Allemagne: comment Merz utilise l’immigration comme arme électorale
Longtemps perçue comme un modérateur dans les débats migratoires européens, l’Allemagne change de posture. Le chancelier Friedrich Merz s’aligne désormais avec les positions les plus dures d’Europe. Pour contrer l’AfD, Berlin mène la croisade anti-migrants. En parallèle, l’Union européenne s’apprête à adopter des mesures plus drastiques afin de réduire le nombre de demandeurs d’asile.

L’Allemagne a toujours défendu le « système d’asile d’après-guerre ». Mais avec l’arrivée du Chancelier Friedrich Merz au pouvoir, la politique migratoire du pays pourrait changer. Désormais, Berlin veut être à la tête de la lutte anti-immigration en Europe.
Un changement de position radical pour l’Allemagne
Il y a deux ans, les dirigeants des pays membres de l’Union européenne ont signé un accord historique visant à durcir les règles sur la demande d’asiles en Europe. Les dirigeants européens comptent appliquer des mesures drastiques incluant l’expulsion de migrants vers des pays tiers et la réduction du nombre de demandes d’asiles validées. Certaines propositions sont similaires à celles figurant dans le projet britannique raté concernant le Rwanda.
Les gouvernements allemands ont toujours essayé de modérer ou d’atténuer les mesures anti-immigration. Mais désormais sous la direction du chancelier Friedrich Merz, ils ont changé complètement de position. Désormais, Berlin veut être à la tête de la lutte anti-immigration en Europe. Merz a même déclaré que la politique d’asile de Rishi Sunak au Rwanda est un « modèle à suivre ».
Le ministre allemand de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, a récemment rencontré ses homologues issus des pays européens ayant des positions radicales sur la question migratoire lors d’une réunion à Zugspitze. Ils incluent notamment l’Autriche, la Pologne et le Danemark.
« Nous voulons dire clairement que l’Allemagne n’est plus dans la cabine du freineur lorsqu’il s’agit de questions de migration en Europe, mais qu’elle fait partie de la force motrice »
a indiqué Dobrindt.
Cette décision des gouvernements allemands a été saluée par les pays les plus radicaux de l’Union européenne (UE). « L’Allemagne est en tête de ces discussions très importantes » et « nous nous en réjouissons », a déclaré le ministre danois de l’Immigration, Kaare Dubvad. Bruxelles semble être aussi ravi de cette nouvelle.
« Si l’Allemagne contribue davantage et s’engage davantage, ce sera très positif, car nous progresserons tout simplement plus vite »
a confié Magnus Brunner, le commissaire européen chargé des migrations à POLITICO.
L'immigration, une stratégie électorale face à la poussée de l’AfD
Pourtant, cette dynamique ne fait pas l’unanimité, ni en Allemagne, ni en Europe. Au sein même de la coalition gouvernementale de Merz, les désaccords sont profonds. Le SPD (Parti social-démocrate), partenaire junior du gouvernement, reste réticent à plusieurs mesures, comme la suspension du programme de réinstallation pour les Afghans vulnérables ou le gel du regroupement familial pour des centaines de milliers de migrants.
« Il n’y a pas une seule personne dans le groupe SPD qui soutient franchement ces mesures axées sur la sécurité »
a souligné la députée Rasha Nasr. Ces fractures pourraient bloquer certaines propositions clés à l’automne, notamment l’extension de la liste des pays dits « sûrs » ou la suppression de l’aide juridique aux migrants en procédure d’expulsion.
À l’échelle européenne, les divergences persistent également : les pays du Sud, comme l’Italie ou la Grèce, réclament plus de solidarité pour gérer les arrivées sur leurs côtes, tandis que les pays du Nord, soutenus par l’Allemagne, veulent surtout limiter les mouvements secondaires à l’intérieur de l’espace Schengen.
Face à la montée de l’AfD, aujourd’hui principale force d’opposition au Bundestag, Merz cherche à récupérer une partie de l’électorat conservateur. Sa stratégie : reprendre ses thèmes, sans adopter son discours radical, et ainsi endiguer la fuite des voix.
Mais ce basculement de Merz aura un coût : l’image humaniste de l’Allemagne post-Merkel s’effrite, et l’unité déjà fragile de la coalition risque de voler en éclats.
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