Entre discours paranoïaque et répression brutale, le président malgache Andry Rajoelina s’enfonce dans une fuite en avant autoritaire face à la colère de la jeunesse malagache.

Cet après-midi, dans une déclaration livestream sur son compte Facebook, Andry Rajoelina a accusé des puissances étrangères et des « forces obscures » d’être derrière les manifestations menées par la jeunesse malagasy. Pendant ce temps, sur le terrain, la contestation s’intensifie malgré une répression féroce et des atteintes croissantes aux libertés fondamentales.
Le discours présidentiel vire au complotisme
Dans son intervention, Andry Rajoelina a affirmé que les jeunes de la GenZ étaient la cible d'une cyber-attaque , « des robots et des forces des ténèbres » destinés à la manipulation de masse.

Il a affirmé que des organisations étrangères finançaient les manifestations. Selon lui, l’objectif de ces « commanditaires » serait de mettre la main sur les ressources minières du pays, un refrain déjà entendu sur le continent africain.
Rajoelina a également signalé la présence de milices parmi les manifestants, soupçonnés de vouloir créer le désordre, et a même évoqué des projets ciblant des infrastructures stratégiques comme la Jirama (compagnie d'eau et d'électricité), avec la participation présumée de certains employés.
En conclusion de son allocution, le président a déclaré que « tout devrait se terminer autour d’une table », appelant la jeunesse et toutes les parties prenantes à privilégier le dialogue plutôt que la rue.
Toutefois, ce discours a été mal perçu par la Gen Z. Dans un communiqué , les membres se sont dits inquiets " de la santé mentale" du président.

Au lieu d’entendre le message d’une jeunesse frustrée par la corruption, le chômage massif et la pauvreté persistante, le chef de l’État préfère désigner des ennemis invisibles et dénoncer des milices supposées infiltrées.
Sur le terrain : une contestation étouffée dans la violence
Alors que les rassemblements se déroulent sans entraves dans les grandes villes comme Tuléar, Toamasina ou Mahajanga, la capitale Antananarivo vit une situation bien différente.
À Antananarivo, les manifestations se déroulant actuellement dans les quartiers sont systématiquement réprimées par les Forces de défense et de sécurité (FDS), composées des éléments de l'armée, de la police, et de la gendarmerie en particulier le GSIS, une unité d’élite de la gendarmerie habituellement chargée de la lutte contre le grand banditisme, aujourd’hui détournée pour briser la mobilisation.

Les arrestations arbitraires, les disparitions inquiétantes et actes d’intimidation sont actuellement dénoncées par un collectif d’avocats.
Malgré la répression, le mouvement ne désarme pas. Les porte-parole de la Gen Z multiplient les appels à la solidarité et une nouvelle grande journée de mobilisation est prévue ce samedi 04 octobre, avec l'objectif de rallier la place d’Ambohijatovo, la Place de la démocratie. Le mouvement bénéficie également du ralliement croissant d'artistes, d'influenceurs et de syndicalistes.
Le discours de Rajoelina illustre une fuite en avant : inventer des ennemis invisibles et nier la maturité politique de la jeunesse et leurs revendications : soulèvement contre les inégalités et la corruption .
Mais sur le terrain, la réalité est implacable : répression, violences, privation de libertés et colère grandissante. Plus le régime s’accroche, plus il risque de perdre sa dernière légitimité face à un peuple qui n’a plus peur de réclamer des comptes.

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