Charles Weizmann : Macron invente le capital-risque d’Etat

Charles Weizmann : Macron invente le capital-risque d’Etat


Partager cet article

Les start-up françaises de taille intermédiaire vont bénéficier d’un plan d’aide à la croissance de la part des pouvoirs publics, a annoncé Emmanuel Macron à l’occasion de l’édition 2019 du France Digitale Day. Soutenue par une vigoureuse campagne de communication du gouvernement, l’initiative est cependant contreproductive.

Quand l’homme politique sans imagination n’est pas occupé à organiser un Grenelle ou à annoncer un plan Marshall, il lui reste assez de temps pour penser aux start-up françaises. On les trouvait faiblardes en face de leurs homologues américaines, britanniques ou israéliennes. Notre président de la République, réputé ultralibéral, a trouvé une solution audacieuse : la dépense publique.

Cinq milliards d’euros d’investissement annoncés

Le gouvernement, en la personne de Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, a donc annoncé la création du Next 40 et du French Tech 120, regroupant les « meilleures » start-up françaises, destinées à recevoir un accès prioritaires aux organismes publics afin de favoriser leur croissance. Un plan d’investissement de cinq milliards d’euros est attendu.

En pratique, cela signifie que, dans un pays où les créateurs d’entreprises sont accablés d’impôts et étouffés par la réglementation, une poignée de sociétés de taille intermédiaire vont bénéficier de passe-droits. Nous avons ici un exemple pratiquement pur de capitalisme de connivence. Ceux qui auront la chance d’être sélectionnés pourront compter sur l’Etat pour les aider à tuer les éventuels rivaux encore à naître. Etre libéral, c’est favoriser la concurrence, pas créer des effets de seuils et ajouter des barrières à l’entrée sur un marché.

Cependant, les heureux élus devraient tout de même se méfier, Bruno Le Maire a tout de suite prévenu qu’il était « inacceptable » que des jeunes pousses soient financées avec de l’argent public « pour que ces start-up soient ensuite rachetées par des champions japonais ou américains. » Avis aux intéressés, l’Etat va vous aider à accroître la valorisation de votre entreprise, pour ensuite s’ingérer dès que vous chercherez à la vendre. Voilà à quoi ressemble le modèle californien réinventé par un énarque.

La farce ne s’arrêtera sans doute pas là. Comme toujours avec la gauche, préparer le futur, c’est préparer le futur qu’elle aime. Nous découvrirons bientôt que cette aide d’Etat est conditionnée, bien entendu, à des objectifs éthiques, écologiques et solidaires. Préparons-nous à revivre le psychodrame de la nomination de Marie Ekeland à la tête du Conseil Supérieur du Numérique en décembre 2017. L’entrepreneuse, aussitôt en poste, avait décidé d’y faire entrer le rappeur Axiom et la passionaria indigéniste Rokhaya Diallo. Au bout d’une semaine seulement, elle fut démissionnée en urgence devant le scandale. Toutefois, quand on sait à quel point La République en Marche s’est réclamée de la France qui innove, on peut se demander combien d’amis du pouvoir se trouvent parmi les bénéficiaires de ce Plan Calcul 2.0.

Ce n’est pas ce que les chefs d’entreprises attendent de l’Etat.

A supposer que cette dernière trouvaille ait pour but de permettre à la France de rattraper son retard sur les actuelles locomotives technologiques, et ne soit pas seulement un nouveau gadget de communication tout juste bon à arroser les copains avec l’argent du contribuable, la méthode est mauvaise. Les entrepreneurs ont besoin d’un Etat qui assure réellement ses missions de base, comme payer ses fournisseurs par exemple. A la place, nous avons le plus fort taux de prélèvement de tous les pays développés, une réglementation qui change tous les jours et un gouvernement qui imagine se rendre utile en se mêlant de tout. Il suffit de regarder du côté des grands pôles d’innovation : la Californie, Israël, Singapour, pour voir que la France fait tout le contraire de ce qui fonctionne.

L’entrepreneur a besoin d’un environnement législatif stable et d’un marché du crédit suffisamment fluide, pas que l’Etat assume la fonction de business angel pour ensuite répercuter ses erreurs d’investissement sur notre feuille d’impôts.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Stop à la Stasi numérique: l'UE recule sur "ChatControl"
Photo by Christian Wiediger / Unsplash

Stop à la Stasi numérique: l'UE recule sur "ChatControl"

Le projet de surveillance généralisée de nos messageries privées, Chat Control, vient d'être retiré. Cette victoire pour les libertés numériques reste cependant précaire: : le ChatControl pourrait bien revenir par la fenêtre dès décembre 2025. La nouvelle est tombée jeudi 30 octobre, et elle est à marquer d'une pierre blanche : l'Union européenne a décidé d'écarter la disposition la plus controversée d'un texte censé endiguer la pédocriminalité en ligne. Cette mesure, honnie sous le nom de "Cha


Rédaction

Rédaction

Bruxelles, la république des copains : la Médiatrice promeut son bras droit

Bruxelles, la république des copains : la Médiatrice promeut son bras droit

La nouvelle Médiatrice de l’Union européenne, Teresa Anjinho, a promu son propre chef de cabinet au poste le plus prestigieux de son administration. Une nomination qui soulève la question : l’UE défend-elle encore l’éthique ou protège-t-elle sa caste ? L'Union Européenne, censée incarner l'éthique et la bonne administration, vient de signer un nouvel épisode de « République des copains ». La Médiatrice européenne Teresa Anjinho a propulsé Lampros Papadias, son propre chef de cabinet au poste st


Rédaction

Rédaction

PLFSS 2026 : Lecornu curiace-t-il les soignants pour leur imposer le vaccin ARN ? par Elise Rochefort

PLFSS 2026 : Lecornu curiace-t-il les soignants pour leur imposer le vaccin ARN ? par Elise Rochefort

L'article 20 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une vaccination obligatoire de nombreux personnels hospitaliers contre la grippe. Certains y ont vu une façon habile, un "curiaçage" des personnels soignants pour imposer le vaccin à l'ARN, après les moments douloureux du COVID. Qu'en est-il exactement ? L'interrogation porte sur le fait de savoir si l'article 20 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026 constitue un "curiaçage" (terme sou


courrier-strateges

courrier-strateges

Bobigny: quand la police viole la loi et la République se tait

Bobigny: quand la police viole la loi et la République se tait

Deux policiers, accusés de viol sur une femme retenue au dépôt du tribunal de Bobigny, ont été mis en examen après la découverte d’une vidéo accablante. Ce scandale illustre une fois encore l’impunité d’une institution policière en roue libre, couverte par le pouvoir politique. Les faits sont d’une gravité inouïe. Deux policiers, âgés de 35 et 23 ans, sont soupçonnés d’avoir violé une femme de 26 ans dans une geôle du tribunal de Bobigny. L’affaire aurait pu être étouffée, comme tant d’autres,


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany