Picot : « Chômage : secteur privé 62%, secteur public 0% »

Picot : « Chômage : secteur privé 62%, secteur public 0% »


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Didier Picot revient pour nous sur le chômage qui frappe le pays. Il compare le chômage partiel ou non qui frappe durement le secteur privé, et la sérénité des fonctionnaires en charge de la crise, mais épargnés par ce risque social. Est-ce bien raisonnable ?

Dans son discours lundi 13 avril 2020, le Président Emmanuel Macron a expliqué que la réouverture des écoles était une priorité parce que « la situation actuelle creuse les inégalités. (…) Dans cette période, les inégalités de logement, les inégalités entre les familles sont encore plus marquées. ». Il a évidemment raison.

Je note cependant que ni lui, ni l’opposition, ni les partenaires sociaux, ni les syndicats d’artisans ou des PME, ni aucun organe de presse personne n’a relevé l’inégalité béante, le gouffre qui divise la France en deux :

  • d’un côté une France dont le taux de chômage est de 0%,
  • de l’autre une France dont 62% des membres sont au chômage partiel ou complet,

J’ai nommé d’un côté la France des fonctionnaires, du secteur public, de l’autre la France du secteur marchand, privé.

Taux de chômage : secteur privé 62%, secteur public 0%

Il y a en France (y compris outre-mer) une population active d’environ 30 millions de personnes. Sur ces 30 millions, 6,3 millions de personnes étaient inscrites à Pôle Emploi fin 2019.

Catégorie A : 3,5 millions de chômeurs en recherche active
Catégories B et C : 2,2 millions en activité réduite mais cherchant une activité à plein temps.

A quoi, il faut ajouter 650 000 chômeurs (catégories D et E) qui sont en formation et donc ne cherchent pas du travail. Retenez ce chiffre : 6,3 millions de personnes impactées par le chômage à fin 2019.

Ce matin 16 avril 2020, Mme le Ministre du Travail a annoncé que 9 millions de personnes étaient inscrites au chômage partiel. Ajoutés à nos 6 millions de chômeurs à fin 2019, c’est environ 15 millions de personnes sur 30 qui sont en situation de chômage total ou partiel.

Or parmi ces 30 millions d’actifs, nous comptons 5,8 millions de fonctionnaires dont le taux de chômage partiel ou complet est de 0% et qu’il convient de retrancher de la population active concernée par le chômage. Ainsi 62% (15/24,2 millions) des personnes qui tirent leurs revenus du secteur privé sont affectées par le chômage. 62% !

Note : ces chiffres sont des ordres de grandeur car Pôle Emploi n’a pas encore publié les chiffres du 1° trimestre 2020. Même si le taux de chômage complet ou partiel dans le privé est peut-être de 58 ou 55% (ou au contraire de 65%), ça ne change rien à la démonstration.

Deux France se côtoient, séparées par un gouffre, un statut, et deux taux de chômage :

D’un côté le secteur public :  0%

De l’autre côté, le secteur privé  : 62%

D’un côté les salariés fonctionnaires du secteur public, qui ont un revenu moyen 18% supérieur à celui des Français (fonctionnaires d’Etat), qui ne subiront aucune conséquence économique et ne sont exposés à aucun stress du fait de la crise sans précédent qui s’annonce,

De l’autre, les personnes qui tirent leur revenus du secteur marchand, privé, dont les revenus seront significativement réduits alors qu’il sont déjà largement inférieurs aux premiers nommés et qui craignent de perdre leur emploi, leur entreprise, leur logement ou tout ça à la fois. Et pour les plus démunis d’entre eux de n’avoir plus rien à manger.

Où est l’égalité qui s’affiche au fronton de toutes nos mairies ? Où est la solidarité entre les Français ?

Tout le travail de communication de nos dirigeants parisiens consiste à détourner l’attention de cette situation : à la minute même où ils ont compris qu’il y aurait une crise, les journalistes de la presse subventionnée sont partis à la manœuvre et ont remis sur la table la question de l’ISF.

Il reste à voir si, cette fois-ci encore, nos dirigeants fonctionnaires vont réussir à faire croire aux Français que c’est parce que l’ISF a été réduit de 2 milliards par an que nous avons un problème de budget de 70 milliards chaque année, avant effet du coronavirus.

Une crise gérée par ceux qu’elle ne touche pas

Notre Premier Ministre, la plupart de ses ministres et presque tous leurs prédécesseurs depuis 45 ans, 99% des membres de leurs cabinets et 100% des employés des administrations, bref quasiment tous ceux qui sont au pouvoir en France, sont fonctionnaires.

Du fait de leur statut si particulier, leur conception du monde, et en l’espèce de la crise du coronavirus, est différente de celle des Français du monde réel : concernés comme nous tous par la crise sanitaire, ils ne le sont pas par la crise économique et sociale qui nous accable (en tout cas, ils peuvent le penser). Ainsi, ils ont au départ abordé la crise presqu’exclusivement sous l’angle sanitaire. Ils commencent seulement maintenant à comprendre, même Le Monde en parle, que les conséquences économiques et sociales du confinement risquent d’être plus graves et plus mortelles que ses bénéfices sanitaires.

En écrivant cela, je ne suis pas en train de tirer sur l’ambulance. Autant, je pense que l’état d’impréparation du pays à ce type de crise est honteux voire coupable, autant je trouve qu’une fois qu’ils s’y sont mis, nos dirigeants ont réagi plutôt intelligemment. Et que les Français ont été magnifiques.

Lundi, notre Président nous a dit qu’il allait falloir nous réinventer et nous remettre tous en question. Notre Ministre des Finances a expliqué que tout le monde devrait contribuer au coût de cette crise.

Tout le monde ? Toute la France, vraiment ? Ou bien, toute la France … sauf un village gaulois peuplé d’irréductibles fonctionnaires ? Nous verrons.


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