Emmanuel Macron pense-t-il à un Ministère de la lutte contre le complotisme?

Emmanuel Macron pense-t-il à un Ministère de la lutte contre le complotisme?


Partager cet article

Le projet présenté ce jour par Emmanuel Macron  - une Commission pour faire des recommandations en matière de lutte contre le complotisme - a beau être d'une grande indigence intellectuelle, il n'en est pas moins dangereux pour autant. Remplacez "complotisme" par "liberté d'opinion" et vous comprendrez très vite que le Président de la République, qui vise un second mandat, est en train de poser les jalons d'un Ministère de l'Information et de la Propagande.

Le président français Emmanuel Macron a donc mis en place ce 29 septembre une commission de lutte contre la désinformation et le complotisme, sous l’égide de Gérald Bronner, sociologue et auteur d’Apocalypse cognitive (Paris, 2021). Cette «commission Bronner» aura pour objectif de «mesurer les dangers du numérique sur la cohésion nationale et nos institutions afin de mieux y faire face»,  Un rapport sera rendu fin décembre, avec des propositions notamment dans le domaine de l’éducation.  Cette nouvelle est proprement terrifiante. Emmanuel Macron avance toujours plus loin dans la logique liberticide. En 2018, il avait fait voter une loi contre les fake news. A présent, il entend se donner les moyens d’équiper le gouvernement d’un véritable Ministère de l’Information. 

Une démarche qui révèle la panique de perdre le contrôle de l'information

Nul besoin de s’étendre sur la pauvreté intellectuelle du projet. A l’âge d’internet et de la concurrence des médias de la Deuxième Révolution Industrielle par une prolifération d’initiatives et de supports (journaux pure players, blogs, plateformes de réseaux sociaux, canaux Telegram etc…), il est tout à fait absurde de vouloir réguler l’information. Sauf à mettre en place un contrôle total à la manière du Parti Communiste Chinois. J’avoue avoir du mal à comprendre qu’un universitaire du talent de Gerald Bronner  ou une personnalité originale comme Rachel Khan se laissent entraîner dans cette aventure. On le comprend mieux dans le cas de Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, qui avait bien commencé, à l’époque où il combattait le négationnisme mais qui aujourd’hui a mis en place un site au service de l’idéologie progressiste, qui se charge de traquer tout ce qui va contre la pensée dominante. 

Cependant, même quand ils sont dans une logique de gain d’influence, les membres de cette Commission se rendent-ils compte qu’ils se laissent totalement instrumentaliser par le Président de la République? L’honneur de l’universitaire, de l’intellectuel, de l’écrivain, en France, a toujours été de se tenir à distance du pouvoir. Et nos grands chefs d’Etat n’ont jamais menacé cette indépendance. Louis XIV a protégé Molière et sa liberté d’esprit face aux « dévôts ». Napoléon n’a jamais osé s’en prendre à Chateaubriand. Et de Gaulle répondit un jour à quelqu’un qui lui demandait de faire pression sur Jean-Paul Sartre: « On n’enferme pas Voltaire à la Bastille ». Là nous sommes dans une situation inversée de part et d’autre: ceux qui devraient être les représentants de l’esprit français se laissent instrumentaliser par le pouvoir. 

D’un côté, comment ne pas voir se profiler le spectre sinistre d’un second quinquennat au cours duquel – s’il devait avoir lieu – « Jupiter » supporterait eencore moins l’opposition que lors du premier mandat. D’un autre côté, comment ne pas voir dans l’initiative du Président  un réflexe de panique. La loi contre la manipulation de l’information de décembre 2018 ne suffisait donc pas? L’empilement des lois caractérise les régimes en bout de course.  


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Par quoi voulons-nous remplacer la démocratie représentative?

Par quoi voulons-nous remplacer la démocratie représentative?

Ce pont du 10 novembre, moment de répit dans l'agitation nationale, offre une occasion de prendre du recul sur le spectacle de notre propre impuissance. La France est paralysée. Le chaos parlementaire, les blocages institutionnels et la déconnexion béante entre le pays légal et le pays réel ne sont plus des accidents de parcours ; ils sont le symptôme d'une maladie chronique. La tentation est grande, comme toujours, de personnaliser la crise. On accuse volontiers l'hyperprésidentialisation


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

PLFSS 2026 : l'art de la pyrotechnie parlementaire, par Vincent Clairmont

PLFSS 2026 : l'art de la pyrotechnie parlementaire, par Vincent Clairmont

L'adoption, samedi 8 novembre 2025, de la première partie du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026 n'aura trompé personne au sein de l'Hémicycle. Le score étriqué de 176 voix pour contre 161 ne signe en rien une adhésion au projet du gouvernement, ni même une improbable lune de miel sur l'autel des finances sociales. Ce vote, fruit d'un calcul politique aussi cynique que nécessaire, est avant tout une manœuvre. Une partie de l'opposition, notamment le Parti


Rédaction

Rédaction

Pourquoi votre stratégie Barbell est incomplète sans la bonne banque privée digitale

Pourquoi votre stratégie Barbell est incomplète sans la bonne banque privée digitale

L’année 2026 semble promise, comme les précédentes, à une volatilité extrême et à des chocs imprévisibles. Les modèles d'investissement classiques, qui misent sur la « diversification moyenne » et l’optimisation du risque au milieu du spectre, sont non seulement fragiles, mais destinés à être pulvérisés à l’occasion du prochain « cygne noir » que l'Histoire ne manquera pas de nous servir. Face à ce chaos qui se déploie sous nos yeux, nous vous avons présenté dimanche 2 novembre la seule philoso


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

Elise Rochefort a évoqué pour nous les controverses officielles sur l'emploi du temps de Dick Cheney le 11 septembre 2001. Peter Dale Scott, diplomate canadien devenu professeur à l'Université Berkeley, en Californie, a prétendu documenter le contexte de cette affaire explosive. Et voici les thèses qu'il a défendues, accompagnées de leurs critiques, bien entendu... Peter Dale Scott (né en 1929) représente une figure intellectuelle singulière et complexe dans le paysage académique nord-améri


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe