Ukraine au bord du gouffre : le pari à haut risque de Zelensky sur une Europe hésitante, par Thibault de Varenne

L'appel n'avait rien de diplomatique. Le 19 octobre 2025, lorsque Volodymyr Zelensky a exigé une réunion d'urgence de la « Coalition des volontaires », il ne demandait pas, il sommait. En réclamant des « mesures décisives » et en fustigeant toute politique « d'apaisement » envers Moscou, le président ukrainien a transformé un communiqué en un acte de défi stratégique.

Pour quiconque douterait de l'urgence, il a livré les chiffres bruts de la semaine écoulée : une avalanche de 3 270 drones d'attaque, 1 370 bombes guidées et près de 50 missiles russes abattus sur son pays.

Ce cri d'alarme n'est pas un signe de panique, mais le produit d'un calcul glacial, né d'une tempête parfaite. Sur le front, une guerre d'usure broie ses armées. À Washington, son principal allié a été remplacé par un médiateur pressé de conclure un « accord ». Pris en étau, Zelensky joue sa dernière carte : forcer la main d'une Europe qui, jusqu'ici, a préféré le confort des discours à la rigueur des actes. En s'adressant publiquement à cette coalition à la carte, dirigée par Paris et Londres, il opère un pivot stratégique spectaculaire, signifiant au monde que l'axe sécuritaire Kyiv-Washington est rompu et que l'Europe est désormais seule face à ses responsabilités.

Le hachoir à viande : l'attrition comme stratégie russe

Pour comprendre la manœuvre de Zelensky, il faut d'abord sentir l'odeur de la boue et de la poudre de l'automne 2025. La ligne de front n'est plus le théâtre de percées audacieuses, mais un hachoir à viande industriel où la Russie avance à pas de fourmi, au prix d'un coût humain effroyable. La stratégie de Moscou n'est pas de vaincre l'armée ukrainienne par la manœuvre, mais de la saigner à blanc.

La pression est implacable sur l'ensemble des 1 200 kilomètres du front, avec une concentration féroce dans le Donbass. Les rapports d'octobre décrivent une lente mais inexorable progression russe. Koupiansk est sur le point de tomber, tandis que les forces du Kremlin grignotent du terrain près de Lyman, Pokrovsk et Vovtchansk. L'intensité est telle que l'état-major ukrainien a recensé 123 affrontements distincts sur la seule journée du 12 octobre. Sous ce déluge de feu, les unités ukrainiennes, épuisées, sont contraintes à des « retraits tactiques », un euphémisme pour une retraite sous pression. Chaque village perdu, chaque mètre cédé n'est pas une défaite majeure, mais une coupure de plus dans une mort par mille entailles. Cette érosion constante a un effet psychologique dévastateur, instillant un sentiment d'inévitabilité bien plus corrosif qu'une grande bataille perdue.