A Madagascar, le régime d’Andry Rajoelina, miné par la pauvreté et les inégalités, tente de se protéger à tout prix face à la révolte de la jeunesse malgache.

Lundi, la nomination du général Fortunat Ruphin Zafisambo au poste de Premier ministre, en remplacement de Christian Ntsay, illustre un réflexe bien connu des régimes affaiblis : militariser le pouvoir pour maintenir le contrôle. Le 6 octobre dernier, le président malgache, Andry Rajoelina a voulu projeter une image d’autorité et de continuité, mais cette stratégie est une fuite en avant. La nomination d'un militaire à la Primature sonne moins comme une réforme que comme un verrou sécuritaire sur un pouvoir en déroute.
Le verrou militaire : l'ultime tentative de sauvegarde
Depuis deux semaines, ce qui avait commencé comme un ras-le-bol des coupures incessantes d'eau et d'électricité a tourné à la crise politique, la jeunesse malgache, emmenée par la Gen Z, réclame désormais le départ du président Andry Rajoelina.
Étudiants, membres de la société civile, artistes et influenceurs, membres de l'opposition... dénoncent un régime qui a confisqué l’avenir de tout un peuple. Outre la démission du président, les slogans réclament plus de justice et d’équité, dans un pays où l’ascenseur social semble définitivement en panne.
Face à cette pression — le Président Rajoelina refuse la démission. Sa réponse est emblématique d'un pouvoir qui privilégie la survie à la réforme.

L’arrivée du général Zafisambo à la Primature, ancien directeur de cabinet du Premier ministre sortant, ressemble davantage à un recyclage politique qu’à une réelle réforme. Les premiers membres du nouveau gouvernement ne font que renforcer cette impression : tous sont issus du même cercle, tous sont des hommes de confiance du président.
« Encore un pion du même cercle, encore un soldat du système », dénonce la Gen Z. Et elle a raison. Car à Madagascar, le pouvoir ne se renouvelle pas : il se protège.
Hier soir les premiers membres du nouveau Gouvernement étaient nommés, à savoir le Ministre des Forces armées : Général de Division Deramasinjaka Manantsoa Rakotoarivelo. Chef d'Etat-Major des Armées avant sa nomination, le Ministre de la Sécurité publique : Contrôleur Général de Police Mandimbin'ny Aina Randriambelo, secrétaire générale du ministère avant sa nomination, et enfin le ministre délégué chargé de la Gendarmerie nationale : Général de Corps d'Armée Andriantsarafara Rakotondrazaka, qui est reconduit.
Avec ces nominations, Rajoelina tente de s’assurer le soutien des forces armées, dernier rempart contre la rue. Mais pour les observateurs, cette manœuvre révèle surtout une peur panique : celle de perdre le contrôle d’une jeunesse désormais décomplexée et consciente de sa force.
Refus d'un "faux dialogue" avec Andry Rajoelina
Face à la colère populaire, le président appelle au dialogue , promettant de “mieux écouter les problèmes de la population”. Une rhétorique qui sonne creux. Car pendant qu’il parle de dialogue, ses forces répriment brutalement les manifestations et les enlèvements arbitraires se multiplient.

Les manifestants épuisés mais déterminés, refusent de se taire. Ils dénoncent un pouvoir corrupteur et autoritaire qui prétend gouverner au nom du peuple tout en muselant la rue.
Les membre de la Gen Z, l’association nationale des étudiants des universités (Assedu Mada) et certains organes de presse refusent de participer à la rencontre à laquelle le Chef de l’État les convie cet après-midi. Ils rejettent un « faux dialogue » où la parole est à sens unique.
Pour rappel, la GEN Z, a fixé lundi soir un "ultimatum" de 48 heures au président pour répondre à ses revendications, parmi celles-ci, la dissolution du Sénat, l’ouverture d’enquêtes sur l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, un proche du président Rajoelina.
Le régime Rajoelina n’a pas échoué par malchance : il a échoué par nature. En seize ans, il a perfectionné un système où les élites s’enrichissent grâce à la corruption et au corporatisme, où les proches du pouvoir prospèrent à l’ombre des monopoles, et où la jeunesse ( 70% de la population malgache ont moins de 30 ans) survit dans la débrouille. La pauvreté, elle, n’a cessé de croître, nourrissant une frustration explosive.

Commentaires ()