ONU : le monde à une croisée cruciale des chemins

ONU : le monde à une croisée cruciale des chemins


Partager cet article

L’Assemblée générale de l’ONU a donné lieu à un excellent discours d’Emmanuel Macron, pour une fois moins verbeux que d’habitude même s’il a duré 40 minutes, et à un discours totalement antagoniste de Donald Trump. L’équilibre mondial hésite désormais entre le multilatéralisme vanté par Emmanuel Macron, et le retours au bilatéralisme voulu par Donald Trump. La diplomatie doit-elle se dérouler dans de grands forums internationaux ? Ou se donne-t-elle d’État à État, comme ce fut le cas jusqu’à la création de la Société des Nations au sortir de la Première Guerre Mondiale ? La question est posée.

2019 demeurera sans doute comme un tournant fondamental dans l’histoire des nations et des relations internationales. Cent ans après la création de la société des nations, les grands États s’interrogent sur la pertinence du multilatéralisme. Faut-il ou non préserver cette ambition de régler les différends mondiaux dans des instances où tous se retrouvent pour discuter et négocier ? Ou faut-il revenir aux mécanismes antérieurs, où le destin du monde procédait d’une suite d’une relations bilatérales ?

Trump prend acte de l’échec du multilatéralisme

Sur ce point, le discours de Donald Trump a levé toutes les ambiguïtés. Le président américain a, à juste titre, pris acte de l’échec du multilatéralisme en prenant l’exemple de la Chine et de l’organisation mondiale du commerce.

Pour le président des Etats-Unis, l’entrée de Pékin dans l’OMC, en 2001, n’a pas eu le but escompté, à savoir « libéraliser son économie« . La Chine, pour Donald Trump, a adopté au contraire un système basé sur « la manipulation, l’espionnage et le vol« .

L’une des grandes croyances de l’Occident repose en effet sur la conviction que le commerce et le multilatéralisme sont la meilleure voie pour la paix. Concernant la Chine, le projet de l’intégrer à la sphère des démocraties occidentales par des mécanismes de libre-échange était effectivement dans tous les esprits dans les années 90. Vingt ans plus tard, le miracle ne s’est pas produit : la Chine reste une dictature communiste qui utilise le multilatéralisme pour affaiblir l’Occident plutôt que l’inverse.

Sur ce point, Donald Trump aurait pu nuancer son avis. Les récents événements de Hong-Kong, les dernières décisions chinoises sur la valeur du yuan montrent que la rupture avec l’Occident n’est pas forcément simple à décider. Des analystes fins pourraient considérer que, à long terme, l’intégration de la Chine au commerce mondial, si elle a incontestablement plus enrichi la Chine que l’Occident, ne dysfonctionne pas complètement. Il n’en reste pas moins qu’un bilan à dresser après vingt ans ou presque d’adhésion chinoise à l’OMC n’est pas en faveur du libre-échange.

Emmanuel Macron ne lui donne pas forcément tort

Implicitement, Emmanuel Macron a plutôt abondé dans le sens de Donald Trump. Dans un moment de lucidité qui nous sort des habituelles rodomontades sur l’Union Européenne garante de la paix, le président français a rappelé que la stabilité d’après-guerre s’était construite grâce à la bipolarité entre l’URSS et les USA. Ah! le bon temps de la division entre capitalistes et communistes! Les choses étaient claires à cette époque, et ne ressemblaient pas à ce gloubi-boulga permanent des G7 et des conférences de Paris où l’on ne sait plus qui défend quoi.

Sur ce point, les propos de Macron sur la difficulté à construire un nouvel équilibre mondial depuis la chute du mur de Berlin, même s’il a été furtif, est un constat selon nous essentiel. Au fond, la tentative de multilatéralisme intégral à l’oeuvre depuis 1990 ne fonctionne pas, et personne n’a trouvé la bonne formule pour stabiliser l’ordre international. D’où des instabilités, des incertitudes, des tensions, d’où l’Irak et les pays arabes ont largement fait les frais.

