Dans un récent article, nous avons fait la démonstration – urticante – de ce que le marché obligataire français présentait depuis septembre dernier la caractéristique d’un pays émergent, à savoir un taux d’emprunt des meilleures entreprises du CAC40 désormais inférieur, parfois de plus d’un demi-point de pourcentage, au traditionnel « taux sans risque », c’est-à-dire le taux auquel l’Etat français émet ses propres obligations souveraines (spread négatif). Nous avions alors expliqué qu’il s’agit là d’un signal de défiance sans précédent des créanciers internationaux envers notre Trésor public.
Et avec cette dérive des continents, nous assistons à un véritable Big bang dans la gestion de l’épargne mondiale : les gestionnaires de portefeuille, qui pondéraient jadis les Pays Développés à Économie de Marché (les « PDEM ») au gré de leur conjoncture économique mais sans en exclure définitivement aucun (en faisant notamment la part belle aux Bunds – les obligations souveraines allemandes – et aux Treasuries – les Bons du Trésor US) et qui réservaient la logique de « go/no go » aux Emerging Markets (« EM » dans le jargon) en fonction de leur dynamique macroéconomique d’ensemble, sont en train d’inverser totalement la vapeur : ils se mettent désormais, les uns après les autres, à pondérer les « EM » (BRICS+), en jaugeant leur marché obligataire au cas par cas, et à faire du « go/no go » (et surtout du « no go » en ce moment) sur les obligations souveraines des PDEM !