Crise à Madagascar : Rajoelina acculé, Macron en arbitre caché

Madagascar est plongée dans une crise institutionnelle profonde. Le président Andry Rajoelina, fortement contesté, a pris la parole depuis un lieu inconnu, lundi 13 octobre, pour affirmer qu'il ne démissionnerait pas et qu'il avait quitté le pays en raison d'une menace sur sa vie. Au cœur de ce drame politique, une information a soulevé nombreuses interrogations : l'exfiltration de Rajoelina par un avion militaire français.

Après plusieurs jours de silence, le président Andry Rajoelina est finalement réapparu.Lors d'un direct tardif diffusé sur les réseaux sociaux, le président malgache Andry Rajoelina, exfiltré par un avion militaire français, s’est adressé à la nation depuis un lieu inconnu (à Dubaï selon certaines sources). Il y affirme ne pas démissionner et appelle ses concitoyens à « respecter la Constitution ». Mais derrière cette mise en scène, une question cruciale s’impose : quelle est la part de la France dans cette crise malgache ?

La fuite de Rajoelina et son appel à la Constitution

Depuis fin septembre, les manifestations menées par la jeunesse malgache — notamment le mouvement Gen Z — ont pris une ampleur sans précédent.

Accusé d’autoritarisme, de corruption, de clientélisme et d’inaction face à la pauvreté endémique, Rajoelina fait face à une fronde aussi bien civile que militaire.

Le CAPSAT, unité historique de l’armée, a refusé de tirer sur les manifestants et a rejoint le mouvement de contestation. Cette mutinerie rappelle les événements de 2009, lorsque le même corps avait contribué à la chute du président Marc Ravalomanana… pour porter Rajoelina au pouvoir.

L’histoire semble donc se répéter, mais cette fois, les alliances ont changé : Rajoelina est devenu la cible du système qu’il avait jadis incarné.Face à cette vague de contestation , le président Rajoelina a choisi la fuite.

Lors de son allocution diffusée sur les réseaux sociaux, il affirme être en "lieu sûr" suite à une "tentative de meurtre" et un projet de coup d'État datant du 25 septembre, il a rejeté les appels à la démission. Andry Rajoelina a déclaré être « en mission à l’étranger pour négocier l’importation de groupes électrogènes » destinés à renforcer la production énergétique du pays. La seule issue pour résoudre la crise, selon lui, est le « respect de la Constitution » – celle-là même qui l'a mené à une réélection très disputée.

Cette rhétorique constitutionnelle contraste fortement avec les réalités du terrain : des milliers de manifestants en liesse et, plus grave encore pour son pouvoir,la démission de son bras droit, le général Richard Ravalomanana, Président du Sénat et la défection d'une frange de l'armée.

Une exfiltration française qui dérange

L’annonce de son évacuation par un avion de l’armée de l’air française a provoqué colère et malaise à Madagascar.

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Interrogé lors du sommet de la paix à Charm El Cheikh, Emmanuel Macron a refusé de confirmer l'exfiltration, tout en insistant sur la nécessité de préserver « l’ordre constitutionnel » et la « continuité institutionnelle » à Madagascar.

Il a exprimé « la grande préoccupation de la France » face à la situation à Madagascar. Le président français a également évoqué la jeunesse malgache, saluant « une jeunesse qui s’est exprimée, qui veut vivre mieux ».

Le président français, tout en prônant la « stabilité institutionnelle » et le « respect de la Constitution », adopte un ton paternaliste familier lorsqu’il évoque « l’amitié de la France pour le peuple malgache »tout en estimant qu’« il ne faut pas qu’elle soit récupérée par des factions militaires ou des ingérences étrangères ».

Derrière ce discours diplomatique se cache une évidence : la France reste un acteur décisif, voire incontournable, dans les crises politiques africaines, et Madagascar n’y échappe pas.

L'octroi d'une remise de peine au Franco-Malgache Paul Maillot Rafanoharana, emprisonné pour tentative de coup d'État, juste avant l'allocution présidentielle, ajoute une dimension de complexité diplomatique. Ce geste, qui dénoue un point de crispation entre Paris et Antananarivo, peut être interprété comme un signe de bonne volonté ou même un troc politique dans le contexte de l'aide à l'exfiltration, soulignant à nouveau l'influence disproportionnée de la France sur les affaires intérieures de l'île.

Ce rôle ambigu interroge, en cherchant à préserver l’ordre constitutionnel, la France protège aussi, sans le dire, ses intérêts économiques et stratégiques, notamment dans les domaines minier et énergétique à Madagascar.

L’appel d’Andry Rajoelina à « respecter la Constitution » sonne comme une tentative de légitimer son maintien au pouvoir malgré la défiance populaire.
Mais cette crise va bien au-delà d’une querelle politique interne : elle expose une vérité dérangeante.
Madagascar, plus de soixante ans après son indépendance, demeure encore sous l’ombre d’une tutelle étrangère.