Rachat de HSBC Assurance vie par la Matmut : le mutualisme, un business comme les autres ? Par Florent Machabert

Rachat de HSBC Assurance vie par la Matmut : le mutualisme, un business comme les autres ? Par Florent Machabert

Dans le monde feutré des assureurs, il n’y a pas que des compagnies d’assurance : il y a aussi des assureurs mutualistes, qui font partie, aux côtés des coopératives, des associations et des fondations, de la vaste nébuleuse de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), à la notoriété de laquelle Benoît Hamon a beaucoup œuvré lorsqu’il était le ministre délégué à l’ESS et à la consommation de J.-M. Ayrault sous François Hollande. Mais au-delà de la recherche d’une utilité collective et d’une gouvernance démocratique, les structures relevant de l’ESS ont aussi en partage un critère de non-lucrativité, lequel requiert que les éventuels bénéfices réalisés soient intégralement réinvestis au service du projet collectif ; comprenez qu’il ne saurait y avoir au sein de l’ESS d’enrichissement personnel des dirigeants.

C’est cependant l’assureur mutualiste bien connu du grand public Matmut qui vient d’entrer en négociations exclusives avec la banque privée HSBC pour lui racheter son encours de quelque 20 Mds € d’activités d’assurance-vie en France, au nez et à la barbe d’un banquier, mutualiste lui aussi, le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE), mais également de Groupama, un autre assureur mutualiste (décidément, quel appétit de la part du « mutualisme » !). Jusque-là, c’étaitle gestionnaire américain de fonds de placement, Cerberus (My Money Group), qui tenait le plus la corde: le rapprochement d’un fonds américain revendiquant son approche capitaliste de la gestion collective de l’épargne avec la branche assurance-vie de la Hong Kong & Shanghai Banking Corporation (HSBC), dont il exploite par ailleurs la marque depuis 2008 pour les activités bancaires (sous le nom de Crédit commercial de France, CCF),apparaissait en effet comme stratégiquement et déontologiquement plus logique, Cerberus disposant même déjà d’un contrat de distribution des produits de HSBC Assurances Vie (HSBC AV) !

Mais Cerberus a péché par excès de confiance et la petite pousse mutualiste Matmut, qui, tout en refusant les contraintes du statut d’« entreprise à mission » (faut pas pousser) pour lequel a opté la MAIF, met en avant une « raison d’agir » qui laisse songeur (« Nous assurons, nous accompagnons, nous protégeons, nous nous engageons pour aider chacun […] à rêver demain. »), est tout de même parvenue à aligner 300 à 400 M€ de plus que le fonds américain, pour proposer à HSBC AV un deal de presque 1 Md €, soit près de la moitié des fonds propres de la Matmut ! Compte tenu de l’encours racheté et de frais de gestion annuels moyens de 0,5%, la Matmut devrait donc mettre près de 10 ans à rentabiliser cet investissement… purement capitaliste !

Ce qui ne manque cependant pas d’interpeller, c’est que la Matmut n’en est pas à son coup d’essai : par la voix de Nicolas Gomart, son vice-président et directeur général, elle assume en effet un objectif de « 4 à 5% par an de retour sur investissement » et de « 5% de croissance du nombre de ses sociétaires », ce qui justifierait cette politique de croissance externe, qui l’a déjà conduite en 2021 à signer avec BNP-Paribas (pas spécialement mutualiste non plus !) un accord de distribution des fonds euros et des PER Cardif. Une seule condition était alors posée par le direction pour toute opération de rachat : que cette dernière respecte les valeurs de l’« engagement mutualiste » de Matmut… Aussi aimerait-on bien que Nicolas Gomart nous donne aujourd’hui son avis sur le rapprochement en cours avec HSBC AV, et qu’il nous explique en quoi ce deal de la très mutualiste Matmut, mieux-disante qu’une société d’investissement américaine, respecte ses valeurs, dont la non-lucrativité, censée permettre d’améliorer les prestations offertes aux membres ou de réduire les coûts des primes.

Peut-être un élément de réponse se trouve-t-il dans l’histoire de la Matmut, qui entretient depuis toujours un lien étroit avec l’automobile : fondée en 1961 par Paul Bennetot pour proposer de l’assurance auto, elle est présidée depuis 2019 par Christophe Bourret, pilote automobile de son état et propriétaire d’une belle collection de sportives. Mutualiste toujours, mais en pole position du profit, donc, la Matmut. Et prompte à profiter, le mutualisme devenant un business comme les autres, de la bulle spéculative que d’aucuns prophétisent avec le retour de Trump aux affaires d’ici un mois maintenant. Pas folle la Matmut.

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