Elise Rochefort a évoqué pour nous les controverses officielles sur l'emploi du temps de Dick Cheney le 11 septembre 2001. Peter Dale Scott, diplomate canadien devenu professeur à l'Université Berkeley, en Californie, a prétendu documenter le contexte de cette affaire explosive. Et voici les thèses qu'il a défendues, accompagnées de leurs critiques, bien entendu...

Peter Dale Scott (né en 1929) représente une figure intellectuelle singulière et complexe dans le paysage académique nord-américain. Son profil atypique est essentiel pour comprendre la nature de ses travaux sur les attentats du 11 septembre 2001. Canadien d'origine, il a d'abord suivi une carrière de diplomate pour le Canada (1957-1961), participant notamment aux Assemblées générales des Nations Unies. Par la suite, il a embrassé une carrière académique, devenant Professeur Émérite de littérature anglaise à l'Université de Californie, Berkeley, où il a enseigné pendant près de trois décennies.
Scott est également un poète reconnu, lauréat du prestigieux Lannan Literary Award en 2002. Ce double statut de "poète-chercheur" (poet-scholar) est fondamental. Il n'aborde pas la science politique de manière conventionnelle, bien qu'il ait étudié à l'Institut d'Etudes Politiques. Son approche de l'histoire contemporaine s'apparente à une herméneutique : il traite les événements politiques comme des textes dont le sens manifeste dissimule une signification plus profonde et souvent réprimée.
Ses travaux de non-fiction, qui incluent des ouvrages influents tels que Cocaine Politics: Drugs, Armies, and the CIA in Central America (1991) et Deep Politics and the Death of JFK (1993), se concentrent sur ce qu'il identifie comme les "critiques de la politique profonde et de la politique étrangère américaine". Son engagement critique est ancien, marqué par sa participation à la "Writers and Editors War Tax Protest" contre la guerre du Vietnam dès 1968. C'est dans ce contexte que s'inscrit son livre majeur sur les attentats de 2001 : The Road to 9/11: Wealth, Empire, and the Future of America (2007).

Le cadre conceptuel : comprendre la « politique profonde » (Deep Politics)
Pour analyser les thèses de Peter Dale Scott sur le 11/9, il est impératif de d'abord maîtriser le lexique conceptuel qu'il a développé et popularisé. Une revue académique de son œuvre note que le lecteur pourrait être "rebuté" par sa terminologie spécifique, mais celle-ci est la clé de son analyse.

« Politique profonde » (Deep Politics) et « parapolitique »
Le concept central de Scott est la "politique profonde" (Deep Politics). Il la définit comme "l'étude de toutes ces pratiques et arrangements politiques, délibérés ou non, qui sont habituellement réprimés dans le discours public plutôt que reconnus". Il s'agit d'un "système politique profond" qui opère en parallèle du système politique public et constitutionnel.
La "parapolitique" (Parapolitics) est une composante de ce système. Scott la définit comme "un système ou une pratique politique dans lequel la responsabilité est consciemment diminuée". Cela inclut les opérations "plausiblement déniables" (plausibly deniable), où la responsabilité des actes est intentionnellement obscurcie, souvent par l'utilisation d'intermédiaires ou d'opérations secrètes.
Le Courrier a abordé cette question récemment en évoquant les opérations secrètes américaines et leur classification.

L'« État Profond » (Deep State) et l'« Overworld »
Scott est l'un des premiers universitaires à avoir appliqué le concept d'« État profond » (Deep State) – un terme emprunté au contexte turc pour décrire des réseaux de sécurité clandestins – à la structure du pouvoir américain.

