Le football français est-il en train de mourir ? Sur fond de crise des droits télé, les tensions, les dérapages se multiplient

Par Michel Goldstein – Depuis l’annonce de DAZN le diffuseur Anglais de la L1, de ne pas vouloir payer la dernière échéance des droits TV, considérant être maltraité par la Ligue professionnelle, le football français s’enflamme.

Au travers de conflits d’intérêts, de mises en examens, d’insultes et pour couronner le tout, de pétages de plombs de la part d’un président de club et d’un entraineur vis-à-vis des arbitres.
Nous assistons à une dégradation de l’image et de la crédibilité du football professionnel dans un climat nauséabond.
Pour tenter de désamorcer la bombe foot, le président de la FFF, Philippe Diallo et la ministre des sports ont réuni l’ensemble des acteurs du football français. A l’issue de cette grande messe de plus de deux heures, trois groupes de travail ont été constitués pour proposer des solutions afin de sortir le foot pro de l’ornière dans laquelle il se trouve. Le résultat est attendu pour avril.
Des droits et des devoirs
Dans cette période de crise aiguë, Vincent Labrune, le patron de la Ligue de football
Professionnelle (LFP) se veut rassurant. Sans attendre la décision du tribunal des activités économiques de Paris, DAZN,le principal diffuseur de la L.1 (8 matches de L1sur 9 pour un montant annuel de 375 M€, la dernière affiche étant sur belN Sports), a payé le reste (35 M€) de son échéance de février qu’il avait mise sous séquestre.
Il retenait ce paiement pour protester contre le non-respect des conditions du contrat, notamment sur les moyens accordés à la lutte contre le piratage et le manque de participation d’une partie des clubs à l’amélioration du produit.
Les deux partenaires ont annoncé avoir fait un pas l’un vers l’autre ;DAZN a payé ce qu’il devait et la LFP a retiré sa procédure en référé. «À l’initiative du président du Tribunal des activités économiques de Paris »
Piratage ou abonnement
En France, la facture peut dépasser les 50€ par mois pour voir l’ensemble du foot L1 et Ligue des champions, avec trois diffuseurs différents. Ce qui pousse au piratage.
« Sur le sujet du piratage sportif, nous devons renforcer nos moyens d’actions », estime Marie Barsacq, ministre des sport, « nous devons également passer par la loi, c’est pourquoi je soutiens la proposition de loi qui doit être rapidement présentée par les sénateurs Savin et Laffont ». Toujours des lois qui ne servent à rien.
Mais le patron de la Ligue n’en apas pour autant fini avec les ennuis, avec le soupçon permanent d’être trop proche du président du PSG et la fronde d’une partie desclubs.
Le calme après la tempête
Dévoilé par le journal l’Equipe et France 2,le collège de L1 du 14 juillet dernier en Visio conférence concernant l’appel d’offre des droits télé, a été une vraie foire d’empoigne et a montré l’influence déterminante et autoritaire de Nasser al-Khelaïfi,le président du PSG et de beIN Media Group. Les insultes ont fusé entre les présidents de l’OL et du PSG. « Tous les conflits d’intérêts doivent être divulgués » a aussi lancé le président de l’Olympique Lyonnais (OL) John Textor.
A cette discorde vient s’ajouter la mise en examen récente du président du PSG pour complicité d’abus de pouvoir dans l’affaire Lagardère.
Nasser al-Khelaïfi a été mis en examen le 5 février dernier pour complicité d’achat de vote et d’atteinte à la liberté du vote ainsi que pour complicité d’abus de pouvoir au préjudice de la société Lagardère, selon une source judiciaire.
« Ce dossier n’a absolument rien à voir avec Nasser al-Khelaïfi, mais comme d’habitude, il sera entraîné dans un processus totalement fallacieux en tant que nom célèbre, apparemment responsable de tout et de rien, jusqu’à ce que tout disparaisse tranquillement, sans aucune raison, dans quelques années »,
a immédiatement réagi son entourage.
Dans le milieu du football, nous sommes constamment confrontés à des personnes complètements mégalos, pour qui le foot est leur danseuse. Beaucoup viennent sans aucune connaissance du football.
Stéphane Richard poussé par les anti-Labrune
À la crise audiovisuelle et financière traversée par le foot français s’ajoute une crise de gouvernance au sein de LFP Media, la filiale commerciale de la Ligue de football professionnel (LFP), très critiquée après le dernier appel d’offres télé. En effet, son directeur général, Benjamin Morela décidé de s’en aller moins de deux ans après son arrivée en raison de divergences de points de vue avec Vincent Labrune, le président de la Ligue et de la société commerciale, notamment lors de la négociation des droits audiovisuels l’été dernier.
CVC, le fonds d’investissement à l’initiative de la création de la filiale de la LFP grâce à son apport de 1,5 milliard d’euros, échaudé lui aussi par l’épisode du processus d’attribution des droits télé et son résultat, a décidé d’être actif sur cette succession, même si Morel était déjà son candidat.
« Compte tenu de ce qui s’est passé l’été dernier et des relations avec Labrune, je n’imagine pas que le fonds se fasse imposer un candidat »
, confie un connaisseur du dossier.
CVC aurait approché Stéphane Richard, l’ancien PDG d’Orange. Apparemment, il aurait déjà rencontré plusieurs dirigeants du football français, notamment Joseph Oughourlian, le président de Lens, un de ses soutiens. Mais d’autres candidatures sont également à l’étude.
En 2021, dans l’affaire Tapie/Crédit Lyonnais, Richard avait été condamné à un an de prison avec sursis et 50 000 € d’amende, ce qui a entraîné son départ d’Orange.
Hors sol ou hors de contrôle
Une crise en appelle d’autres, voici maintenant celle de l’arbitrage. Il y a eu le pétage de plombs de Pablo Longoria le président de l’OM, éructant à répétition jusqu’à l’overdose des accusations de corruption contre l’arbitrage lors du match contre Auxerre, bien sûr sans preuve.
Ensuite, il y a l’agression incroyable, inadmissible de l’entraineur de Lyon Paulo Fonseca contre l’arbitre du match l’OL Brest. Un geste de petit caïd, tête contre tête, qui dans n’importe quelle entreprise serait licencié sur le champ pour un tel comportement.
Mais dans le foot, cela se règle entre amis.
Comme Longoria, suspendu 15 matchs, Fonseca sera puni plusieurs mois.
Et puis c’est tout et on recommence.
Il est temps de voir les responsables, ceux de la Ligue (LFP) et de sa commission de discipline, de comprendre que ni les suspensions ni les amendes n’ont d’effets durables. Il faut frapper fort les clubs là où ça fait mal : en leur retirant des points au classement. La survie du foot pro en dépend. Il y a urgence.
Des états généraux et des commissions
Le président de la FFF aime les groupes de travail. Il y en avait déjà eu plusieurs, ces dernières années, pour plancher notamment sur une réforme de la gouvernance, de l’arbitrage, sur la répartition des droits télé entre clubs. Visiblement les réflexions de ceux-là n’ont pas été concluantes puisque à l’issue de la réunion convoquée par Philippe Diallo à la Fédération,réunissant les clubs de L1 et de L2, CVC, le fonds à l’origine de la création de LFP Media, la Ligue et la DNCG, trois nouveaux groupes vont voir le jour prochainement. Ils doivent être en ordre de marche cette semaine afin de rendre leurs premières conclusions courant avril.
« Un groupe va concerner la gouvernance, un autre la stratégie économique et un troisième le contrôle financier»,
a confié Diallo en conférence de presse. Ces groupes seront dirigés respectivement par Marc Keller, président de Strasbourg, par Baptiste Malherbe,celui d’Auxerre, et le duo Ivan Gazidis et Damien Comolli, patrons de Saint-Étienne et de Toulouse.
Plusieurs présidents ont été surpris d’apprendre que les désignations des responsables de groupes avaient déjà été opérées, alors que les collèges de L1 et de L2 ne sont pas encore réunis pour en parler.
CVC critique encore la Ligue lors de ces états généraux, qui ont duré un peu plus de deux heures, les échanges ont été cordiaux. Pierre Ferracci, le président du Paris FC, a évoqué les problèmes de conflits d’intérêts sans citer personne et a souhaité que le lien soit rétabli avec Canal plus.
Pas de quoi apaiser les esprits
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