Tous les souverainistes sont-ils vraiment prêts au Frexit ?

Tous les souverainistes sont-ils vraiment prêts au Frexit ?


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La semaine dernière, j'ai interrogé la fracture du camp conservateur sur la question russe, en relevant que certains sont particulièrement hostiles au narratif atlantiste, et d'autres très enclins à défendre les intérêts de Zelenski et sa vision du monde. Un autre marqueur pointe le bout du nez dans le monde des souverainistes : la question du Frexit et de ses implications. Beaucoup n'ont que le mot "Frexit" à la bouche, comme s'il constituait une solution miracle. En réalité, le mot implique une réalité à laquelle peu de souverainistes sont prêts à ouvrir les bras. Autant se le dire tout de suite.

Le graphique que je publie ci-dessus est bien connu des initiés. Il me paraît indispensable de le produire en ouverture des lignes qui vont suivre, car il en explique l’essentiel.

Ce graphique représente la part des dépenses publiques dans la richesse nationale, depuis 1970.

Il peut se décomposer en trois phases majeures :

  • la première phase est celle des années 70 où la dépense publique est inférieure à 50% du PIB (et même à 40% du PIB avant 1975…)
  • la deuxième phase, de 1981 à 2008, est celle où la dépense publique oscille entre 50 et 55% du PIB
  • la troisième phase, commencée en 2008, est celle où la dépense publique dépasse les 55% du PIB, et même les 60% en 2020 !

Autrement dit, la dépense publique est en hausse constante par rapport à la richesse nationale depuis 40 ans.

Le faux diagnostic d’une crise du libéralisme

La crise que nous traversons aujourd’hui est donc celle, structurellement, d’une dépense publique, notamment étatique, toujours plus élevée et toujours moins productive.

Je ne ferai pas l’injure au lecteur d’ajouter ici les graphiques représentant l’évolution cataclysmique des déficits et de la dette publics. Mais une évidence n’est pas contestable : le poids de l’Etat dans l’économie n’a cessé d’augmenter depuis 40 ans.

Ce rappel qui relève de l’enfonçage de porte ouverte souligne que le diagnostic, si répandu parmi les souverainistes, d’une crise due à un excès de libéralisme relève de la licence poétique. Si l’on admet l’hypothèse que le libéralisme se distingue par une réduction du rôle de l’Etat, alors on peut aussi admettre que la crise profonde que nous connaissons n’est certainement pas due au libéralisme, mais plutôt au manque de libéralisme.

Je n’ignore pas, néanmoins, que les préjugés de certains souverainistes sont tenaces, et qu’ils ne veulent pas démordre de cette idée que l’Union Européenne est la cause de tout, avec son fichu marché, et qu’un Frexit nous libérerait de toutes les contraintes budgétaires. Selon eux, en sortant de l’Union Européenne, nous retrouverions des marges prodigieuses pour financer toutes sortes de dépenses publiques qui nous sont interdites aujourd’hui.

L’explosion des dépenses publiques est un effet pervers de l’UE

Cette croyance pour ainsi dire superstitieuse selon laquelle sortir de l’Union permettrait d’augmenter (encore plus !) les dépenses publiques pour le plus grand bien de la population, relève à mon avis de l’incompréhension profonde de ce qu’est réellement l’Union Européenne.

Nous ne nous noierons pas ici dans les statistiques en tout genre. On peut seulement constater, au vu du diagramme ci-dessus, que le traité de Maastricht n’a certainement pas impliqué une quelconque baisse des dépenses publiques en France. Bien au contraire ! plus l’Europe s’est intégrée, mieux la monnaie unique s’est installée, plus l’Etat s’est montré, en France en tout cas, dépensier et déficitaire !

Ce phénomène s’explique assez simplement : la monnaie unique a favorisé l’industrie allemande, et provoqué la désindustrialisation plus ou moins rapide de ses voisins. Ceux-là ont donc compensé la perte de leur industrie par des interventions sociales de plus en plus coûteuses, financées par les déficits publics. Il en allait, et il en va encore, de la paix sociale !

