Le jour où Macron et Philippe ont définitivement rompu avec le libéralisme

Le jour où Macron et Philippe ont définitivement rompu avec le libéralisme


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Emmanuel Macron et son compère Édouard Philippe sont souvent taxés de libéralisme, soit par les esprits de gauche, soit par beaucoup d’esprits de la droite légitimiste. Aux yeux de ces opposants, le libéralisme prétendu de l’exécutif suffirait à le condamner. Dans la pratique, le Président et le Premier Ministre pratiquent certes une politique profitable au capitalisme de connivence, mais très éloignée du libéralisme. Pour ceux qui doutent encore de l’orientation politique de la majorité, quelques événements (plus ou moins) symboliques dissipent toute forme d’incertitude sur le sujet.

De façon très (trop?) révélatrice, les députés européens En Marche ont demandé à leur groupe d’effacer toute référence au libéralisme dans leur acronyme ou leur nom. Ainsi, le groupe ALDE, appelé en français Alliance des Démocrates et des Libéraux, ne devrait plus faire mention de libéralisme dans son intitulé, au profit d’un vague « Renew Europe » ou quelque chose comme ça.

Bien entendu, la version officielle veut que le mot « libéralisme » soit banni en France, ou soit un fardeau à porter. Il vaudrait donc mieux l’oublier plutôt que de l’assumer. Mais l’anecdote, rapportée par l’Opinion, illustre bien le malentendu que Macron entretient quand à ses choix politiques: il s’appuie volontiers sur l’illusion d’une modernité libérale pour gouverner, quand, en réalité, il en incarne le contraire.

Macron, un irrésistible ami de l’État et de l’étatisme

La presse annonçait que le déficit de la Sécurité Sociale repartait à la hausse, ce qui n’était guère une surprise pour nos lecteurs à qui nous l’annonçons depuis plusieurs mois. Alors que, en 2016, Marisol Touraine avait proclamé fièrement que le « trou de la sécu » était désormais rebouché, la France n’est toujours pas parvenue, durant cette éternité de trois ans, à les remettre à l’équilibre. Cet exploit était prévu pour 2019. Mais l’arrivée des Gilets Jaunes sur la scène publique a repoussé d’autant un objectif dont on pressent qu’il ne sera jamais atteint.

Macron devra donc afficher en fin d’année 2019 une dégradation des comptes sociaux, ce qui n’est pas très libéral. Dans le même temps, il devrait annoncer une hausse du déficit de l’État. Ce qui n’est pas non plus très libéral, et l’est d’autant moins que nos engagements européens (paraît-il preuves de lumière face à la lèpre nationaliste) nous obligent à revenir à l’équilibre. L’errance française en matière de finances publiques est donc impardonnable.

Mais c’est ainsi, Macron a beau être du nouveau monde, il aime autant l’État et l’étatisme que tous ses prédécesseurs depuis 1974.

Philippe doit enterrer le libéralisme devant le Parlement

Il est d’un usage commode, dans la presse complaisante, de présenter Édouard Philippe comme un père la vertu libéral, un peu plus rigoureux que le Président de la République. Là encore, le discours de politique générale qu’il doit prononcer devant le Parlement ce mercredi devrait infirmer fortement ce mythe contemporain.

Que devrait-il annoncer, en effet? D’abord que les règles d’indemnisation de l’assurance-chômage seront plus rigoureuses qu’auparavant, ce qui permettra de dégager des économies. Chemin faisant, on peut s’interroger sur l’acceptabilité sociale de cette décision qui frappera directement les plus démunis. Ensuite, que la dépendance de nos petits vieux sera mieux indemnisée par l’État. Il reprendra ici les conclusions du rapport Libault qui continue une longue politique d’étatisation de la protection sociale. Il annoncera probablement la sortie du projet de loi sur les retraites, qui étatise le système dans des proportions non conformes au droit communautaire.

Là encore, on sent bien que le gouvernement a cédé aux démons de l’ancien monde (qui l’ont toujours habité): il fait place nette à l’Etat en étendant son pouvoir d’intervention.

L’étatisation du chômage, un signe majeur d’illibéralisme

Au premier chef, on rappellera ici que l’Etat ne met pas un euro dans l’assurance-chômage. Au fil du temps, il s’est auto-proclamé en charge du placement des chômeurs. Mais la fonction assurantielle du dispositif relevait jusqu’ici de la seule négociation paritaire entre salariés et employeurs.

Manuel Valls en son temps avait commencé à empiéter sur cette construction en imposant un système de chômage spécifique pour les intermittents du spectacle, là où les partenaires sociaux avaient une autre approche. Macron et Philippe franchissent un Rubicon irréversible en imposant aux partenaires sociaux une révision brutale des critères d’indemnisation (la durée de cotisation minimale pour être indemnisée serait allongée de deux mois).

On peut comprendre les soucis d’économie qui inspirent ce choix. Mais une chose est sûre: la méthode est tout sauf libérale.

Expansion de la sécurité sociale

Nous l’avons précisé par ailleurs depuis plusieurs semaines, le gouvernement devrait écarté toute politique « libérale » en matière de dépendance. Depuis deux mois au moins, on sait qu’Emmanuel Macron penche plutôt en faveur de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour régler cette épineuse question des Français qui vieillissent mal et qui  n’ont pas les moyens d’être accompagnés.

Bien entendu, le choix ne sera pas « marketé » de cette façon. Mais le fond de l’arbitrage restera: alors qu’une solution privée aurait pu être trouvée, le gouvernement préfère étendre le domaine de la sécurité sociale. On ajoutera que personne ne prend garde ici à s’attaquer au problème de fond: l’espérance de vie en bonne santé en France est inférieure à l’espérance en Europe.

Dans ce mauvais état de santé de la population française, on verra d’abord l’effet d’un déficit en matière de prévention, qui illustre bien ce sport national qu’est l’indemnisation de la maladie plutôt que le développement de la prévention.

Sous couvert d’humanité, l’acte II du quinquennat ne sera pas libéral

On comprend mieux ici l’inspiration politique de l’acte II du quinquennat. Dans la foulée du mouvement des Gilets Jaunes, qui revendiquaient une baisse de la pression fiscale, on aurait pu imaginer qu’Emmanuel Macron s’attaquerait à la baisse de la dépense publique. Mais que nenni!

En réalité, au nom d’un acte II empli « d’humanité », le Président va continuer une politique de contrôle sur le pays qui passe notamment par l’extension du champ de l’intervention publique. On pouvait espérer un tournant libéral. On assiste seulement au tournant autoritaire d’un parti de l’Ordre qui utilise l’économie pour maintenir son assise politique.

Tous les moyens sont bons, désormais, pour Emmanuel Macron, pour limiter le débat et la confrontation de points de vue. A tout prix, il faut garder le contrôle du pays.


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