????À pas de loup, Castex prépare une brutale réforme des retraites

On le sait depuis plusieurs mois : la réforme des retraites, mais paramétrique, pas systémique, est inévitable dans des délais rapides. L’effondrement des recettes de sécurité sociale devrait en effet produire un violent séisme sur le financement des régimes, et imposer des mesures d’autant plus drastiques que la France a beaucoup demandé à ses partenaires européens, pour sortir de la crise. Et ces partenaires, on le sait aussi, ont un régime de retraite beaucoup moins généreux.
Une réforme des retraites interviendra en début d’année 2021, et elle sera drastique. Selon toute vraisemblance, elle relèvera rapidement l’âge de départ à la retraite et inclura peut-être d’autres dispositions désagréables sur le montant des pensions. C’est à cette réforme qu’à pas de loup Jean Castex s’attaque, après avoir imaginé passer en force dès cet été. Il multiplie désormais les actes « préparatoires » pour imposer des mesures que l’Union Européenne exigera de lui.
Inévitable réforme des retraites
La situation financière des régimes est sans appel : avec un déficit minimum de 30 milliards € en fin d’année, soit une somme proche de ce que la France « emprunte » avec la caution européenne, l’Union ne tolérera pas longtemps le laxisme budgétaire français. Nous l’avons déjà évoqué cet été. Peu de temps avant le sommet européen qui a validé la « solidarité » par des coronabonds, Castex a déjà mis un coup de pression sur les partenaires sociaux pour aboutir vite sur cette question.
Comme l’emprunt européen ne tombera pas avant la mi-2021, le gouvernement a donc disposé d’un peu de temps supplémentaire pour s’attaquer à la question. Mais ne nous leurrons pas : la contrepartie à l’aide européenne (bien inutile au demeurant) s’appellera le retour à l’équilibre des régime de retraites.
Jean Castex fourbit donc ses armes pour se préparer à cette bataille explosive qui devra juguler un déficit galopant.
Pour M. Castex, les travaux du COR devront permettre de distinguer « ce qui relèverait d’une dégradation exceptionnelle » des « évolutions plus structurelles susceptibles de peser directement sur l’équilibre des régimes ». Dans sa lettre, le premier ministre réclame un « premier point d’étape » à la fin septembre, mais un délai supplémentaire a finalement été accordé : une note intermédiaire sera présentée le 8 octobre.
Le Monde
Le diagnostic du COR dans les tuyaux
Commande est donc passée au Conseil d’Orientation des Retraites (COR) pour la mi-octobre, de calculer le déficit prévu pour 2020 et 2021, en isolant ce qui relève de la crise du coronavirus et ce qui relève du « déficit structurel ».
On comprend incidemment que le Premier Ministre a l’intention (mais il n’a pas le choix, la raison européenne l’impose) de s’attaquer sans délai (et probablement en abandonnant la réforme systémique adoptée en février, dont nous avons toujours dit qu’elle ne serait jamais appliquée) à ce déficit structurel qui irrite tant nos partenaires. Tout le monde a désormais les yeux rivés sur le compteur du déficit structurel pour savoir quelle sera l’ampleur de l’effort demandé. La réponse tombera début octobre, et débouchera sans doute sur une concertation fulgurante avec les partenaires sociaux, dont on connait à peu près l’issue : un relèvement de l’âge de départ à la retraite.
Les scénarios sont déjà connus
L’avantage, sur le dossier des retraites, c’est qu’il est sans surprise ! On connaît par avance (puisqu’elles ont été calculées des dizaines de fois) les différentes hypothèses qui permettent de « dégonfler » la baudruche du déficit : soit on relève les cotisations, soit on diminue les pensions, soit on fait partir les salariés plus tard à la retraite.
Financièrement, cette dernière hypothèse est la plus rapide, la plus efficace, la plus simple à mettre en oeuvre. Il est à peu près acquis que l’âge de départ sera relevé à 65 ans en 2021, la France continuant à pratiquer un âge de départ très bas par rapport aux voisins qui lui prêtent de l’argent. Toute la question est de savoir si cette mesure suffira à l’Union Européenne. Nous répétons que nous avons un doute majeur sur cette question.
Réforme des #retraites : nous la combattrons. #Castex est malin : il pense qu’en distinguant la réforme dite « systémique » de « mesures d’âges », les Français oublieront que le système par points a pour but de les faire travailler plus longtemps. https://t.co/JDE8zwc0gv
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) September 3, 2020
Les syndicats sur le pied de guerre
Il n’en fallait en tout cas pas plus pour allumer la mèche de la contestation. Les syndicats, qui connaissent par coeur ce dossier, sont d’ores et déjà sur les charbons ardents. Même la CFDT a annoncé qu’elle « s’opposerait vivement » à un relèvement de l’âge de départ ou à un allongement de la durée de cotisations : « Nous ne voulons pas d’une mesure d’économie, fondée sur un changement de paramètre du système, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021 : si une disposition de cette nature était prise, nous la contesterions vivement. »
L’ambiance sociale en France devrait donc se tendre autour du 8 octobre. Si l’on ajoute à ce contexte la forte probabilité d’un coup de tabac financier à l’horizon du mois d’octobre, les ingrédients sont donc désormais réunis pour que l’automne en France soit très agité. Le choix du calendrier pour les retraites, désormais sous contrainte sauf d’avoir pris des mesures réalistes plus tôt, constitue même une faute politique. Ainsi va la classe politique française, à force de ne pas réformer dans les temps, elle se place toute seule dans un corner.
Le risque réel d’une baisse des retraites
Pour le reste, la question éternelle de l’ampleur de la réforme continuera à se poser. Suffira-t-il de faire partir les Français à 65, 66 ou 67 ans, ou de leur imposer 43 années de cotisation pour rétablir les équilibres des régimes ? Les syndicats en sont convaincus, mais nous continuons à être parcouru d’un doute. Au minimum, il est probable que les retraites soient gelées pour quelques mois ou pour quelques années en complément des mesures d’âge ou de durée de cotisations qui seront prises. Mais rien n’exclut que le gouvernement ne soit tenté d’aller au-delà en changeant les règles de calcul des retraites elles-mêmes (par exemple en passant des 25 meilleures années à la totalité de la carrière).
Wait and see.
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