Prisons : le naufrage de l'Etat-Providence coercitif, par Veerle Daens

Le Courrier va se consacrer à une analyse méthodique du budget 2026, avec Veerle Daens pour mieux décaper les idées reçues. Nous commençons aujourd'hui par le budget des prisons, en hausse de 3% pour 2026.

Le point le plus flagrant est l'acceptation par l'État de sa propre faillite. L'administration ne prévoit pas de résoudre la surpopulation : elle la budgétise.

  • Elle admet que son monopole sur la détention produit un service défaillant, avec un taux d'occupation prévisionnel de 169 % en maison d'arrêt.
  • Elle admet qu'elle ne peut garantir la sécurité physique des individus sous sa garde (agents comme détenus), en prévoyant des niveaux élevés de violence.
  • Elle admet qu'elle bafoue le principe de l'encellulement individuel, pourtant légal, en prévoyant sa baisse à 34,5 %.

Si une entreprise privée gérait un service (par exemple, un hôtel) avec un taux de surréservation de 169 % et un taux d'agression élevé, elle ferait faillite ou serait poursuivie. L'État, lui, se contente d'augmenter son budget de 3 % et de construire davantage, perpétuant le cycle de l'échec.

L'expansion bureaucratique comme solution à la bureaucratie

La réponse de l'État à ses échecs n'est jamais la remise en cause de sa mission, mais l'expansion de ses moyens. Le document est un cas d'école de la "loi de Parkinson" : la bureaucratie gonfle pour justifier son existence.

  • L'État dépense 4,3 milliards d'euros(argent prélevé de force aux contribuables par l'impôt) pour financer un système qui aggrave les problèmes qu'il prétend résoudre.
  • Il crée 855 nouveaux postes et embauche 3 317 fonctionnaires, alourdissant la charge administrative et les coûts futurs (pensions) sans garantie de résultat.
  • Il crée de nouvelles strates de contrôle (la DGAP, l'IGAP), ce qui ne fait qu'augmenter la complexité administrative au lieu de la réduire.

La cause de la surpopulation : la guerre contre la drogue

Ma critique s'attaque à la racine du problème, que le document ignore : la nature des "crimes" qui remplissent les prisons. Le document mentionne explicitement la lutte contre les "narcotrafiquants" et les "stupéfiants" comme une priorité.

Pour une libertarienne, la prohibition des drogues (la "guerre à la drogue") est une politique liberticide et la cause directe :

  1. De la surpopulation : elle incarcère des individus pour des crimes sans victime (commerce ou consommation de substances).
  2. Du crime organisé : c'est la prohibition qui crée les marchés noirs, la violence afférente et la richesse des cartels.

L'État dépense donc des milliards pour "lutter contre le crime organisé", un monstre qu'il a lui-même créé par l'interdiction.

La militarisation au détriment de la liberté

La réponse à l'attaque d'Incarville illustre la tendance de l'État à répondre à la violence (qu'il a souvent indirectement causée) par une escalade de la force et de la surveillance.

  • L'acquisition de pistolets mitrailleurs et l'augmentation des moyens du renseignement pénitentiaire (SNRP) ne sont pas des signes de sécurité, mais d'une militarisation de la gestion civile.
  • L'anonymisation des agents est une mesure dangereuse qui réduit la responsabilité individuelle des agents de l'État. Elle crée une force étatique dépersonnalisée, rendant plus difficile pour les citoyens (détenus ou non) de la tenir pour responsable en cas d'abus.

Le paternalisme de la "réinsertion"

Enfin, l'axe "réinsertion" est perçu comme une prétention paternaliste de l'État. L'administration, qui échoue à fournir des conditions de détention dignes, prétend savoir comment "réformer" les individus.

  • Des programmes comme le "diagnostic socioprofessionnel systématique" ou l'implication de l'ATIGIP relèvent d'une planification centrale de la vie des individus.
  • Le travail en détention, notamment le "service général", fonctionne souvent comme un monopole d'État (via la RIEP) qui empêche de véritables contrats de travail de droit privé entre les détenus et des entreprises, lesquels seraient bien plus formateurs et responsabilisants.

Conclusion : Ce budget est l'archétype d'un État-providence coercitif. Il taxe les citoyens pour financer un monopole défaillant (la prison), aggravé par des politiques liberticides (la prohibition), et tente de résoudre les échecs qui en résultent (surpopulation, violence) par une expansion de sa propre bureaucratie et de sa force militaire.