La responsabilité du Titanic (ou comment Lecornu a nationalisé le dictionnaire), par Veerle Daens

La responsabilité du Titanic (ou comment Lecornu a nationalisé le dictionnaire), par Veerle Daens


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Il faut parfois rendre hommage à l’audace. Pas celle de l’entrepreneur qui hypothèque sa maison pour créer de la valeur – cette audace-là est morte depuis longtemps sous les coups de boutoir de l’URSSAF. Non, je parle de l’audace sémantique de nos maîtres. Cette capacité fascinante à vous regarder dans le blanc des yeux, la main profondément enfoncée dans votre poche, pour vous expliquer que s’ils vous la font (la poche...), c’est par pure grandeur d’âme.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu vient de nous en offrir un chef-d’œuvre absolu sur X (ex-Twitter, devenu le dernier refuge de la propagande d’État décomplexée).

Le contexte, vous le connaissez : le Parlement vient d’adopter un PLFSS qui ferait passer une chaîne de Ponzi pour un modèle de rigueur luthérienne. Les déficits explosent, la trajectoire budgétaire promise à Bruxelles est devenue une blague de fin de banquet, et le système de santé français ressemble à un patient sous morphine qui continue de commander du champagne au room service.

Budget de la sécu : la liste complète de ce qui a été adopté
L’Assemblée Nationale vient d’adopter à une courte majorité (247 voix pour, 234 contre, et 93 abstentions) le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Nous en listons ici les mesures exhaustives qui vont changer votre vie quotidienne. On notera qu’il reste à Sébastien Lecornu à faire

Et que nous dit notre Premier ministre, avec cet aplomb de gendre idéal qui vient de vendre les bijoux de la grand-mère ? Il qualifie ce vote de « preuve de responsabilité ».

Arrêtez tout. Posez votre café. Respirez.

Nous sommes officiellement entrés dans la phase terminale de la Novlangue. George Orwell, s’il était encore de ce monde, porterait plainte pour concurrence déloyale.

Parlementaires, sauvez la France au lieu de sauver votre siège!
Il est des rituels dans la République finissante qui tiennent plus de la messe des morts que de la délibération démocratique. L’examen automnal du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) est de ceux-là. Alors que la France s’enfonce dans l’hiver démographique et que ses comptes sociaux

La responsabilité, version Léviathan

Dans le monde réel – celui où vous et moi vivons, celui où l’on ne peut pas imprimer de l’argent dans sa cave –, la responsabilité consiste à ne pas dépenser ce que l’on n’a pas. Si je gérais mon budget comme l’État gère la Sécu, je serais fichée Banque de France et mes enfants seraient placés.

Braun-Pivet révèle enfin le grand secret de l’Assemblée Nationale, par Veerle Daens
Il faut parfois rendre grâce à nos dirigeants. Non pas pour leur efficacité, faut pas pousser, mais pour ces rares moments de lucidité involontaire où, pris de panique, ils lâchent le morceau. Merci donc, infiniment, à Yaël Braun-Pivet. Les personnels de l’Assemblée nationale font preuve d’un dévouement et

Mais dans la stratosphère administrative, les mots ont subi une inversion de polarité magnétique :

  • La faillite, c’est la solidarité.
  • La spoliation, c’est la justice.
  • Et donc, voter un budget insincère, c’est être responsable.

Pourquoi ? Parce que pour la caste technocratique qui nous gouverne, le danger n’est pas la ruine du pays (ça, c’est pour demain, et demain est un autre mandat). Le danger, le seul, l’unique, c’est l’arrêt de la machine à cash. Le fameux « shutdown ».

Pour Monsieur Lecornu, être « responsable », ce n’est pas soigner les finances ; c’est s’assurer que le Léviathan continue de manger à sa faim. Peu importe que le repas soit payé avec de la dette toxique que vos petits-enfants ne finiront même pas de rembourser. L'essentiel est que le Parlement, cette chambre d'enregistrement transformée en théâtre de Guignol, ait appuyé sur le bouton vert.

La démocratie à bout de souffle (et à découvert)

Ce tweet est l'aveu cynique que notre démocratie représentative ne représente plus rien d'autre que sa propre survie. Nous ne sommes plus gouvernés par des gestionnaires, mais par des syndics de faillite qui tentent de nous vendre les meubles avant la saisie.

Les engagements européens ? De la littérature. La France avait promis de revenir dans les clous ? Balivernes. Dans cette logique inversée, respecter sa parole (et donc réduire la dépense) serait « irresponsable » car cela provoquerait des remous sociaux. La lâcheté est devenue la vertu cardinale de la République.

Chronique d’une faillite annoncée : la « Sécu » est morte, le rapport de la Cour le confirme, par Veerle Daens
Les grands prêtres de la comptabilité publique, nos “sages” de la Cour des comptes, viennent de publier leur dernier bulletin nécrologique. Ils le nomment poliment une « communication », mais le diagnostic est sans appel : notre système de Sécurité sociale n’est pas “en difficulté”. Il est en état de mort clinique, maintenu

Ils ont réussi le tour de magie ultime : transformer un passif colossal en actif moral. Ils vous expliquent, sans trembler, qu'éviter le mur en accélérant est une manœuvre de pilote chevronné.

Alors, chers lecteurs, réjouissez-vous. Ce PLFSS est une catastrophe comptable, une insulte à l'arithmétique et un crime intergénérationnel. Mais puisque le Premier ministre vous dit que c’est « responsable », vous pouvez dormir tranquilles.

Enfin, dormez d'un œil. L'autre devrait surveiller votre portefeuille. Car quand l'État se félicite de sa propre vertu, c'est généralement qu'il s'apprête à augmenter les impôts avec une violence inédite.

La responsabilité, la vraie, c'était de dire non. Ils ont dit oui. Ils appellent ça du courage. Nous appelons ça de la complicité.

Atlas ne hausse même plus les épaules. Il se marre, et il se barre.


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