Pourquoi la démission de Lecornu annonce celle de Macron...

Mal entouré, Sébastien Lecornu a péniblement formé un gouvernement... qui aura tenu 12 heures à peine. Alors que LR s'apprêtait à en sortir, Lecornu a démissionné dès potronminet. Dans la panique, Macron a accepté cette proposition. Une crise institutionnelle (que nous avions annoncée fin août), s'ouvre. La démission de Macron est désormais inévitable. Voici pourquoi...

Nouvelle accélération de l'histoire donc !

Hier soir, après une longue période de latence, Sébastien Lecornu, pur produit de la macronie et quasi-caricature de l'entre-soi parisien, a formé un gouvernement... particulièrement déceptif. Il n'a visiblement pas pris le temps d'expliquer au préalable à ses petits camarades de LR qu'Emmanuel Macron avait insisté pour que Bruno Le Maire prenne le maroquin des armées. Pourtant, LR a quelques vilains comptes à régler avec le romancier normalien, accusé d'être responsable de la faillite du pays.

Aujourd'hui à 11 heures, LR devait tenir une réunion politique pour annoncer sa sortie du gouvernement. Finalement, Emmanuel Macron n'a pas voulu laisser Bruno Retailleau partir avec superbe. Promis à la censure dès jeudi, Lecornu a démissionné 12 heures à peine après l'annonce de son gouvernement.

Immédiatement, le CAC 40 reculait fortement, car la promesse d'un retour à la stabilité politique sans dissolution (pourtant impossible à croire, mais les marchés sont moutonniers et aveugles) s'est brutalement évanouie. Soudain, la Vè République bascule dans le IVè, au pire moment qu'il soit : finances publiques en pleine suffocation et débat budgétaire impossible pour ramener l'équilibre.

Voici la suite des événements :

  • rationnellement, Macron ne peut que dissoudre l'Assemblée Nationale pour rechercher une nouvelle majorité,
  • dans cette hypothèse, les élections auront lieu début novembre au mieux, probablement à la mi-novembre
  • les résultats seront connus fin novembre
  • Macron peut nommer un nouveau Premier Ministre début décembre, si tout va bien... Mais si une majorité se dégage, bien décidée à combattre le projet de budget confectionné par Bercy pendant le temps de la dissolution, on peut imaginer qu'Emmanuel Macron ne se pressera pas pour choisir le nouveau Premier Ministre, et attendra gentiment le 15 ou le 20 décembre, histoire d'empêcher définitivement tout débat budgétaire
  • Le problème tiendra tout entier au contenu du budget, donc

En effet, le gouvernement Lecornu, chargé des affaires courantes (qui succède à un autre gouvernement chargé d'affaires courantes... il y a là un beau sujet de droit public en perspective, sur lequel nous reviendrons), devrait préparer un budget par ordonnances, probablement avec des mesures "expéditives" et impopulaires. Le gouvernement trouvera ce texte à son arrivée, et disposera de très peu de temps pour le discuter. La situation sera inédite.

Statistiquement, on peut penser que les macronistes réaliseront un score faible aux législatives. Cela signifie que le gouvernement qui émergera de ces élections souhaitera amender le projet de budget, crucial, qui arrive. On pense ici à des marqueurs forts comme la fiscalité des plus riches ou la réforme des retraites.

Politiquement, une nouvelle période d'instabilité devrait suivre : une résistance du nouveau gouvernement au fait accompli choisi par Macron.

Cette instabilité politique, ces tensions profondes, nourriront forcément la défiance des marchés, qui devraient chanceler. Sans surprise, la "prime de risque" de la dette française devrait flamber, réduisant d'autant les marges de manoeuvre du nouveau gouvernement.

Dans la pratique, la situation sera rapidement ingérable (mettant en danger l'idée européenne elle-même !) : d'un côté, un suffrage appelant à une majorité de rupture, d'un autre côté, un Président imposant ou tentant d'imposer un budget conforme à la volonté de la Commission Européenne, qui ne sera rien d'autre qu'un budget de continuité. Face au désordre que la dissolution n'aura pas purgé, face aux tensions qui vont s'accroître, que restera-t-il d'autre à Macron que de démissionner pour sortir de l'impasse ?