Traité sur les pandémies de l’OMS : un accord « de principe » qui menace la souveraineté des États membres

Traité sur les pandémies de l’OMS : un accord « de principe » qui menace la souveraineté des États membres


Partager cet article

Après trois ans de négociations intensives déclenchées par la crise du COVID-19, les membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont trouvé un accord de principe sur un cadre commun pour prévenir et répondre aux futures pandémies. Ce traité, qui doit encore être finalisé, vise à renforcer la coopération internationale et à éviter les erreurs commises durant la pandémie.Ce futur traité sur les pandémies permettra une gouvernance mondiale des politiques de santé  pour tous ses États-membres sans consultation démocratique, et rapidement jugé « contraignant » et qualifié de « liberticide » par nombreux pays africains et certains états membres. Selon eux, la réforme donne au directeur de l’OMS les pleins pouvoirs au détriment des institutions souveraines des Etats.

Emmanuel Macron et Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, lors d’une rencontre en juin 2019

Depuis 2021, les États membres de l’OMS négocient un texte juridiquement contraignant afin de mieux coordonner la réponse mondiale face aux futures urgences sanitaires. Samedi dernier, un accord de principe a été trouvé, fruit d’une session marathon de près de 24 heures. Claire Amprou, coprésidente de l’organe de négociation et ambassadrice de France pour la santé mondiale, a confirmé que les dernières retouches du traité auront lieu mardi à Genève. Le document devra ensuite être validé lors de l’Assemblée mondiale de la santé, prévue fin mai.L’OMS ne cesse d’interpeller sur l’importance de planifier à l’avance la réponse à une hypothétique prochaine pandémie. Accessoirement, la dernière pandémie fut l’occasion d’enrichir considérablement ses quelques partenaires comme Pfizer, BioNTech, Moderna, AstraZeneca ou Johnson&Johnson.

Transfert de technologie : un enjeu clé pour les pays en développement

L’un des points majeurs de l’accord concerne le partage des technologies de production de vaccins et de traitements avec les pays les plus pauvres. Cette question avait cristallisé les tensions durant la pandémie, lorsque les nations riches avaient accaparé les doses, laissant les autres pays sans protection.

Cependant, certains États, où l’industrie pharmaceutique est un secteur économique stratégique, s’opposent à des transferts obligatoires, préférant des mécanismes volontaires. Le compromis trouvé reste en deçà des attentes initiales, mais constitue une avancée significative.Pour Michelle Childs, de l’ONG DNDi, « l’accord de pandémie ne sera pas parfait », mais il constitue « un plancher, pas un plafond », posant les bases d’une coopération mondiale .

Les USA, le grand absent des négociations

Malgré les avancées, les négociations restent marquées par la méfiance. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, certains commentateurs dénoncent un risque de perte de souveraineté nationale. En février, l’ancien président américain Donald Trump a même ordonné le retrait des États-Unis de l’OMS et des discussions, affaiblissant le consensus.Les USA étaient le grand absent de ces négociations, Trump ayant annoncé dès son retour à la Maison Blanche que les USA quittaient l’organisation.Pourtant, le pays finançait l’OMS à hauteur de 20 % de son budget chaque année, ce qui en fait son principal bailleur. Le retrait américain de l’OMS ne sera effectif que d’ici un an, peut-être six mois selon les interprétations juridiques.

Dans les rues de Genève, de petits groupes de militants expriment leur défiance à l’égard de l’organisation onusienne. L’un d’eux arborait une pancarte avec le message : « L’OMS vous a-t-elle prévenus, mes personnes ? », dénonçant un manque de transparence perçu pendant la pandémie.

Pourtant selon l’OMS, les menaces ne cessent de croître : la grippe aviaire H5N1 infecte de nouvelles espèces, la rougeole réapparaît dans 58 pays, et le mpox se propage en Afrique centrale, notamment en RDC, au Burundi et en Ouganda. Autant de signaux d’alarme qui rendent indispensable une meilleure coordination internationale, alerte la bureaucratie sanitaire.

Bien que perfectible, cet accord marque une avancée majeure dans la coopération sanitaire internationale. Il reste à voir comment les États mettront en œuvre ces engagements.Pour ce futur traité, si les pays européens mettent l’accent sur la prévention et le financement, les pays africains insistent plutôt sur l’accès équitable aux tests, aux vaccins et aux traitements. La ratification finale en mai prochain sera un test décisif pour la crédibilité de l’OMS et la volonté des nations de tirer les leçons du passé.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Liberté d’expression en péril: le duo États-GAFAM fabrique l'autocensure
Photo by Valery Tenevoy / Unsplash

Liberté d’expression en péril: le duo États-GAFAM fabrique l'autocensure

Le dernier rapport de l’UNESCO révèle un recul historique de la liberté d’expression dans le monde. Entre autocensure, menaces physiques et numériques, les journalistes paient un lourd tribut. La liberté d’expression traverse une crise inquiétante. Selon le rapport de l’UNESCO publié ce 15 décembre 2025, elle a reculé de 10 % depuis 2012, atteignant son niveau le plus bas depuis des décennies. Cette érosion est directement liée à la montée des violences contre les journalistes et à l’autocensur


Rédaction

Rédaction

Santé et niveau de vie: comment l'État-providence a creusé le fossé des inégalités

Santé et niveau de vie: comment l'État-providence a creusé le fossé des inégalités

Malgré un État-providence omniprésent et un budget social colossal, l'écart de l'espérance de vie entre riches et pauvres se creuse. Selon l’étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), lundi 15 décembre, les plus modestes vivent moins longtemps, et l’écart se creuse. Un constat brutal qui interroge l’efficacité réelle des politiques sociales et sanitaires. La promesse centrale de l’État social français est connue : réduire les inégalités par la red


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Bart De Wever, agent de Poutine ou seul adulte dans la pièce? par Veerle Daens

Bart De Wever, agent de Poutine ou seul adulte dans la pièce? par Veerle Daens

Le Premier Ministre belge, Bart de Wever, a déclaré lors d'une conférence universitaire, que non seulement la Russie ne perdrait pas la guerre, mais qu'il n'était pas souhaitable qu'elle la perde. Une vraie provocation vis-à-vis de l'OTAN. Sarcasme. Réalité. Et pas un seul kopeck de subvention. Ah, Bruxelles! Ses gaufres, son Manneken Pis, et ses bureaucrates non élus qui jouent au Monopoly avec votre compte en banque. C'est la saison des fêtes, et comme cadeau, la Commission Européenne a déci


CDS

CDS

L'UE meurt plus vite avec l'Ukraine qu'avec le Frexit, par Thibault de Varenne

L'UE meurt plus vite avec l'Ukraine qu'avec le Frexit, par Thibault de Varenne

Ce 16 décembre 2025 restera sans doute gravé dans les annales de l'histoire européenne non pas comme le jour où l'Union a sauvé l'Ukraine, mais comme le moment précis où elle a décidé de sacrifier ce qui lui restait de principes fondateurs — la liberté d'expression, la sécurité juridique, et la souveraineté nationale — sur l'autel d'une guerre qu'elle ne peut plus gagner, mais qu'elle s'interdit de perdre. La machine bruxelloise, cette formidable créatrice de normes devenue une machine à broyer


Rédaction

Rédaction