, tantôt normative ; entre impérialisme économique et ouverture disciplinaire.

Le mythe du « Serviteur Désintéressé » est mort

La doxa républicaine nous enseigne que le haut fonctionnaire agit pour le « Bien Commun ». Buchanan, avec une brutalité qui nous ravit, nous dit : C'est faux.

"La théorie des choix publics est, en un sens, la politique sans romantisme. [...] L'hypothèse selon laquelle les participants à la sphère politique aspirent à promouvoir le bien commun est remplacée par celle selon laquelle les individus agissent en politique comme ils le font sur le marché : ils cherchent à maximiser leur propre utilité." (James Buchanan)

Un bureaucrate est un agent économique comme un autre. Il cherche à maximiser son propre intérêt : son prestige, son pouvoir, son budget et la taille de son service. En 2026, que le budget soit voté régulièrement ou qu’il passe par une « loi spéciale » (cet expédient constitutionnel de dernier recours), le haut fonctionnaire s'en moque, tant que les crédits tombent.

La bureaucratie « Maximisatrice de Budget » (Niskanen)

Inspiré par Buchanan, William Niskanen a montré que la bureaucratie a une tendance naturelle à l'hypertrophie. Pourquoi ? Parce que dans le privé, le profit est le signal du succès. Dans le public, le succès se mesure à la taille de l'enveloppe que vous gérez.

Dans notre crise de 2026, la « loi spéciale » est en réalité une bénédiction pour la technostructure :

  • Elle évite les débats parlementaires où des députés curieux pourraient vouloir couper dans les dépenses inutiles.
  • Elle permet de reconduire les structures existantes par pur automatisme.
  • Elle transforme l'exceptionnel en norme.

Pour Buchanan, l'État n'est pas une personne morale, c'est un marché de décisions où les politiques échangent des faveurs contre des voix, et où les bureaucrates échangent de l'expertise contre du budget.

L'information libre a un prix : le courage de la soutenir
CTA Image

Surveillés par les "commissaires politiques" de l’information comme ConspiracyWatch, boudés par les subventions publiques, nous ne devons rien au système. Notre seule légitimité, c’est vous. Pour garantir notre indépendance totale et continuer à dire ce que les autres taisent, nous avons besoin de votre soutien.

Je rejoins la résistance libertarienne (79€/an)

Pourquoi la « Loi Spéciale » est le triomphe de la bureaucratie

C'est ici que le piège se referme. En échouant à faire voter un budget par le dialogue (le fameux échec de Lecornu face aux socialistes), on bascule dans une gestion par décret.

Pour un libertarien, c'est la preuve ultime : la démocratie parlementaire n'est qu'un décor de théâtre. Lorsque le décor tombe, la machine bureaucratique continue de fonctionner seule. Buchanan appelait cela le « Léviathan » : une entité qui cherche systématiquement à augmenter sa part de prélèvement sur le secteur productif, indépendamment de la volonté des électeurs.

Braun-Pivet révèle enfin le grand secret de l’Assemblée Nationale, par Veerle Daens
Il faut parfois rendre grâce à nos dirigeants. Non pas pour leur efficacité, faut pas pousser, mais pour ces rares moments de lucidité involontaire où, pris de panique, ils lâchent le morceau. Merci donc, infiniment, à Yaël Braun-Pivet. Les personnels de l’Assemblée nationale font preuve d’un dévouement et

La leçon pour les stratèges de demain

Mes chers amis, ne vous laissez pas attendrir par les larmes de Lecornu ou les cris d'orfraie de l'opposition. Tous deux participent au même marché.

  • Le politique veut survivre.
  • Le bureaucrate veut croître.

La situation actuelle illustre parfaitement la « capture du régulateur » : ce ne sont plus les citoyens qui contrôlent l'État via le budget, c'est l'État qui s'auto-attribue ses moyens de subsistance parce que le mécanisme de contrôle (le Parlement) est délibérément paralysé par les jeux de stratégie que nous avons analysés précédemment.

La « loi spéciale » budgétaire de 2026, c'est l'État qui s'affranchit du consentement à l'impôt pour assurer sa propre reproduction.

Restez lucides.



Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Noël, étrennes : comment, en pratique, donner de l’argent à ses proches ?

Noël, étrennes : comment, en pratique, donner de l’argent à ses proches ?

En cette période de fêtes, la générosité est de mise. Mais attention : entre le chèque glissé sous le sapin et le virement « coup de pouce », la frontière pour le fisc est parfois poreuse. Dès le 1er janvier 2026, les règlesse durcissent en effet avec une obligation de déclaration en ligne. Il est temps de mettre les points sur les "i" pour donner… sans se faire épingler. Pour tout abonnement d’un an au Courrier des Stratèges souscrit entre le vendredi 19 décembre 18h et le lundi 22 décembre 1


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT

Tech française : le grand enfermement fiscal de 2026, par Vincent Clairmont

Tech française : le grand enfermement fiscal de 2026, par Vincent Clairmont

On nous avait promis la « Start-up Nation », l’eldorado des licornes et le rayonnement de la French Tech. Mais en cette fin d'année 2025, le réveil est brutal pour les fondateurs. Derrière les paillettes des salons Vivatech de jadis, la réalité comptable s'impose : la souricière fiscale française vient de se refermer. Pour l’entrepreneur qui envisageait de prendre le large, la question n’est plus de savoir où partir, mais si l’État lui en laissera véritablement le droit sans le dépouiller au pa


Rédaction

Rédaction

Entrepreneurs, où s’expatrier en 2026 ? par Vincent Clairmont

Entrepreneurs, où s’expatrier en 2026 ? par Vincent Clairmont

En 2026, la France reste un champion incontesté… de la pression fiscale. Avec un taux marginal d’imposition à 45 %, des prélèvements sociaux à 17,2 %, et une complexité administrative qui ferait pâlir un inspecteur des finances, les entrepreneurs tricolores sont de plus en plus tentés par l’expatriation. Mais attention : quitter le navire ne s’improvise pas. Entre les pièges de l’exit tax (voir mon article du jour sur le sujet), les conventions fiscales internationales et la nécessité de "subst


Rédaction

Rédaction

Libérons le capitalisme de l’Etat pour sauver la liberté!

Libérons le capitalisme de l’Etat pour sauver la liberté!

Le diagnostic dressé en février 2023 par Martin Wolf, célèbre éditorialiste au Financial Times , dans The Crisis of Democratic Capitalism, est d’une lucidité brutale, mais il se trompe de coupable : oui , le mariage entre capitalisme et démocratie bat de l'aile ; oui , les classes moyennes se sentent trahies par la mondialisation ; mais non, le capitalisme n’est pas intrinsèquement responsable de cette dérive vers l’autoritarisme. Ce qui tue la démocratie libérale aujourd'hui, ce n'est pas l'ex


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT