Le malaise français au travail est devenu un marronnier de la presse économique. Burn-out, perte de sens, "quiet quitting", difficultés de recrutement… Les symptômes sont partout, mais le diagnostic est rarement le bon. On nous parle de coût du travail, de charges, de complexité du code. Tout cela masque l'essentiel : la France crève d'un management fondé sur le mépris, l'infantilisation et le refus obstiné de l'autonomie du salarié.

Ce refus n'est pas accidentel. Il est systémique. Il est le produit d'une caste qui ne sait gouverner qu'en commandant, et qui ne se légitime qu'en postulant l'incapacité radicale de "l'autre" – le salarié, le citoyen, le peuple – à penser par lui-même.
Le fantôme de l'Ancien Régime
Il faut comprendre d'où parle notre élite managériale. Formée dans les mêmes écoles, cooptée selon les mêmes rites, elle perpétue une vision du monde qui doit plus à l'Ancien Régime qu'à la modernité industrielle. Dans cette conception quasi-aristocratique, le travail est divisé en deux catégories : ceux qui savent (la noblesse d'État ou d'entreprise) et ceux qui exécutent (le Tiers-État laborieux).

Le diplôme a remplacé le titre de naissance, mais la logique reste la même : l'autonomie n'est pas un droit universel, c'est un privilège de caste. Confier une responsabilité réelle, une capacité de décision à un "subalterne", c'est, pour cette technostructure, une forme de déchéance. C'est admettre que le "sujet" n'est pas seulement une paire de bras, mais un cerveau. C'est insupportable pour une hiérarchie dont la seule justification est de prescrire et de contrôler.
Cette culture du mépris vertical est le terreau sur lequel toutes les réformes managériales échouent ou, pire, se retournent contre ceux qu'elles étaient censées servir. L'exemple du Lean Management en est la démonstration la plus cinglante.

