Les drones qui survolent nos aéroports sont-ils russes ? par Elise Rochefort

Un sondage indique que 80% des Français considèrent désormais la Russie comme une menace. Le spectacle d'aéroports européens bloqués par des drones, prétendument russes, a beaucoup oeuvré pour cette évolution. Mais sommes-nous sûrs que ces drones sont vraiment d'origine russe ?

Non, nous ne sommes pas certains à 100 % que les survols d'aéroports européens par des drones soient l'œuvre de la Russie.

Les incidents récents, survenus principalement depuis septembre 2025 en Pologne, au Danemark, en Allemagne, en Roumanie et ailleurs, ont effectivement semé la panique, entraînant des fermetures d'aéroports et des perturbations majeures pour les vols civils et militaires. Par exemple, à Copenhague, 51 vols ont été détournés et 109 annulés ; à Oslo, 11 détournés et 19 annulés.

Ces événements sont souvent décrits comme une forme de "guerre hybride" attribuée à la Russie par les autorités européennes et de l'OTAN, en raison de leur proximité avec des sites stratégiques et du contexte géopolitique tendu autour de l'Ukraine. L'Union européenne discute même d'un "mur anti-drones" pour contrer ces incursions présumées russes, avec un objectif de mise en service d'ici 2027.

Cependant, il n'existe aucune preuve irréfutable reliant directement ces drones à la Russie. Les autorités occidentales parlent de "soupçons" ou de "croyance générale", mais sans éléments concrets comme des interceptions confirmées ou des signatures techniques russes.

La Russie nie catégoriquement toute implication, qualifiant les accusations de "mensongères" et destinées à attiser les tensions. Poutine lui-même a déclaré que Moscou n'avait rien à voir avec ces survols.

De plus, certaines enquêtes ont révélé des cas où les drones étaient pilotés par des amateurs : un opérateur croate de 41 ans a été arrêté à l'aéroport de Francfort, et d'autres incidents en Allemagne impliquaient des opérateurs locaux ou des touristes chinois, sans lien russe.

Des analyses soulignent aussi un manque de preuves solides, avec des "drones" parfois mal identifiés (parfois des lumières clignotantes ou des objets "duct-tapés"), et une confusion amplifiée par la paranoïa ambiante.

Quant à l'hypothèse d'un "false flag" orchestré par les services occidentaux pour diaboliser la Russie et justifier une escalade (par exemple, plus de financement pour l'OTAN ou une militarisation accrue), elle circule largement dans les cercles pro-russes et alternatifs, mais reste hautement spéculative. Des commentateurs y voient une stratégie désespérée pour impliquer davantage les États-Unis dans le conflit ukrainien, surtout alors que l'Ukraine semble en difficulté.

Des figures comme Scott Ritter ou des analystes sur X qualifient ces incidents de provocations internes, en soulignant que les drones "disparaissent sans trace" et que les autorités n'ont pas de suspects clairs. Même des sources ukrainiennes admettent qu'il n'y a "aucune preuve directe" de l'implication russe, bien que cela cadre avec un pattern hybride. D'autres cas, comme des interférences GPS attribuées à la Russie mais démenties, ou des violations d'espace aérien dues à des erreurs (comme un avion OTAN en Pologne), alimentent ces soupçons.

Ritter’s Rant 051: Electronic Warfare
Poland accuses Russia of violating its airspace. But with the advance of electronic warfare, it very well may have been the Ukrainians all along.

En résumé, les attributions à la Russie reposent sur des soupçons contextuels plutôt que sur des faits tangibles, tandis que les théories de false flag, bien que plausibles dans un climat de propagande mutuelle, manquent de preuves solides des deux côtés.

Des enquêtes indépendantes plus approfondies seraient nécessaires pour trancher, mais pour l'instant, c'est un mélange de faits avérés (perturbations réelles) et de narratifs concurrentiels.