C’est une ironie de l’Histoire dont l’Europe a le secret, une de ces facéties tragiques qui renverse les tables et bouscule les certitudes les mieux ancrées. Alors que le "camp du Bien", emmené par une Commission européenne en roue libre et une administration Biden crépusculaire, exigeait la tête de la Russie sur un plateau d'argent — ou plutôt, ses avoirs —, la résistance n'est venue ni de Budapest, ni de Rome, ni même de Paris. Elle est venue de Bruxelles. Ou plus précisément, d'Anvers.

Bart de Wever, figure de proue du nationalisme flamand et nouvel homme fort du gouvernement belge, vient de poser un acte qui fera date. En refusant net l'utilisation des actifs russes gelés (majoritairement détenus par l'organisme Euroclear, sis en Belgique) pour financer la reconstruction de l'Ukraine, il ne se contente pas de jouer les trouble-fêtes. Il incarne, contre toute attente, la seule véritable position souverainiste en Europe occidentale.
Ce refus, motivé par une lecture stricte du droit de propriété et une défense pragmatique des intérêts nationaux, mérite que l’on s’y attarde. Car il révèle, en creux, l’effroyable vacuité des autres "leaders" européens et nous place, nous observateurs attachés à l'indépendance des nations, face à un cas de conscience douloureux mais nécessaire.

La digue belge contre la marée atlantiste
Pour comprendre la portée du geste de Bart de Wever, il faut d'abord saisir la mécanique du piège qui était tendu à la Belgique.
Depuis des mois, les États-Unis et la Commission européenne exercent une pression colossale pour que les quelque 200 milliards d'euros d'actifs de la Banque centrale russe, gelés chez Euroclear, soient purement et simplement saisis, ou du moins utilisés comme collatéral pour lever une dette massive au profit de Kiev. L'idée, séduisante sur le papier pour les bellicistes de salon, est un cauchemar juridique et financier.
Bart de Wever, en bon libéral conservateur, a immédiatement identifié la faille tectonique de ce projet. La propriété privée, pierre angulaire de notre civilisation juridique et du capitalisme rhénan, ne peut être bafouée au gré des humeurs géopolitiques sans conséquences dévastatrices. Saisir ces avoirs sans belligérance officielle, c’est ouvrir la boîte de Pandore : qui fera encore confiance à l'Euro ? Qui déposera encore ses réserves à Bruxelles si elles peuvent être confisquées sur une décision politique ?

Mais au-delà du principe, c'est la méthode de De Wever qui force le respect. Il n'a pas hurlé à la lune. Il a posé une condition sine qua non, d'une logique implacable : la solidarité.
Le raisonnement est le suivant : si la Belgique accède à la demande européenne et viole le droit international, elle s'expose à des représailles juridiques et financières féroces de la part de Moscou. Euroclear pourrait être visé, déstabilisant tout le système financier belge. De Wever a donc mis l'Europe au pied du mur : "Vous voulez l'argent russe ? Très bien. Mais signez d'abord un traité de garantie stipulant que l'Union européenne couvrira solidairement l'intégralité des risques et des coûts juridiques que la Belgique devra supporter."
Le silence fut assourdissant. Ni Paris, ni Berlin, ni la Commission n'ont voulu signer un tel chèque en blanc. Face à cette hypocrisie collective — celle qui consiste à vouloir la guerre avec l'argent des autres tout en refusant d'en assumer les risques —, Bart de Wever a tiré la seule conclusion souveraine possible : le refus. Pas de garantie, pas de saisie.
C’est un acte de gouvernement. C’est la primauté de l’intérêt national (la stabilité financière de la Belgique) sur le diktat moralisateur de l’ordre occidental.
Le déchirement moral : quand le diable a raison
Écrire ces lignes est, pour l'auteur que je suis, une épreuve intime. Il faut ici tomber les masques et regarder l'Histoire en face, aussi laide soit-elle.