Les voisins de l’Allemagne ont pu emprunter à tour de bras et pour pas cher, afin de financer ces allocations diverses, depuis les années 2000 grâce à la garantie de l’épargnant allemand. Une sorte de deal s’est dégagé, qu’on pourrait appeler la « clubmédisation » des pays du Sud : l’épargnant allemand finance leurs déficits en échange d’une transformation progressive de ces pays en lieux de vacances…

Ce marché de dupes ne relève certainement pas d’une quelconque philanthropie germanique. En revanche, il a permis une explosion sans limite des dépenses publiques dans nos pays, et non l’inverse.

Que se passera-t-il en cas de Frexit ?

Là encore, je n’ignore pas la démagogie (parfois sincère lorsqu’elle est propagée par des leaders qui n’ont connu dans leur carrière que la fonction publique et ignorent tout de l’économie de marché) selon laquelle le Frexit permettra de nous libérer de toute contrainte budgétaire. Le propos général est de faire croire que la clubmédisation pourrait durer éternellement et sans obstacle si nous sortions de la zone euro, et même de l’Union.

Ce raisonnement fallacieux oublie que c’est grâce à la signature allemande que nous nous endettons pour pas cher. Du jour où nous quittons la monnaie unique, nous perdons cette signature, et nous devons nous remettre au boulot pour réduire les déficits colossaux que nous nous permettons aujourd’hui.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la seule solution pour sortir de la zone euro, consiste à rétropédaler : nous réindustrialiser, nous remettre au travail et produire des marchandises compétitives sur les marchés internationaux. Autrement dit, adieu aux 35 heures, adieu aux allocations pléthoriques, adieu aux retraites avant 67 ans.

Personnellement, je pense que cette voie serait salutaire pour remettre les Français sur le chemin historique d’un pays qui s’élève au lieu de s’effondrer dans son canapé. C’est pourquoi j’appelle le Frexit de mes voeux.

Mais je suis chagriné quand je devine l’illusion que quelques apprentis sorciers nourrissent chez beaucoup de Français, selon laquelle la sortie de l’Union Européenne nous libérera de tout effort.

Cette façon de caresser la facilité dans le sens du poil est totalement mensongère.

Le mensonge de la monnaie produite par la Banque de France

Dans ce fatras de croyances naïves qui saturent certains discours souverainistes aujourd’hui, je voudrais faire un sort particulier à l’opinion effrayante selon laquelle, pour financer les déficits, il suffit de permettre à l’Etat de s’endetter sans taux d’intérêt auprès de la banque centrale nationale.

Si l’on désosse cette proposition en réalité simpliste et suicidaire, elle revient à dire que, chaque fois que l’Etat est en déficit, il suffit de faire tourner la planche à billets pour le financer.

Bien entendu cette solution est possible. Elle fut par exemple pratiquée en 1794 avec les assignats, pour financer les guerres révolutionnaires. Elle s’est traduite par une inflation galopante qui a causé un chaos social et ouvert les portes à l’Empire.

Personnellement, faire tourner la planche à billets pour nourrir une armée de fonctionnaires voraces et désoeuvrés ne me choque pas, à condition que les conséquences soient clairement édictées auprès de tous les amateurs de Frexit : leur solution miracle ruinera les patrimoines, provoquera une inflation incontrôlable, et se terminera par des émeutes de la faim et par le chaos total.

Le Frexit pour sauver le pays

Je crois profondément à deux choses :

  • l’Europe de Maastricht a produit le même effet qu’une dose d’opium sur les Français. Elle leur donne l’illusion que l’on peut dépenser toujours plus en travaillant toujours moins, et en étant toujours plus protégés. Elle les a rendus « accros » aux allocations de toutes sortes et allergiques à l’effort,
  • le Frexit remettra (dans la douleur probablement) les pendules à l’heure en dissolvant l’idéologie mensongère de la protection et en rappelant qu’il n’est de richesse que par le travail.

C’est pourquoi le Frexit est nécessaire. Mais il fera effectivement exploser les « conservateurs » en rendant très impopulaires ceux qui propagent le mensonge d’un Frexit pour échapper aux contraintes. Car le Frexit produira l’effet inverse.


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