Inégalités en hausse : l’Insee alerte sur un niveau de pauvreté inédit depuis 1996

Inégalités en hausse : l’Insee alerte sur un niveau de pauvreté inédit depuis 1996


Partager cet article

Selon les dernières données de l’Insee publiées le 7 juillet 2025, la pauvreté monétaire atteint un niveau inédit depuis le début de son suivi statistique en 1996. Près de 10 millions de Français vivent désormais sous le seuil de pauvreté, tandis que l’écart entre riches et pauvres ne cesse de se creuser. L’étude de l’Insee exclut pourtant les sans-abri et les habitants de logements mobiles, laissant à penser que la réalité pourrait être encore pire.

Selon le dernier rapport publié par l’Insee ou Institut national de la statistique des études économiques, le taux de pauvreté en France a augmenté entre 2022 et 2023 et a atteint un niveau record. Cela fait au moins trente ans qu’un tel bilan n’a pas été enregistré. On peut expliquer cette hausse par l’arrêt des aides exceptionnelles et l’inflation. En tout cas, les associations demandent à l’Etat d’agir.  Cette inégalité touche particulièrement les enfants, les familles monoparentales et les chômeurs.

Un niveau de pauvreté inédit

Le résultat de l’étude annuelle de l’Insee publié le lundi 7 juillet 2025 a révélé que le taux de pauvreté en France a atteint un  niveau record de 15,4 % en 2023. Une hausse de 0,9 point a été enregistrée. Le niveau de pauvreté est donc passé de 14,4% à 15,4% en seulement un an. Selon l’Institut, c’est le taux le plus élevé enregistré depuis au moins trente ans. Le chef du département ressources et conditions de vie des ménages à l’Insee, Michel Duée, a déclaré qu’il « faut revenir au début des années 1970 pour avoir des niveaux de pauvreté à peu près comparables ».

D’une manière concrète, ce bilan signifie que 9,8 millions d’individus en France se trouvaient en situation de pauvreté monétaire en 2023. Autrement dit, leurs revenus mensuels sont inférieurs au seuil de pauvreté défini à 60% du revenu médian. Il correspond à 1288 euros  pour une personne seule. En seulement un an, 650.000 personnes sont devenues pauvres.

Les données pour la France diffèrent de celles présentées dans les autres figures basées sur les enquêtes sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS). Ici, les différents indicateurs sont calculés à partir d’une autre source statistique et sur un champ différent (France hors Mayotte ici, France métropolitaine dans l’ERFS), de manière à disposer de statistiques comparables entre pays européens. Note : l’année retenue ici (2023) correspond à l’année de perception des revenus et non à celle de l’enquête Statistics on income and living conditions (Silc) qui est l’année retenue dans les publications d’Eurostat (2024). Rupture de série pour Chypre et la Croatie, donnée provisoire en 2023 pour la Lituanie. Lecture : en 2023, en France hors Mayotte, au seuil de 60 % du niveau de vie national médian, le taux de pauvreté est de 15,9 %. Source : Eurostat (extraction du 1er juillet 2025), dispositif EU-Silc 2024.

L’Insee a aussi révélé dans son rapport que les inégalités des niveaux de vie ont beaucoup augmenté en 2023. Les foyers les plus modestes ont vu leur situation financière se détériorer. En revanche, le niveau de vie des plus aisés a continué à s’améliorer. En ce qui concerne la situation des personnes pauvres, elle n’a pas beaucoup changé. Ces derniers sont souvent composés de familles monoparentales. Le taux de pauvreté de ces dernières a grimpé de 2,9 points. Les personnes au chômage s’ajoutent aussi dans le lot. Leur niveau de pauvreté a augmenté de 0,8 point.  « Les inégalités atteignent des niveaux parmi les plus élevés depuis 30 ans », a indiqué Michel Duée.

Le rapport de l’Insee a toutefois indiqué que la hausse du taux de pauvreté est peu significative chez les retraités. Elle est de 0,3 point contre 0,9 point pour l’ensemble de la population. On peut expliquer cela par la revalorisation du minimum contributif prévue dans la réforme des retraites. Notons que l’étude l’Insee concerne uniquement la population de la France métropolitaine. Les habitants des départements d’outre-mer n’ont pas été pris en compte.

Autre indicateur alarmant : le coefficient de Gini, qui mesure l’écart de répartition des revenus sur une échelle de 0 (égalité parfaite) à 1 (inégalité totale), atteint presque son niveau maximal depuis 1996. Ce signal met en lumière l’érosion progressive du modèle social français, longtemps réputé pour sa redistribution.

