Moscovici, Ribadeau-Dumas : pendant l’épidémie, business as usual pour l’Etat profond

L'Etat profond ne connaît ni la crise ni la pandémie. Entre l'affaire Moscovici qui commence et l'arrivée de Benoît Ribadeau-Dumas à la tête de la Scor, les Français découvrent que ceux qui les gouvernent n'obéissent pas exactement aux mêmes règles qu'eux, et que la notion d'intérêt général est vraiment très relative. Voici deux beaux exemples de ce qui ulcère un peuple soumis à une profusion de règles et de sacrifices exigés et décidés par une caste qui préserve soigneusement sa liberté d'agir, de s'enrichir, et de circuler.

Pierre Moscovici, devenu premier Président de la Cour des Comptes à 62 ans, avoue cumuler intégralement son salaire et ses retraites diverses, ce qui ressemble beaucoup à un privilège. Benoît Ribaudeau-Dumas, directeur de cabinet d’Edouard Philippe à Matignon, vient d’être parachuté à la tête de la Scor, six mois après la fin de ses fonctions très politiques. Ces deux affaires devraient nourrir une fois de plus le sentiment de passe-droits pour les élites administratives, pendant que le reste du pays est perclus de règles… inventées par ces élites au nom de l’intérêt général.

Pierre Moscovici, joyeux cumulard d’emploi public et de retraites

On doit au site Capital de révéler le contenu d’une réponse faite par Pierre Moscovici au député UDI Thierry Benoît qui l’avait interrogé sur son cumul emploi-retraites.

Rappelons que le prédécesseur de Moscovici, Didier Migaud, avait eu la sagesse de ne pas cumuler sa rémunération à la Cour avec sa retraite de député. Moscovici n’a pas cette délicatesse et revendique sans ambages le droit au cumul.

En l’espèce, Moscovici reconnaît percevoir, en plus de sa rémunération de 14.500 € à la tête de la Cour des Comptes, sa retraite de député français, et sa retraite de député européen. L’ensemble avoisinerait les 4.500 €. Il serait aussi en droit de percevoir une retraite d’ancien commissaire européen (une somme de 4.000 € environ). Si ce dispositif est légal, il est dérogatoire par rapport au droit commun applicable aux salariés du secteur privé, dont le cumul emploi-retraites est soumis à des règles contraignantes.

Mais après tout, qu’importe ! on n’est pas obligé de respecter les règles applicables aux citoyens pour défendre leurs intérêts.

Ribadeau-Dumas succédera à Kessler à la tête de la SCOR

Autre fromage juteux qui tombe dans le bec d’un décideur public : le directeur de cabinet d’Edouard Philippe (lui-même devenu administrateur d’ATOS), Benoît Ribadeau-Dumas, réputé pour sa rigueur budgétaire, devrait au printemps 2021 succéder à Denis Kessler à la tête de la SCOR, poids lourd de la réassurance mondiale. C’est une superbe opération financière pour ce hiérarque, puisque Kessler était crédité d’une rémunération annuelle de plusieurs millions €.

L’histoire ne dit pas si la commission de déontologie a approuvé ce mouvement un peu étrange. Faut-il rappeler que la SCOR a bruyamment quitté la Fédération Française de l’Assurance (FFA) lorsque celle-ci a décidé de collecter plusieurs centaines de millions auprès de ses adhérents pour lutter contre le COVID ? C’était l’époque où les restaurateurs exigeaient du gouvernement des mesures de rétorsion contre les assureurs qui n’indemnisaient pas les pertes d’exploitation. Certains restaurateurs pourraient quand même s’offusquer de voir que le directeur de cabinet du Premier Ministre de l’époque soit aujourd’hui recruté à la tête d’une entreprise qui a lutté contre toute indemnisation.

La perspective de ce recrutement a-t-elle modifié l’attitude de l’Etat dans ce dossier ? Personne ne peut, à ce stade, l’affirmer, mais on peut imaginer que le soupçon va naître dans certains esprits… et, pour l’image d’impartialité de l’Etat, cela pose quand même un sacré problème.

Peut-on encore croire à l’intérêt général ?

Alors que les Français vivent désormais reclus, soumis à chaque coin de rue à des règles contraignantes,  et que l’épée du chômage flotte au-dessus de leur tête, l’élite administrative qui dirige le pays ne semble pas soumise aux mêmes angoisses ni aux mêmes contraintes. Manifestement, les innombrables interdits qui entourent les rémunérations dans le secteur privé n’ont pas franchi la frontière de la caste qui se prétend détentrice de l’intérêt général.

Voilà qui pose une sacrée question.