Le progressisme de Macron, nouveau nom de l’élitisme

Le progressisme de Macron, nouveau nom de l’élitisme


Partager cet article

Le progressisme est la punchline de La République En Marche pour les élections européennes et la reconquête de l’opinion. Ce mot, qui fleure bon le marxisme des années 70, prend un tout autre sens dans la bouche de la majorité présidentielle. Ce faisant, reste à savoir si le pari qui est lancé portera chance à un Président dont l’assise paraît désormais fortement fragilisée.

C’est la novlangue macronienne: le progressisme est le maître mot de sa campagne électorale, emportée par l’ouvrage d’Ismaël Émélien qui justifie sa démission récente de l’Élysée, sans éclipser son rôle de barbouze dans l’affaire Benalla. Ce sera aussi le maître mot des (soporifiques) discours de campagne de Nathalie Loiseau, tête d’affiche LREM aux européennes. Pour tous ceux qui se souviennent de ce qu’était le progressisme dans les années 70, des discours enflammés et des utopies auxquelles il donnait lieu à cette époque, la récupération du mot par les macroniens ne peut que soulever quelques questions.

Le progressisme des années 70 était un populisme

Souvenons-nous de ce qu’était le progressisme à l’époque. Fondamentalement, il reposait sur la conviction très marxiste que la classe ouvrière, que le prolétariat, étaient l’avenir de l’homme. La notion de progrès trouvait d’ailleurs sont son origine dans la philosophie politique de Marx, pour qui l’histoire avait un sens construit par la lutte des classes. Être progressiste, c’était alors croire que, dans la dialectique du capitaliste propriétaire rentier d’un côté, et du prolétaire spolié de l’autre, le deuxième exproprierait nécessairement le premier et amènerait quasi-mécaniquement l’avénement d’une société sans classe, sans exploitation et sans aliénation.

D’où l’idée que tout ce qui venait du prolétariat avait la valeur quasi-sacrée de la tunique de Jésus.

Le progressisme de Macron est un élitisme

À l’inverse, le progressisme sauce Macron ne respire pas beaucoup la religion du prolétariat. On pourrait même dire l’inverse. Le pauvre, l’exploité, l’opprimé, le sans-diplôme représente plutôt l’anti-thèse du progrès selon les adeptes de la République En Marche. Il suffit de lire, d’écouter, les propos tenus par la majorité sur les Gilets Jaunes pour comprendre que les marcheurs ne placent aucune ambition ni aucune espérance historique dans la prise de pouvoir par les petites gens.

On ne trahira même pas beaucoup leur pensée en affirmant que le prolétaire est le repoussoir du macronisme. Elle est loin l’utopie post-marxiste des Trente Glorieuses.

Peuple et populisme, les deux bêtes noires de la macronie

Sur le fond, d’ailleurs, le macronisme s’est construit tout entier sur une image dévalorisée du « peuple » et sur une haine farouche du « populisme ». Pour Macron, et il ne s’en est jamais caché, le petit peuple est fait d’illettrés, de rien, de réfractaires, de gens peu enclins à l’effort. Et les populistes sont cette lèpre nationaliste qui nous prépare au pire. Jamais probablement, on avait poussé aussi loin, en politique, le mépris et la stigmatisation pour les Français ordinaires, jamais on ne l’avait autant assumé.

L’Europe des Lumières contre l’Europe des Nations

Dans la sémantique macronienne, il faut entendre par « progressisme », tout autre chose que le progrès social porté par la gauche d’antan. Le progrès macronien est plutôt le progrès des Lumières, porté par les savants, les intellectuels, les honnêtes hommes du dix-huitième siècle, face aux obscurantistes de l’Église et aux paysans incultes. À chaque discours sur l’Europe d’ailleurs, Emmanuel Macron adore exalter cette Europe de l’élite opposée aux barbares du petit peuple croyant.

D’où les thèmes de campagne défendus par Nathalie Loiseau contre la barbarie nationaliste.

