Macron veut que la bureaucratie de l’innovation inventée par la finance contamine toutes les start-up

Macron veut que la bureaucratie de l’innovation inventée par la finance contamine toutes les start-up


Partager cet article

Emmanuel Macron a lancé une annonce tonitruante lors de la France Digital Day d’hier: les institutionnels (sous-entendus les banques et les assurances) vont dégager 5 milliards d’investissement pour les start-up, particulièrement au bénéfice d’un « Next 40 » qui aura droit à un programme d’accompagnement public poussé. Alan fait partie du lot. La bureaucratie de l’innovation, mise en place dans le secteur financier depuis quelques années pour encadrer les investissements, va devenir toute puissante, pour le meilleur comme pour le pire.

Emmanuel Macron devrait le savoir. C’est toujours le problème lorsque l’État et ses fonctionnaires se mêlent de « favoriser » l’initiative privée: tôt ou tard, une bureaucratie apparaît, qui fait barrage et oriente la décision selon les critères qu’elle invente elle-même. Le projet affiché lors de la France Digital Day n’échappera pas à ce destin.

Quel projet pour l’innovation avancé par Emmanuel Macron?

Le constat d’Emmanuel Macron est simple: certaines entreprises françaises de l’innovation s’installent aux États-Unis parce qu’il est plus simple d’y lever des fonds et d’y réussir. Pour contrer ce risque, le Président a l’intention d’agir sur le levier financier: les institutionnels devront mobiliser 5 milliards d’euros dans les trois ans pour la French Tech. L’objectif consiste à avoir une dizaine de fonds d’environ un milliard d’euros à l’horizon 2022 afin de satisfaire les besoins supposés en capitaux de ce secteur en France.

Le gouvernement doit également dévoiler mercredi la liste des 40 entreprises technologiques prometteuses qui seront réunies dans le “Next 40” – sorte de CAC 40 des start-up – et qui auront droit, à ce titre, à une plus grande visibilité et à un programme d’accompagnement public plus poussé.

L’intention est louable, mais elle risque de se heurter à la bureaucratie de l’innovation qui sévit dans le secteur financier.

Les start-up face à la bureaucratie de l’innovation

Tous ceux qui ont pratiqué les investisseurs institutionnels savent à quoi s’en tenir. Ceux-ci ont fomenté une bureaucratie de l’innovation aussi imaginative que la BPI. Elle est composée d’anciens consultants de cabinets ayant pignon sur rue, qui n’ont jamais créé une entreprise, mais qui rassurent les directeurs généraux issus des grandes écoles et parfaitement incultes en matière d’économie digitale.

Ces bureaucrates de l’innovation appliquent un modèle simple.

D’une part, ils cherchent des start-up conformes aux stéréotypes qu’ils en connaissent par les medias: un jeune dirigeant issu d’une grande école, qui achète un baby-foot et installe une salle de détente au milieu d’un vieil atelier transformé en open space. D’autre part, ils ne s’occupent guère du business modèle ou de la cohérence du produit, ils veulent surtout des mots qui claquent, de la « tech » et de « l’IA » (entendez intelligence artificielle). L’objectif n’est évidemment pas de porter un projet d’avenir, mais de se faire mousser lors du comité théodule qui prendra la décision d’allouer les fonds ou pas.

L’illusion de l’entre-soi des grandes écoles

Dans la pratique, Emmanuel Macron poursuit donc une politique qui échoue depuis plusieurs années, mais sous une autre forme. On se souvient ici des projets moscoviciens et autres, ourdis sous le quinquennat Hollande, consistant à orienter des fonds d’assurance-vie vers l’investissement innovant. Comme les investisseurs institutionnels sont, par définition, étrangers à l’innovation, et de toute façon contraints à assurer de la rentabilité à l’épargne de leurs clients, on sait tous que leur implication dans le financement des start-up est un leurre.

Tels des poules qui trouvent un couteau, leur stratégie est simple: se rassurer, en prenant le moins de risque possible. Et cette stratégie de réassurance passe généralement par de l’entre-soi des grandes écoles, et par une préférence systématique donnée aux clichés, aux paillettes, aux stéréotypes. Bien entendu, dans quelques années, on constatera l’échec de ce relooking de la politique hollandienne en matière d’innovation par un Macron à la recherche du bon dosage.

Mais ce n’est pas le dosage des ingrédients qu’il faut changer. Ce sont les cuisiniers.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Emmanuel Todd, le déclin de l'Occident et la séduction de l'ombre, par Thibault de Varenne

Emmanuel Todd, le déclin de l'Occident et la séduction de l'ombre, par Thibault de Varenne

Emmanuel Todd est l'un des chantres les plus en vue de la puissance russe et de sa capacité à combattre la décadence occidentale. Mais s'agit-il d'une approche scientifique, ou d'un récit ciselé pour nourrir les croyances et les fantasmes d'un public sous état d'hypnose ? Emmanuel Todd occupe une place singulière dans le paysage intellectuel français. Historien, démographe, anthropologue, il est célèbre pour ses analyses à contre-courant et ses prédictions audacieuses, dont la plus fameuse


Rédaction

Rédaction

Le crépuscule de l'Occident et l'appel du Sauveur Poutine, par Thibault de Varenne

Le crépuscule de l'Occident et l'appel du Sauveur Poutine, par Thibault de Varenne

L'Occident est en pleine décadence et Poutine est le défenseur des valeurs traditionnelles qu'il fera triompher face au nihilisme woke ! Cette chanson bien connue s'appuie-t-elle uniquement sur une analyse raisonnée de l'histoire contemporaine ? Dans quelle mesure projette-t-elle aussi les angoisses de ceux qui la propagent ? Thibault de Varenne passe cette vision au crible de la triade sombre. L'histoire humaine n'est pas un long fleuve tranquille. C'est un océan chaotique de causes et de


Rédaction

Rédaction

La Triade Sombre a-t-elle pris le pouvoir dans le monde ?

La Triade Sombre a-t-elle pris le pouvoir dans le monde ?

Au carrefour de la psychologie de la personnalité et de l'analyse politique, un concept a gagné une importance considérable pour déchiffrer les dynamiques de pouvoir contemporaines : la Triade Sombre (ou Triade Noire). Cette Triade a-t-elle pris le pouvoir dans le monde contemporain ? La triade sombre, ou noire, regroupe trois traits de personnalité distincts mais interconnectés, considérés comme socialement aversifs : le narcissisme, le machiavélisme et la psychopathie. Formalisée en 2002


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Louvre : les intouchables de la République, par Veerle Daens

Louvre : les intouchables de la République, par Veerle Daens

Le vol des joyaux de la Couronne n'est pas le vrai scandale. Le vrai scandale, c'est que personne n'a payé. En sept minutes, une poignée de criminels a exposé la faillite d'une institution d'État, le Louvre, mais surtout la faillite morale d'un système : la république des copains-coquins, où la responsabilité est un concept réservé au bas peuple. Au cœur de cette débâcle se trouve Laurence des Cars, présidente-directrice du musée. Son maintien en poste est une masterclass sur le privilège d


CDS

CDS