Voici comment les Français rembourseront l’emprunt européen, même si Macron le nie


Partager cet article

Hier, sur TF1, Emmanuel Macron a affirmé que les Français n’auraient pas un euro à débourser pour rembourser l’emprunt européen de 750 milliards € que la Commission Européenne doit lancer après l’accord conclu ce lundi. Voilà une affirmation bien audacieuse, qui ne cadre pas complètement avec la réalité… et qui ressemble même à un grand écart avec elle.

Hier soir, c’est un Emmanuel Macron triomphal qui est apparu en duplex à l’antenne de TF1. L’obtention d’un accord à Bruxelles lui donne un peu de grain à moudre dans une actualité morose où les déconvenues, notamment sociales et économiques, ne vont pas tarder à s’enchaîner. Mais c’était aussi l’occasion de lancer quelques affirmations bien téméraires sur la « gratuité » des coronabonds pour le portefeuille des Européens, et singulièrement des Français.

Penser l’accord historique du 20 juillet 2020

Le Président français ne pouvait évidemment manquer la célébration de ce « travail historique » qu’il a mené pendant plusieurs années en affrontant Angela Merkel pour imposer une étape nouvelle dans l’intégration budgétaire en Europe. Conforme à la doctrine en vigueur dans les élites françaises, l’achèvement de l’Europe passe par le dépassement d’une simple union monétaire, comme le conçoit l’Allemagne (héritière du Zollverein prussien), et par la mise en place d’une union budgétaire avec des impôts communs.

Sur ce chemin dont l’histoire dira s’il est ou non un miroir aux alouettes (la création d’impôts communs n’ayant pas le même effet partout dans le monde…), l’accord du 20 juillet marque effectivement une étape significative. On jugera en 2022 si les Français la reçoivent comme telle ou pas.

"Je veux que nos concitoyens mesurent ce qu'il s'est passé durant ces quatre jours et quatre nuits. C'est le fruit d'un travail historique de trois ans entre la France et l'Allemagne."   

Emmanuel Macron

Vers des impôts européens

Au-delà des 40 milliards immédiats que cet accord apporte à la France dans des conditions financières contestables, l’innovation majeure de l’accord tient à la création d’impôts européens pour financer cet emprunt de 750 milliards. Si l’accord du 20 juillet est resté évasif sur la question, notamment du fait de la réticence de l’Allemagne, il n’en demeure pas moins que le remboursement devrait être assuré par des taxes.

La liste de celles-ci semble pour l’instant interminable : taxe sur le plastique, sur le carbone, sur le numérique, etc. Autrement dit, la Commission va se doter d’une administration fiscale, selon toute vraisemblance, pour faire rentrer l’argent de ces impôts sur lesquels personne n’a jugé utile de claironner, à part Emmanuel Macron qui semble y retrouver des mots connus.

Le fantasme trumpien de la taxe aux frontières

Avec une forte dose de naïveté, peut-être mêlée à la mauvaise foi, Emmanuel Macron a donc prétendu que ces taxes ne seraient pas payées par les Européens, mais par les « grandes entreprises » et les « acteurs internationaux » qui ne jouent pas le jeu des politiques européennes. Pour le coup, on demande vraiment à voir comment cette affaire va se goupiller dans les mois à venir.

Doit-on rappeler ici que ce principe de la taxe aux frontières a fait hurler tout ce que l’Europe compte de partisans du libre-échange lorsque Donald Trump l’a avancé pour les Etats-Unis ? Il est assez comique de voir comment, en trois ans, Emmanuel Macron est passé de la dénonciation du protectionnisme à son éloge triomphal.

L’évolution vaut toutefois d’être notée, car elle montre comment un président « mondialiste » comme Emmanuel Macron est désormais contraint à retourner sa veste dans un monde toujours plus divisé. Finies, donc, les diatribes sur le repli nationaliste qui constitue un danger. A l’épreuve des faits, il faut bien reconnaître des vertus à la taxation aux frontières.

“Nous nous sommes engagés justement dans ce même accord à créer de nouvelles ressources propres. C’est-à-dire de pouvoir au niveau européen lever un impôt sur les grandes entreprises et les acteurs internationaux qui ne jouent pas le jeu de nos politiques. Outre une taxe sur le plastique et une taxe carbone aux frontières, Emmanuel Macron a évoqué la création au niveau européen d’”une taxe numérique pour les grands acteurs internationaux du numérique qui aujourd’hui ne paient pas d’impôts (...) dans les mois et les années qui viennent.   

Emmanuel Macron

Les Européens ne paieront pas ? Vraiment ?

Le grand fantasme, ou la grande imposture, consiste bien entendu à asséner que ces taxations à la frontière ne sont pas payées par les Européens mais par les entreprises qui doivent acquitter les taxes. Il s’agit là d’une ambiguïté, voire d’un mensonge bien connus des économistes.