Un thème utilisé à contretemps

Chacun pensera ce qu’il voudra du bien-fondé idéologique de cette campagne et de ce progressisme. On constatera simplement qu’il clive les opinions et les programmes sur des archétypes sociaux. D’un côté les gens éduqués, de l’autre les ignares. D’un côté les civilisés, de l’autre barbare. Là encore, la macronie innove en politique, mais dangereusement, en plaçant des marqueurs sur des stéréotypes sociaux très caricaturaux.

En pleine crise des Gilets Jaunes, c’est-à-dire au moment où les petites gens sont dans les rues pour dénoncer l’arrogance macronienne, on s’interrogera sur l’habileté politique du Président qui ne cherche manifestement plus à fédérer, mais qui joue clairement la division. On a envie de lui rappeler ce simple dicton: qui sème le vent récolte la tempête.


Ne manquez pas nos autres informations:
Manifestante blessée à Nice: une nouvelle épine dans le pied de MacronL’Élysée et sa fabrique de fake news pour compte Twitter anonymesLe dangereux et lourd avertissement de Benalla à MacronEn route vers un Brexit dur!LREM représente à peine 1% des élus en France…Macron prisonnier d’un gouvernement profond qui déteste les Gilets Jaunes?

Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Louvre : les intouchables de la République, par Veerle Daens

Louvre : les intouchables de la République, par Veerle Daens

Le vol des joyaux de la Couronne n'est pas le vrai scandale. Le vrai scandale, c'est que personne n'a payé. En sept minutes, une poignée de criminels a exposé la faillite d'une institution d'État, le Louvre, mais surtout la faillite morale d'un système : la république des copains-coquins, où la responsabilité est un concept réservé au bas peuple. Au cœur de cette débâcle se trouve Laurence des Cars, présidente-directrice du musée. Son maintien en poste est une masterclass sur le privilège d


CDS

CDS

Croissance: quand l’État s’efface, l'économie s'envole
Photo by Headway / Unsplash

Croissance: quand l’État s’efface, l'économie s'envole

Le vent tourne pour l'économie française. L’INSEE annonce une croissance de 0,5 % au troisième trimestre 2025, supérieure aux 0,3 % attendus. Ce rebond n’est pourtant pas dû à une politique publique visionnaire, mais bien au dynamisme spontané des acteurs privés, notamment à l’exportation. La croissance française surprend au troisième trimestre 2025 (+0,5%), dépassant les attentes. Portée par des exportations et une production dynamiques, cette accélération confirme notre thèse : "moins il y a


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Vaccins COVID : vague de procès en Europe, les Pays-Bas en première ligne
Photo by Mathurin NAPOLY / matnapo / Unsplash

Vaccins COVID : vague de procès en Europe, les Pays-Bas en première ligne

Dans un contexte où la pandémie de COVID-19 continue de susciter des débats passionnés sur la sécurité des vaccins ARNm, une affaire judiciaire aux Pays-Bas fait couler beaucoup d'encre. Depuis juillet 2023, sept citoyens néerlandais, se présentant comme victimes de dommages graves (physiques et mentaux) suite à leur vaccination, ont intenté une action civile devant le tribunal de district de Leeuwarden contre 17 entités et personnalités influentes. Parmi les accusés : Bill GATES (via sa fondat


Isabelle Hock

Isabelle Hock

Citoyens ! le train de la censure macroniste entre en gare !

Citoyens ! le train de la censure macroniste entre en gare !

La macronie ne rate jamais une occasion de se draper dans les grands principes pour mieux les piétiner. La dernière trouvaille sortie du chapeau de la technostructure, en marge du Forum de Paris sur la Paix ce 29 octobre 2025, s'intitule pompeusement : "Déclaration de Paris sur l’action multilatérale pour l’intégrité de l’information". Un titre qui fleure bon la démocratie, le pluralisme et la lutte contre les méchants désinformateurs. Pourtant, quiconque connaît le principe élémentaire de


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe