Passe vaccinal : coup de théâtre, levée de séance et ras-le-bol des députés

Passe vaccinal : coup de théâtre, levée de séance et ras-le-bol des députés


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Par Lauriane B. – Olivier Veran avait annoncé qu’il passerait la nuit à défendre le projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire ». Depuis quelques jours les parlementaires faisaient des paris autour de la durée de l’examen du texte. Aux alentours de minuit, il restait plus de 500 amendements à examiner. La présidente Annie Genevard demande un vote sur la prolongation des débats et lève la séance.

Mathilde Panot et Nicolas Dupont-Aignant rappellent la bienséance.

C’est la député LFI Mathilde Panot qui ouvre le bal en prenant la parole aux environs de 22h pour rappeler qu’en commission des lois, il y avait moitié moins d’amendements à discuter et que les débats avaient commencé à 14h30 pour finir à 2h du matin. Elle précise qu’elle a le sentiment que l’Assemblée « donne l’impression qu’on vote ce texte en catimini ». La présidente commence par lui répondre que ce n’était pas la première fois qu’une loi était étudiée la nuit et que l’emploi du temps parlementaire du lendemain ne permettait pas d’être plus flexible sur le calendrier. Elle admet cependant « l’exercice est difficile et je ne suis pas certaine que nous y parviendront ».

Nicolas Dupont-Aignan, député non-inscrit, revient à la charge plus tard dans la soirée et demande à la présidente de se raviser. Il interroge l’Assemblée sur l’absence dignité dans le fait priver de libertés des millions de français entre minuit et 6h du matin. Il rappelle l’importance de l’image donnée de la représentation nationale « au moment où le prestige de notre Assemblée perd beaucoup de son aura ».

A la surprise de tous, la présidente de séance demande une suspension afin de consulter présidents des groupes. En application de l’article 50 alinéa 5 du règlement de l’Assemblée Nationale, cette dernière demande aux députés de se prononcer sur la tenue des débats au-delà de minuit. Dans la cohue générale, les parlementaires n’étant pas tous à leur place, elle compte les votes à mains levées, évènement quasi-inédit et tout de même quelque peu burlesque.

Un passage en force en demi-teinte pour la majorité.

Le ministre de la santé est censé être auditionné par le Sénat à 17h30 demain. Comme évoqué dans un article précédent, le gouvernement avait prévu une promulgation de la loi au 15 janvier 2022, en ne tenant absolument pas compte des potentiels imprévus de la navette parlementaire et du délai de saisine et d’examen du Conseil constitutionnel. C’est le premier caillou dans la chaussure dans le parcours de l’exécutif jusqu’ici. Il appartiendra maintenant à la conférence des présidents de déterminer les conditions dans lesquelles le texte sera réexaminé.

Malgré l’effet de surprise de la situation, il ne faut cependant pas se faire de grandes illusions sur l’adoption du texte. Il faut bien admettre que le gouvernement s’est retrouvé en partie lâché par sa majorité sur la suspension des débats mais LREM, le groupe Agir Ensemble et le Modem ont déjà fait connaitre leur intention de voter en faveur du projet de loi, tandis que les députés communistes, LFI et RN se sont positionnés contre. La surprise peut toujours venir du groupe Socialiste et apparentés et de LR qui n’ont pas tous l’intention de suivre les consignes de vote de leur parti politique respectif.

Les députés de l’opposition souhaitent faire passer un message plutôt que faire la révolution.

Un seul homme décide seul à l’aide d’un conseil de défense de toutes mesures sanitaires depuis le début de cette crise et les parlementaires veulent, un peu tard (voire trop tard), rappeler qu’on ne peut pas se passer du débat démocratique. Les oppositions veulent imposer leur timing et ne pas se voir encore et toujours réduire leur temps de parole à peau de chagrin. Il faut dire que le projet de loi va vraiment loin cette fois (notamment concernant la vaccination des mineurs) et que les députés se sont déjà laissés amadouer avec les soi-disant mesures temporaires du passe sanitaire, puis leur extension dans le temps et à la vie quotidienne.

Ce texte entraine aussi une forte tension dans la société et l’ensemble des parlementaires, majorité inclue, l’a bien compris. Certains ont reçu des injures et menaces de mort, comme a pu en témoigner Stéphanie Rist entre autre, qui a décidé de porter plainte. C’est sans doute en ayant tous ces éléments à l’esprit qu’Annie Genevard a pris la décision d’organiser un vote sur la prolongation des débats.

Olivier Veran jouera certainement l’alarmiste en prochaine séance et insistera sur l’urgence de prendre des mesures de protection pour les français dans un contexte sanitaire catastrophique afin de reprendre la main.


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