« Mes convictions évoluent avec celles de la société » (Valérie Pécresse)

« Mes convictions évoluent avec celles de la société » (Valérie Pécresse)
Paris’ Ile de France administrative region president Valerie Pecresse, who is seeking the presidential nomination for the French conservative party Les Republicains (LR), poses next to her portrait during a campaign meeting ahead of LR’s primaries in Vannes, Britany, on October 28, 2021. (Photo by JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Un candidat à l'élection présidentielle peut-il déclarer : "Mes convictions évoluent avec celles de la société"? C'est ce qu'a fait Valérie Pécresse le 31 janvier 2022 en répondant à une question sur le "mariage pour tous". Mais la question ne concerne pas seulement les enjeux sociétaux. Elle vaut pour la politique, l'économie, la culture etc....Et puis est-ce la chose à dire pour une candidate dont ses électeurs potentiels se demandent si elle a des convictions?

Interrogée sur les question sociétales, lundi 31 janvier dans l’émission Mission convaincre sur LCI, Valérie Pécresse s’est vu demander dans quelle mesure elle aurait été opportuniste concernant le « mariage pour tous ». Elle avait participé à la Manif pour tous et elle semble aujourd’hui le regretter. Poussée dans ses retranchements, la présidente de la Région Ile-de-France, candidate à l’élection présidentielle, a répondu: 

« Je suis humaine aussi, je rencontre des gens et cela me fait évoluer. Ceux qui n’évoluent jamais ont de la chance qu’elles n’évoluent pas, moi ce n’est pas mon cas, mes convictions évoluent avec celles de la société ». 

La législation doit s’adapter aux moeurs, disait déjà Valéry Giscard d’Estaing, mais cela c’était en 1975, il y a presque un demi-siècle. La petite Valérie avait à peine huit ans. Et Emmanuel Macron n’était pas né. A l’époque cela paraissait moderne. Puis avec les années, les Français se sont rendus compte, que la question ce n’était pas seulement l’évolution des mœurs et de la société. C’était celle de l’action politique en général. Il est bon, sur les mœurs ou en économie, ou concernant la société, qu’il y ait des modernisateurs et des conservateurs, des libéraux et des sociaux-démocrates, des nationistes et des mondialistes. Les problèmes surgissent lorsque ceux qui aspirent à être élus penchent dans une seule direction – en expliquant qu’ils se rangent à l’avis majoritaire alors qu’il s’agit en réalité de ce qu’ils entendent le plus parmi les riches et les puissants qu’il fréquentent et de ce que sondent les instituts après un matraquage médiatique sur tel ou tel sujet. 

Valérie Pécresse veut être élue à droite, pourquoi parle-t-elle comme une femme de gauche? Etre de droite, c’est penser qu’il y a des invariants qu’il vaut la peine de défendre en les adaptant aux transformations de la société. Etre de gauche, c’est courir après la dernière transformation en expliquant que c’est la « fin de l’histoire ».  

Quand Valérie Pécresse renforce l'opinion de ceux qui pensent qu'elle ne sait pas ce qu'elle peut incarner

Evidemment, l’élection présidentielle est un peu plus complexe que le schéma d’un affrontement droite/gauche.  Il y a dans nos institutions l’idée que le chef de l’Etat doit rassembler. Charles de Gaulle incarnait un large rassemblement. Georges Pompidou était un conservateur qui attirait aussi la France radicale issue des Troisième et Quatrième Républiques. François Mitterrand commença par réunir la gauche puis s’installa solidement au centre. On disait de Jacques Chirac qu’il était un homme de gauche qui savait se faire élire à droite. Nicolas Sarkozy sut parler un temps aux électeurs du Rassemblement National. Le plus audacieux fut, Emmanuel Macron, durant la campagne de 2017, capable de faire de sa volonté de rassembler à droite et à gauche un système, le « en même temps ». 

Cependant, ce qu’aiment les Français, c’est, dans tous les cas, sentir une personnalité. Ils veulent un candidat qui ait de l’épaisseur. C’est la personnalité d’Emmanuel Macron qu’ils vont rejeter ou reconduire à l’Elysée. Malgré le flou de ses convictions, Jacques Chirac avait réussi à se créer une image de « bon copain », avec qui on irait volontiers boire un coup. Ancien homme de droite, passé à gauche puis revenu au centre en quarante ans de carrière politique, François Mitterrand avait su insuffler l’idée qu’il était resté lui-même, personnage secret mais qui voyait loin et aimait la France. 

Dans la palette actuelle des candidats, les Français ont le sentiment de saisir la personnalité de Marine Le Pen; Eric Zemmour clive mais nul ne doute qu’il incarne la droite; à gauche, on connaît Jean-Luc Mélenchon comme un « affreux jojo », Anne Hidalgo comme une bourgeoise arrogante, Yannick Jadot comme un écologiste à la française, insaisissable et falot. Et il se peut que l’on trouve Fabien Roussel de plus en plus sympathique. 

Mais Valérie Pécresse, qu’incarne-t-elle, quelle personnalité a-t-elle? Personne ne le sait. La perception générale est – à tort ou à raison, qu’elle n’est jamais elle-même. Et sa déclaration selon laquelle elle évolue comme la société ne va pas l’aider. Surtout quand elle continue, toujours lors de l’émission « Convaincre » sur LCI, en parlant dans une langue, mélange de communicante et de technocrate, à propos de la PMA :  » [J’exigerai] que l’on donne accès aux origines à l’enfant issu de la PMA, (…) parce que je pense que ces enfants ont un homme qui leur a donné leur patrimoine génétique ».  Et encore: « J’ai beaucoup travaillé avec des enfants issus de l’adoption et je sais que ce besoin d’origine peut apparaître et on doit le satisfaire »

Comme déclaration « incarnée », on peut mieux faire.