Veerle Daens l'a déjà rappelé : la politique d'attractivité de la France consiste à accorder des avantages fiscaux aux multinationales et à plomber fiscalement nos PME nationales. Le sommet Choose France a rappelé combien ce calcul est foireux.

C’était hier, à la Maison de la Chimie. Une nouvelle messe de la « Start-up Nation », célébrée par le Président de la République et son Premier ministre, Sébastien Lecornu. Le sommet « Choose France – Édition France » devait être l'apothéose de la souveraineté retrouvée, une célébration de l'investissement tricolore. L’Exécutif nous a jeté au visage un chiffre rond, gonflé à l’hélium de la communication politique : 30,4 milliards d’euros d’investissements.
Pourtant, derrière les flûtes de champagne et les sourires de façade, la réalité économique est bien plus sombre. Ce sommet n’est pas le signe d’une renaissance, mais le symptôme d’une maladie française chronique : le capitalisme de connivence, où l’État déroule le tapis rouge aux géants tout en asphyxiant ceux qui créent réellement la richesse, les PME.


Un bilan en trompe-l’œil et du "réchauffé"
Commençons par dégonfler la baudruche. Sur les 30,4 milliards annoncés avec emphase, seuls 9,2 milliards d’euros correspondent à de véritables nouveaux investissements débloqués pour l’occasion.
Le reste? Une compilation de 21,2 milliards d’euros de projets déjà annoncés au cours des douze derniers mois, savamment réemballés pour donner l’illusion du mouvement. En cuisine, on appelle cela servir les restes ; en politique, on appelle cela une stratégie industrielle.
Plus inquiétant encore est le silence assourdissant sur l’emploi. Contrairement aux éditions internationales où l’on nous vantait des milliers de postes, aucun chiffre consolidé de création d’emplois n’a été communiqué pour ces 151 projets. Et pour cause : l'investissement phare, le projet OpCore (Iliad/InfraVia) de 4 milliards d'euros pour un centre de données en Seine-et-Marne, ne créera que « plusieurs centaines » d'emplois. Nous sommes face à une politique d’investissements massifs en capital (machines, serveurs), subventionnés ou facilités par la puissance publique, mais pauvre en travail. L'État aménage des "fast-tracks" administratifs pour les géants, pendant que le boulanger ou l'industriel de province attend des mois pour un permis de construire.


L'État fort avec les faibles, faible avec les forts
Pendant qu'Emmanuel Macron joue au VRP de luxe pour le CAC 40, qui paie l'addition de cette politique d'attractivité? Les PME et les TPE.
Le contraste est saisissant. D'un côté, on célèbre les multinationales ; de l'autre, le Projet de Loi de Finances (PLF) 2026 prépare une véritable saignée pour les petites structures. La suppression de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises), impôt de production idiot s'il en est, est une nouvelle fois reportée, cette fois jusqu'à 2030. Une promesse trahie qui pèse directement sur la compétitivité de nos PME industrielles.
Pire encore, le gouvernement s'attaque à l'apprentissage, véritable levier d'insertion pour les artisans et les PME. Le budget 2026 prévoit une baisse drastique des aides à l'embauche (-30% de l'enveloppe globale) et la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les apprentis. Résultat : le coût du travail va exploser pour les petits patrons, et le salaire net des apprentis va baisser.
Cette politique a des conséquences mortelles. Le troisième trimestre 2025 a enregistré un triste record : 14 371 défaillances d'entreprises, du jamais vu pour une période estivale. Les défaillances de PME bondissent de 13 %. Voilà la réalité du terrain : pendant que l'État se gargarise de souveraineté numérique dans les salons parisiens, le tissu économique réel se déchire dans le silence général.

L'enlisement par l'interventionnisme
La conclusion est amère. Cette « politique industrielle » ne galvanise pas le pays ; elle l'enlise dans une économie à deux vitesses. D'une part, une caste d'entreprises "systémiques" qui bénéficient de l'oreille du Prince, de subventions déguisées et d'une fiscalité sur mesure (rappelons que le taux effectif d'imposition des PME avoisine souvent les 39,5 % contre 18,6 % pour les grands groupes). D'autre part, une armée de PME taillables et corvéables à merci, utilisées comme variable d'ajustement budgétaire.
Le sommet « Choose France » n'est pas une victoire, c'est le symbole d'une fuite en avant. L'attractivité ne se décrète pas à coups de sommets diplomatiques et de chèques en bois ; elle se construit par la liberté économique, la stabilité fiscale et l'arrêt du pillage des forces vives. En voulant "choisir" les vainqueurs, l'État ne fait que précipiter la défaite de tous.
