L'OCDE vient de publier son rapport annuel sur les "Perspectives des migrations internationales 2025". Ce document indispensable pour comprendre la situation réelle de l'immigration en France, par rapport aux autres pays industrialisés, quantifie la dépendance de l'économie français à l'immigration... et démontre l'échec de nos (non)politiques d'intégration...

L'analyse comparative des données de 2024 révèle que la France est un acteur majeur de l'immigration au sein de l'OCDE, mais dont les dynamiques récentes diffèrent sensiblement de celles observées chez ses principaux voisins et concurrents. L'ensemble des chiffres qui suit est tiré du rapport de l'OCDE.
L'immigration permanente : un volume élevé marqué par la stabilité
Les flux d'immigration permanente (incluant les changements de statut et la libre circulation) positionnent la France dans le peloton de tête des pays d'accueil de l'OCDE, mais avec une tendance récente à la stabilité plutôt qu'à la volatilité.
En 2024, la France a enregistré 298 100 nouvelles entrées à caractère permanent, un chiffre en légère baisse de -2.6% par rapport aux 306 200 de 2023. Ce volume, bien que substantiel, place la France derrière plusieurs grands pays d'accueil. L'Allemagne (586 200) conserve sa position de leader européen, tandis que l'Espagne (368 000) devance désormais la France. Au niveau international, les pays d'installation traditionnels comme le Canada (483 600) et les États-Unis (1.4 million), ainsi que le Royaume-Uni (435 700), enregistrent des volumes supérieurs.

Toutefois, la dynamique française se distingue par sa relative constance. Alors que le Royaume-Uni (-41.4%) et la Nouvelle-Zélande (-56%) connaissent des chutes drastiques de leurs flux permanents (principalement de travail) après des niveaux records en 2022-2023, et que l'Allemagne voit un net recul (-11.8%), la France affiche une tendance stable. Elle ne participe ni à la volatilité des modèles anglo-saxons, souvent liée à des ajustements politiques rapides, ni à l'augmentation continue observée aux États-Unis (+19.7%).
Structurellement, la migration permanente en France en 2023 restait dominée par la migration familiale (34% du total, y compris l'accompagnement), suivie par la libre circulation (22%), la migration de travail (20%) et la migration humanitaire (14%). Cette prédominance du motif familial est un trait partagé avec les États-Unis, mais qui diffère du Canada ou du Royaume-Uni (avant les resserrements de 2024) où la migration de travail était le principal moteur.

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Je m'abonne maintenantDemandes d'asile : une décrue notable à contre-courant de la tendance mondiale
En 2024, l'OCDE a connu un nouveau record de 3.1 millions de nouvelles demandes d'asile, soit une augmentation de +13% par rapport à 2023. Cette hausse a été principalement tirée par les États-Unis, qui ont enregistré à eux seuls 1,7 million de demandes, soit plus de la moitié du total de l'OCDE.
Dans ce contexte de hausse globale, la France se singularise. Elle a enregistré 131.000 primo-demandeurs d'asile en 2024, ce qui représente une baisse notable de 9.8% par rapport à 2023.
La France reste un pays majeur de destination pour l'asile, se classant 6e dans l'OCDE, mais elle se situe désormais derrière les États-Unis (1 699 000), l'Allemagne (230 000), le Canada (174 000), l'Espagne (136 000) et l'Italie (133 000). Elle devance de peu le Royaume-Uni (108 000).
La situation française en 2024 est donc marquée par un découplage avec la tendance mondiale. Alors que le Canada (+19%) et le Royaume-Uni (+28%) voyaient leurs demandes augmenter fortement, la France connaissait une décrue. Les principales nationalités des demandeurs en France en 2024 étaient l'Ukraine (13 000), l'Afghanistan (10 000) et la République démocratique du Congo (9 300).

la France, si elle offre un point d'entrée salarial relativement meilleur, se caractérise par une mobilité professionnelle ascendante beaucoup plus faible. Les immigrés peinent à progresser vers des postes et des entreprises mieux rémunérés ; ils semblent "bloqués" dans leurs emplois et secteurs d'entrée, tandis que leurs homologues dans d'autres pays de l'OCDE connaissent une convergence salariale deux fois plus rapide.
OCDE
Mobilité étudiante : la résilience du modèle français
La mobilité étudiante mondiale a connu sa première baisse post-pandémie en 2024, avec 1.8 million de nouveaux étudiants dans l'OCDE, soit -13% par rapport à 2023. Cette baisse est presque entièrement imputable aux quatre principaux pays d'accueil (États-Unis -12%, Royaume-Uni -14%, Australie -22% et Canada -39%).
La France, qui se situe hors de ce "Big 4", fait partie du groupe des "autres pays de l'OCDE" qui, collectivement, ont vu leurs flux d'étudiants augmenter de 5%. En 2024, la France a accueilli environ 104 000 nouveaux étudiants du supérieur, un chiffre stable par rapport à 2023.
Ce chiffre place la France loin derrière les volumes américains (390 000) ou britanniques (389 000), mais il illustre la résilience de son modèle. Alors que les pays anglo-saxons subissent une forte volatilité, souvent liée à des politiques restrictives (comme la limitation du regroupement familial pour les étudiants au R-U), le modèle français, probablement moins dépendant de quelques pays sources majeurs ou de frais de scolarité très élevés, apparaît moins sujet à ces chocs conjoncturels.

Le poids démographique : une population immigrée supérieure à la moyenne de l'OCDE
L'impact à long terme de ces flux place la France au-dessus de la moyenne de l'OCDE en termes de poids démographique de l'immigration. En 2024, la population née à l'étranger en France représentait 14% de la population totale.