Une taxation aux frontières n’est en réalité rien d’autre qu’une taxe sur le consommation. Elle est donc répercutée sur les prix. Il est vrai que les produits taxés perdent en compétitivité par rapport aux produits non taxés. Mais, dans tous les cas, la taxe est intégrée au prix de vente, et donc perçue sur le consommateur, que ce soit de façon directe ou indirecte.

Le phénomène sera particulièrement évident pour les géants du numérique. Si leur production est taxé en Europe, ils y majoreront leurs prix avec d’autant moins de gêne qu’ils comptent très peu de concurrents, voire pas du tout de concurrents dans certains cas. La taxe sur les GAFAM ne sera donc pas payée par les GAFAM, mais par leurs clients européens.

S’agissant des taxes carbones ou plastiques à la frontière, le résultat sera le même : les producteurs augmenteront leurs prix de vente pour récupérer la taxe. Celle-ci sera donc payée par le consommateur.

Autrement dit, ce sont les Européens qui rembourseront directement les emprunts supposés leur profiter.

Vers un renchérissement d’Internet ?

Alors qu’on parle de fracture numérique qui constitue une égalité grandissante dans nos démocraties, et singulièrement en France, il est remarquable de voir les gouvernements européens s’apprêter à augmenter les prix des services numériques. Imagine-t-on un Google se mettre à tarifer l’accès à certains sites ou à certains services comme la messagerie ? Imagine-t-on Google distribuer encore plus d’informations gratuites pour concurrencer la presse payante ?

Nous entrons progressivement dans un autre modèle de consommation et de taxation numérique qui mérite d’être étudié calmement. Alors que les Etats-Unis privilégient la piste du démantèlement anti-trust, l’obsession fiscale française risque de réserver de bien mauvaises surprises.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Recours judiciaires contre les autorités pour les dommages des vaccins COVID : focus sur les Pays-Bas et panorama Europe
Photo by Mathurin NAPOLY / matnapo / Unsplash

Recours judiciaires contre les autorités pour les dommages des vaccins COVID : focus sur les Pays-Bas et panorama Europe

Dans un contexte où la pandémie de COVID-19 continue de susciter des débats passionnés sur la sécurité des vaccins ARNm, une affaire judiciaire aux Pays-Bas fait couler beaucoup d'encre. Depuis juillet 2023, sept citoyens néerlandais, se présentant comme victimes de dommages graves (physiques et mentaux) suite à leur vaccination, ont intenté une action civile devant le tribunal de district de Leeuwarden contre 17 entités et personnalités influentes. Parmi les accusés : Bill GATES (via sa fondat


Isabelle Hock

Isabelle Hock

Citoyens ! le train de la censure macroniste entre en gare !

Citoyens ! le train de la censure macroniste entre en gare !

La macronie ne rate jamais une occasion de se draper dans les grands principes pour mieux les piétiner. La dernière trouvaille sortie du chapeau de la technostructure, en marge du Forum de Paris sur la Paix ce 29 octobre 2025, s'intitule pompeusement : "Déclaration de Paris sur l’action multilatérale pour l’intégrité de l’information". Un titre qui fleure bon la démocratie, le pluralisme et la lutte contre les méchants désinformateurs. Pourtant, quiconque connaît le principe élémentaire de


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Permis européen : comment Bruxelles prépare le flicage des automobilistes

Permis européen : comment Bruxelles prépare le flicage des automobilistes

Sous prétexte de l'objectif “zéro mort sur les routes d’ici 2050”, le Parlement européen a adopté sa réforme du permis de conduire. Sous prétexte de sécurité routière, Bruxelles instaure un contrôle médical périodique et un permis numérique, un modèle de contrôle numérique permanent des conducteurs européens. Le 21 octobre 2025, l'Europe a déclaré la guerre aux automobilistes. Sous la bannière trompeuse du « zéro mort » pour 2050, Bruxelles déploie son arsenal réglementaire. La fin du permis de


Rédaction

Rédaction

Une nouvelle course à l'armement ? par Elise Rochefort

Une nouvelle course à l'armement ? par Elise Rochefort

L'analyse du paysage géostratégique mondial, en cette fin d'année 2025, révèle une intensification marquée de la compétition militaire entre les grandes puissances. Cette dynamique, caractérisée par une hausse record des dépenses d'armement, une modernisation accélérée des arsenaux, notamment nucléaires, et l'érosion rapide des cadres de régulation, confirme l'entrée dans une nouvelle ère de confrontation. Voici une analyse détaillée de cette nouvelle course à l'armement. 1. Dans quelle m


Rédaction

Rédaction