Des tensions fortes qui pourraient dégénérer

De l’aveu même de ces deux chefs d’État, la possibilité de confrontations directes n’a jamais été aussi proche. Les propos de Donald Trump sur la Chine qui manipule, espionne et vole, en sont un bon marqueur. Ses propos sur l’Iran n’étaient pas plus rassurants. Tout l’Occident sait que le complexe militaro-industriel américain, largement allié à l’Arabie Saoudite et au salafisme, pousse à la guerre contre ce « rogue state » qui a soutenu la Syrie face aux mouvements rebelles soutenus par les Saoudiens et les Occidentaux.

On a bien tort de moquer les efforts d’Emmanuel Macron pour réconcilier les deux parties. Donald Trump a jusqu’ici résisté aux sirènes de son gouvernement profond qui lui propose clé en main des solutions militaires. Mais combien de temps le président américain pourra-t-il refuser cette option, alors qu’une procédure d’impeachment risque de le contraindre à chercher le maximum d’appuis intérieurs ?

On voit bien que le désordre mondial qui se met en place interroge le besoin d’un multilatéralisme autant qu’il en montre les limites. Dans tous ces débats, une certitude semble acquise : le format de l’ONU est périmé et ne suffit plus, ou ne permet plus, d’éviter les conflits dans le monde, et n’évitera peut-être pas le prochain conflit mondial.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Louvre : les intouchables de la République, par Veerle Daens

Louvre : les intouchables de la République, par Veerle Daens

Le vol des joyaux de la Couronne n'est pas le vrai scandale. Le vrai scandale, c'est que personne n'a payé. En sept minutes, une poignée de criminels a exposé la faillite d'une institution d'État, le Louvre, mais surtout la faillite morale d'un système : la république des copains-coquins, où la responsabilité est un concept réservé au bas peuple. Au cœur de cette débâcle se trouve Laurence des Cars, présidente-directrice du musée. Son maintien en poste est une masterclass sur le privilège d


CDS

CDS

Croissance: quand l’État s’efface, l'économie s'envole
Photo by Headway / Unsplash

Croissance: quand l’État s’efface, l'économie s'envole

Le vent tourne pour l'économie française. L’INSEE annonce une croissance de 0,5 % au troisième trimestre 2025, supérieure aux 0,3 % attendus. Ce rebond n’est pourtant pas dû à une politique publique visionnaire, mais bien au dynamisme spontané des acteurs privés, notamment à l’exportation. La croissance française surprend au troisième trimestre 2025 (+0,5%), dépassant les attentes. Portée par des exportations et une production dynamiques, cette accélération confirme notre thèse : "moins il y a


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Vaccins COVID : vague de procès en Europe, les Pays-Bas en première ligne
Photo by Mathurin NAPOLY / matnapo / Unsplash

Vaccins COVID : vague de procès en Europe, les Pays-Bas en première ligne

Dans un contexte où la pandémie de COVID-19 continue de susciter des débats passionnés sur la sécurité des vaccins ARNm, une affaire judiciaire aux Pays-Bas fait couler beaucoup d'encre. Depuis juillet 2023, sept citoyens néerlandais, se présentant comme victimes de dommages graves (physiques et mentaux) suite à leur vaccination, ont intenté une action civile devant le tribunal de district de Leeuwarden contre 17 entités et personnalités influentes. Parmi les accusés : Bill GATES (via sa fondat


Isabelle Hock

Isabelle Hock

Citoyens ! le train de la censure macroniste entre en gare !

Citoyens ! le train de la censure macroniste entre en gare !

La macronie ne rate jamais une occasion de se draper dans les grands principes pour mieux les piétiner. La dernière trouvaille sortie du chapeau de la technostructure, en marge du Forum de Paris sur la Paix ce 29 octobre 2025, s'intitule pompeusement : "Déclaration de Paris sur l’action multilatérale pour l’intégrité de l’information". Un titre qui fleure bon la démocratie, le pluralisme et la lutte contre les méchants désinformateurs. Pourtant, quiconque connaît le principe élémentaire de


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe