Après la prise du pouvoir par les militaires à Madagascar, Paris et l’Union africaine appellent à la préservation de la démocratie et à un retour rapide à l’ordre constitutionnel.La suspension par l'UA est une sanction logique, tandis que l'appel français, teinté par des allégations d'exfiltration, rappelle les complexités et les ambivalences du rôle de la France en Afrique.
Le 15 octobre 2025, Madagascar a basculé dans une nouvelle crise politique majeure. Après plusieurs semaines de contestation populaire, des militaires se sont emparés du pouvoir, le président Andry Rajoelina étant en fuite et destitué par l’Assemblée nationale. La France, ancienne puissance coloniale, et l’Union africaine ont unanimement condamné cette prise de pouvoir et appelé au rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel. Pour rappel, Le 14 octobre, la Haute Cour constitutionnelle a constaté la vacance du pouvoir et “invité” le colonel Michaël Randrianirina à assurer la fonction de chef de l’État. Dès le lendemain, les militaires ont pris le contrôle de la capitale et annoncé un gouvernement de transition, promettant des élections dans un délai de deux ans.
La France :un appel à la responsabilité et une position délicate
Le Quai d'Orsay, dans son communiqué, a immédiatement insisté sur la nécessité de préserver "scrupuleusement" la démocratie et l'État de droit. En appelant au "dialogue" et à la "retenue", Paris adopte un ton diplomatique, tout en se tenant "disponible aux côtés des acteurs régionaux".
Cette position est néanmoins teintée d'une grande prudence, liée au passé colonial et aux rumeurs persistantes sur l'implication de l'armée française dans l'exfiltration d'Andry Rajoelina, naturalisé français en 2014.

La crise malgache met en lumière les tensions géopolitiques inhérentes aux relations post-coloniales, notamment le rôle de la France en Afrique (ou Françafrique). Le communiqué du Quai d'Orsay a insisté sur l'importance de s'exprimer « sans crainte ni pression ou ingérence étrangère », une formule qui, dans le contexte, peut être perçue comme un message double: à la fois un avertissement aux autres puissances, et une tentative de se démarquer d'une politique d'ingérence passée ou potentielle.
Néanmoins, alors que l'ancien président Rajoelina a été exfiltré à bord d'un avion militaire français vers La Réunion. Bien que le président Macron ait refusé de confirmer, elle soulève des questions sur l'implication réelle de l'ancienne métropole. Cette exfiltration, même pour des raisons humanitaires ou pour éviter une effusion de sang, pourrait être interprétée comme une forme d'ingérence sélective ou de protection d'un allié, ternissant l'appel à la neutralité et au respect de l'ordre constitutionnel.

L'Union Africaine : la sanction et la recherche d'une solution africaine
La réaction de l'UA a été plus radicale et institutionnelle. La suspension immédiate de Madagascar de toutes ses instances est une mesure automatique prévue par son Acte constitutif, qui rejette tout changement de gouvernement non constitutionnel.
Cette sanction n'est pas une fin en soi. Elle s'accompagne d'une feuille de route claire : l'UA prône un "dialogue national" inclusif et soutient l'envoi de missions d'évaluation pour faciliter une transition civile vers des élections. En s'alignant sur la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), l'UA affirme une volonté de trouver une solution régionale et multilatérale à la crise.
Le colonel Randrianirina affirme la légalité du changement de régime
Le colonel Michaël Randrianirina, nouvel homme fort de Madagascar et président du Conseil National de Défense de la Transition, a défendu ce jeudi la légitimité du changement de régime survenu à Antananarivo. Selon lui, la transition actuelle « ne constitue pas un coup d’État », puisqu’aucune violence ni attaque contre le palais présidentiel n’a été commise lors de la prise de pouvoir.

Randrianirina a annoncé la formation prochaine d’un gouvernement mixte, associant civils et militaires, mais à majorité civile, après sa prestation de serment, prévu ce vendredi 17 octobre.
Face à la suspension du pays par l’Union africaine, Randrianirina évoque une réaction « normale », tout en assurant que des discussions sont en cours et qu’une mission de la SADC est attendue à Madagascar autour du 20 octobre.
Par ailleurs, le colonel a indiqué :
"qu'aucune élection anticipée ne sera organisée tant que la Commission électorale (CENI) et les listes électorales n’auront pas été réformées afin de garantir un scrutin « transparent et consensuel ".

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