Ces deux nations à réconcilier pour se débarrasser du macronisme

Ces deux nations à réconcilier pour se débarrasser du macronisme


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Comment battre le macronisme?  Il peut sembler paradoxal de poser cette question au lendemain de la réélection du président sortant. Et pourtant elle est d'actualité, plus que jamais. Le président sortant n'a pas seulement gagné parce qu'il est un tacticien rusé doté d'une volonté de puissance absente chez ses adversaires. Il s'est imposé au prix d'une installation sans vergogne au centre-droit, qui a tué LR comme l'élection de 2017 avait vu l'effondrement du parti socialiste. C'est gagnant à court terme. Cela ne permet pas au macronisme de s'installer durablement - même si Edouard Philippe se voit en successeur naturel. Tout dépendra de la capacité des droites nationistes à s'unir et à créer un espace pour le conservatisme.

Le macronisme n’est pas une réalité politique invincible, parce qu’il s’agit d’un mouvement qui a largement muté en cinq ans. Ce qui avait commencé comme un mouvement de centre-gauche avec quelques ralliements individuels du centre-droit est aujourd’hui clairement installé au centre-droit. Dans un entretien brillant, Emmanuel Todd analyse la métamorphose du macronisme depuis cinq ans. Et il le qualifie de « conservatisme ». 

Effectivement, lorsque l’on regarde les statistiques et les cartes, les électeurs de Macron (en jaune, ci-dessus, les circonscriptions où il est arrivé en tête) sont ceux qui sont les plus éloignés, géographiquement et mentalement (les plus vieux et les plus riches) des difficultés françaises et européennes. 

A l’inverse, la France qui vote Marine Le Pen (en gris ci-dessus) est une France éprouvée par la désindustrialisation, vivant dans cette France des villes moyennes et des campagnes, qui a le sentiment d’être méprisée par Paris. 

Ce qui est intéressant, c’est que Todd repère la France mélenchoniste comme une troisième France (en rose ci-dessus), incompatible avec les deux premières, formée non seulement, comme on l’a souligné, de Français d’ascendance étrangère  mais aussi de diplômés des grandes villes universitaires. C’est cette France-là qui a décidé du résultat de l’élection puisqu’elle a voté à moins de 20% pour Marine Le Pen et s’est abstenue à presque 50%. Il faut dire qu’une partie était composée d’anciens électeurs de Macron de 2017.   

Le paradoxe du macronisme: un chef agité pour une France apaisée

Ce n’est pas le moindre paradoxe du macronisme. L’homme est agité, instable, souvent brutal. Mais il a gagné les faveurs de la France la plus âgée et la plus riche. Les plus âgés sont ceux qui n’ont comme seule source d’information que les médias subventionnés. Quant aux plus riches, ils ne dédaignent pas d’avoir quelqu’un prêt, apparemment, à rompre les normes pour protéger leur tranquillité. Et c’est ainsi que LR a été vidé de sa substance puisque le parti a été incapable de présenter un candidat alternatif au centre-droit. On fera remarquer, bien entendu, que les notables de l’Ouest ou les bourgeois de l’ouest parisien ont mêlé leurs voixc à celles des mélenchonistes. Mais quand on vote pour une personnalité comme celle de Macron, on n’est plus à cela près. 

Comme l’a montré ce second tour, avec ses reports de voix, il n’y a rien à attendre de l’électorat mélenchoniste quand on se place du point de vue de la droite nationiste. Le détail des reports le confirmera: 

On se rappelle que Benjamin Disraeli (1804-1881) avait, au milieu du XIXè siècle, en France, théorisé la nécessaire réconciliation des « deux nations », celle des bourgeois et celle des ouvriers, dans un grand mouvement conservateur.  Ce que nous dit la sociologie électorale française, c’est qu’il y a actuellement « trois nations » – et même quatre avec le noyau des abstentionnistes (au-delà des mélenchonistes). 

Mais, du point de vue des droites, il y a en France, comme dans l’Angleterre du milieu du XIXè siècle, « deux nations ». Lorsque l’on réfléchit à la manière dont la droite nationiste peut élargir sa base pour gagner, il y a bien entendu l’inévitable rapprochement entre le Rassemblement National et Reconquête; mais précisément, la petite percée de Reconquête dans la classe moyenne supérieure et dans l’électorat âgé montre qu’il est possible d’enfoncer un coin dans le macronisme. Il faut sans doute que le spectre des thèmes traités par Reconquête s’élargisse: en parlant plus d’éducation, d’assimilation, de politique industrielle, de puissance française. Il faut surtout que le parti sorte plus souvent des centre-villes pour aller chercher une population de classes moyennes qui n’a pas envie de voter Rassemblement national. Enfin, il est absolument nécessaire de passer des paroles aux actes en développant de vrais liens dans les milieux entrepreneuriaux. 

Eric Zemmour avait une situation idéale pour s’emparer des sumpathisants d’Eric Ciotti ou Laurent Wauquiez. Mais sa campagne apparemment monothématique sur les questions civilisationnelles – impression renforcée par l’absence de traitement dans la presse régionale des sujets économiques et sociaux pourtant abordés par le candidat puisque les équipes Zemmour n’ont jamais daigné y faire interviewer leur champion – a empêché le fondateur de Reconquête de prendre pied en profondeur dans les territoires LR. or ce parti n’est plus aujourd’hui qu’un cartel d’élus locaux. 

Il sera possible de se débarrasser du macronisme en 2027, du point de vue de la droite nationiste, à condition de savoir parler à un électorat que courtisera par ailleurs Edouard Philippe, qui a déjà commencé à préparer ses réseaux. Entre-temps, de nombreuses difficultés socio-économiques supplémentaires auront surgi. Mais la bourgeoisie aura d’autant plus besoin d’être rassurée! On peut penser que le côté « capitaine de pédalo » d’Edouard Philippe (pour reprendre la célèbre expression de Mélenchon sur Hollande) apparaîtra décalée. En revanche, réitérer un discours apocalyptique à tendance obsessionnelle sur le danger civilisationnel serait tout aussi contre-productif (ce qui ne veut pas dire que les dangers dénoncés par Zemmour auront disparu, loin de là; mais il y a des sujets dont il faut moins parler tout en se préparant à agir). Le parti de l’ordre aura besoin d’un discours protecteur tandis que celui des « petites gens » attendra qu’on lui rende espoir. 

Nous voyons se dessiner la possibilité d’un rassemblement conservateur républicain populaire, une sorte de gaullisme rénové. Et comme le gaullisme historique, pour réussir, il aura dû renoncer à l’illusion de l’alliance avec la gauche pour développer une face pompidolienne.  


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