Gaza : quand la"Nouvelle Droite" récupère le discours d’Elie Barnavi

La une d'« Eléments », revue phare de la « Nouvelle Droite », surprend : Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur d'Israël en France, figure de la gauche sioniste, en couverture. L'historien assume : il utilise cette tribune pour diffuser « partout » ce qu'il pense de la situation catastrophique à Gaza.

L’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi, a accepté de donner un long entretien à Éléments . Cet organe de presse , souvent qualifié d'ethnodifférentialiste et d'extrême droite, est l'antithèse idéologique de Barnavi. Une prise de parole qui illustre les fractures idéologiques autour de Gaza et les tentatives de l’extrême droite de capter des voix dissidentes, y compris issues du camp sioniste de gauche.

Une figure du sionisme de gauche chez les identitaires

Elie Barnavi n’est pas un inconnu dans le paysage intellectuel : historien respecté, professeur émérite et ancien diplomate, il incarne une tradition sioniste modérée, critique à la fois du nationalisme religieux israélien et de l’aveuglement européen face au conflit israélo-palestinien. Pourtant, le voilà en couverture d’Éléments, revue de la « Nouvelle Droite » française, connue pour ses positions identitaires et son approche ethnodifférentialiste.

Son objectif est clair : « prêcher la bonne parole » et briser l'omerta ou les filtres idéologiques habituels. Il y voit l'opportunité d'adresser sa critique « dans un milieu d’extrême droite où il y a autant d’antisionistes que de sionistes acharnés ».

Car Gaza, plus qu’aucun autre sujet, divise les droites radicales : entre un courant pro-israélien, qui admire la fermeté militaire, et un courant farouchement antisioniste, qui voit dans Israël une incarnation de l’ennemi « occidental » au Proche-Orient.

L’entretien de Barnavi est révélateur d’une stratégie : l’extrême droite se nourrit de figures extérieures pour légitimer son discours, même si ces dernières ne partagent pas son idéologie.

La stratégie de la "Nouvelle Droite" : la critique d'Israël comme alibi

Pour Eléments, publier Barnavi est un coup de maître. Cela permet à la revue d'afficher une forme d'« ouverture » et de sophistication intellectuelle, tout en servant son agenda idéologique.

En donnant une voix à un critique juif israélien, elle se pare des atours de l'anti-impérialisme et peut attaquer la politique israélienne sans être immédiatement accusée d'antisémitisme. C'est une stratégie classique de dédiabolisation.


La droite identitaire française a souvent cultivé une ambiguïté vis-à-vis d'Israël, oscillant entre admiration pour un État perçu comme "ethnique" et fort, et un antisionisme lié à une hostilité atavique envers les Juifs et à un soutien aux "nationalismes blancs".

Aujourd'hui, la condamnation de la guerre à Gaza leur permet de se positionner en défenseurs du "monde arabe" contre "l'impérialisme américano-sioniste", un discours qui flatte une partie de leur électorat et les rapproche des positions de l'extrême gauche, dans un étrange "brassage des extrêmes".