Causes et impacts de cette hausse du taux de pauvreté

Michel Duée estime que cette explosion du taux de pauvreté en France est liée à l’arrêt des aides exceptionnelles. On cite entre autres l’indemnité inflation et la prime exceptionnelle de rentrée. Mises en place en 2022, ces aides sont censées « soutenir le pouvoir d’achat » des Français ». On peut aussi expliquer ce niveau record du taux de pauvreté par « la hausse, parmi les non-salariés, de la part des micro-entrepreneurs dont les revenus sont faibles ».  Quant à l’amélioration du niveau de vie des plus aisés, elle est associée à « la bonne situation sur le marché du travail et au rendement des produits financiers ».

En tout cas, cette baisse du niveau de vie de la population est palpable. La Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) a par exemple déclaré que le nombre de personnes qui n’arrive plus à payer leurs factures d’énergie a augmenté. Les chiffres sont « alarmants », mais pas « étonnants » vu l’inexistence des mesures pour protéger le pouvoir d’achat.

Selon le directeur des études la Fondation, Manuel Domergue:

« les coupures d’électricité et de gaz pour impayés explosent, le nombre de personnes qui disent avoir froid chez eux a presque doublé et on voit une montée très forte des expulsions locatives ».

Les associations de lutte contre la pauvreté demandent à l’Etat d’agir. Delphine Rouilleault, présidente du collectif Alerté réunissant 37 associations, a déclaré qu’ils ont rencontré le Premier ministre François Bayrou la semaine dernière. Ce dernier a parlé d’un « objectif de réduction de la pauvreté à 10 ans ».

« Derrière les paroles d’humanité et l’affichage d’un soutien au secteur associatif, on attend du gouvernement des mesures ambitieuses et une prise de conscience »

a déclaré Delphine Rouilleault.

Le rapport de l’Insee met en lumière un affaiblissement structurel de la cohésion sociale. Alors que la pauvreté progresse rapidement et que les inégalités se figent, les mécanismes de redistribution semblent ne plus suffire à contenir la fracture.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Trump II : l'imposture souverainiste et le triomphe de l'étatisme, par Elise Rochefort

Trump II : l'imposture souverainiste et le triomphe de l'étatisme, par Elise Rochefort

Lors de son investiture en janvier dernier, Donald Trump promettait à l'Amérique un "nouvel âge d'or". Il s'était vendu à l'électorat, et à une partie du monde fascinée par son discours, comme le champion du peuple contre les élites, le rempart souverainiste contre la dissolution mondialiste, et l'homme d'affaires pragmatique qui allait "assécher le marais" de Washington. Un Asselineau ou un Philippot américain au fond. Dix mois plus tard, le bilan est cinglant. L'Amérique est plongée dans


Rédaction

Rédaction

Meloni veut que le piège de la BCE se referme : l'heure de la grande confiscation

Meloni veut que le piège de la BCE se referme : l'heure de la grande confiscation

Le ministère italien des Affaires Etrangères Tajani a imploré la BCE de baisser ses taux directeurs pour favoriser les exportations italiennes, fragilisées par le protectionnisme de Trump. Mais la balance commerciale italienne est positive (contrairement à la France). Ne s'agit-il pas plutôt de diminuer le coût de la dette pour l'Etat italien, sur le dos des épargnants qui vont s'appauvrir ? Pour comprendre la crise systémique qui couve, il faut saisir l'interaction toxique entre trois pili


Rédaction

Rédaction

Bébéar, le parrain par qui le capitalisme à l'anglo-saxonne a combattu le capitalisme de connivence en France

Bébéar, le parrain par qui le capitalisme à l'anglo-saxonne a combattu le capitalisme de connivence en France

Le terme de « parrain », accolé par la presse et ses pairs à Claude Bébéar, n'est pas anodin. Il ne décrit pas un simple manager, aussi brillant soit-il, mais un détenteur d'autorité, un régulateur de l'ordre implicite, un arbitre des conflits du capitalisme français. Mais de quel capitalisme parle-t-on? Pour le comprendre, il faut saisir le moment de son avènement : l'après-Ambroise Roux. Le trône de la place de Paris est devenu vacant en avril 1999, au décès de Roux. Ce dernier incarnai


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Dans l’histoire, très peu de déficits budgétaires ont été réduits à coups de hausses d’impôts !
Photo by Dimitri Karastelev / Unsplash

Dans l’histoire, très peu de déficits budgétaires ont été réduits à coups de hausses d’impôts !

Croire qu’on peut réduire le déficit public en augmentant les impôts relève du réflexe maladif : seule la réduction de la dépense publique peut, dans la France de 2025, y parvenir. L'État moderne est en effet un pompier-pyromane: face à l'incendie structurel des finances publiques, le premier réflexe, pavlovien, de la caste au pouvoir est de brandir le spectre d’un impôt supplémentaire.Chaque nouveau déficit, chaque alerte de la Cour des Comptes, pourtant acquise à la doxa socialiste, est invar


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT