Macron-Pécresse et Zemmour-Le Pen: les deux primaires de l’élection présidentielle 2022
30.05.1968, manifestation de soutien au général de Gaulle.

Macron-Pécresse et Zemmour-Le Pen: les deux primaires de l’élection présidentielle 2022


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Les Droites de Husson n°31: (1) Les instantanés saisissants de l'agrégateur de sondages Datapolitics. (2) L'absence de leadership de Valérie Pécresse. (3) Le paradoxe Marine Le Pen (4) Manoeuvres, complotisme, insultes et coup bas à venir: le malaise d'une République dont les dirigeants entravent le fonctionnement

Les  instantanés saisissant de l'agrégateur de sondages Datapolitics

Le duel entre Emmanuel Macron (courbe en jaune) et Valérie Pécresse (bleu)

Le duel entre Marine Le Pen (noir) et Eric Zemmour (mauve)

L’agrégateur de sondages « Jean-Poll » de datapolitics.fr  permet de voir de manière saisissante qu’il y a désormais deux duels qui détermineront le premier tour de l’élection présidentielle.

  • Il y a tout d’abord un match Macron-Pécresse pour s’imposer au centre.  La courbe d’Emmanuel Macron est en jaune, celle de Valérie Pécresse en bleu. Depuis que Madame Pécresse a été investie par le Congrès LR, sa courbe et celle d’Emmanuel Macron varient en fonction l’une de l’autre.
  • Il y a de même un match entre Marine Le Pen et Eric Zemmour.Sur l’agrégateur, la courbe de Marine Le Pen est en noir et celle d’Eric Zemmour en mauve. Comme dans l’autre duel, on observe – depuis le début de l’automne, cette fois, que les courbes des deux candidats de la droite évoluent en fonction l’une de l’autre.

Un match au centre, donc, et un match à droite. Pour l’instant, il n’est pas encore dit que le vainqueur du match au centre affrontera le vainqueur du match à droite. C’est bien entendu ce qu’Emmanuel Macron aimerait mettre en place. Car il pense qu’il serait assuré de gagner le second tour. Mais, pour l’instant, un autre duel, celui entre Marine Le Pen et Valérie Pécresse, est indécis:

Les courbes respectives de Marine Le Pen (en noir) et de Valérie Pécresse (en bleu)

Actuellement, les deux femmes sont à égalité, aux environ de 16%.  C’est peut-être Eric Zemmour qui les départagera car il est en mesure, à la différence de Marine Le Pen, de prendre de l’électorat LR. De ce point de vue, il faut attendre les prochaines semaines pour voir dans quelle mesure Eric Zemmour va bénéficier de ralliements d’élus LR déçus par l’absence de leadership de Valérie Pécresse. Peut-être le ralliement, annoncé ce 9 janvier 2022, de Guillaume Peltier, est-il un signe avant-coureur. En tout cas, Eric Zemmour reste dans la marge d’erreur (trois points) par rapport à Valérie Pécresse et Marine Le Pen. On peut même dire qu’il a bien résisté, depuis début décembre, à la poussée de Valérie Pécresse, alors que cette dernière a soudain bénéficié de toute l’attention des médias.

Eric Zemmour (en mauve) résiste à la poussée de Valérie Pécresse (en bleu)

L'absence de leadership de Valérie Pécresse

Le parti LR est une pétaudière que #Pécresse est incapable de diriger ! La preuve ? Vote des députés LR sur le passe vaccinal : 28 pour, 24 contre, 22 abstentions, 29 absents ! Et ça veut gouverner la France ?https://t.co/6a6uue2n3G

— Gilles Lebreton (@Gilles_Lebreton) January 8, 2022

Gilles Lebreton, député du Rassemblement National au Parlement européen le dit de manière cruelle dans le tweet que nous reproduisons-ci-dessus. Valérie Pécresse a révélé involontairement, à l’occasion du débat sur le passe vaccinal à l’Assemblée nationale qu’elle ne savait pas rassembler le parti dans des circonstances exceptionnelles. 

Et ceci est d’autant plus évident que le Président de la République avait offert sur un plateau une occasion en or. En insultant les Français non-vaccinés dans des termes qui ne sont pas dignes de sa fonction, la candidate des Républicains disposait tout d’un coup d’un levier pour attaquer soudain le gouvernement sur la forme – et se sortir de ce débat sur le fond (le passe sanitaire a-t-il une utilité?) qui divise son parti depuis l’été dernier. 

Il devenait possible, grâce à la provocation de Macron, d’affirmer une ligne 1. appuyant la vaccination volontaire; 2. félicitant les Français vaccinés et faisant confiance au temps pour convaincre les non-vaccinés; 3. amenant le parti à voter non pour sortir de l’autoritarisme macronien.

Bien entendu, ce n’était pas une ligne complètement satisfaisante puisqu’elle ne tenait pas compte des effets secondaires de la vaccination.  Mais cela permettait de laisser l’avenir ouvert. Et d’occuper le même terrain qu’Eric Zemmour

Mardi 4 et mercredi 5 janvier, Emmanuel Macron était éminemment vulnérable. Valérie Pécresse n’a pas su exploiter le moment. Les Républicains ont protesté pour la forme contre les propos orduriers de l’occupant de l’Elysée….puis ils ont contribué à faire voter le passe vaccinal. 

Valérie Pécresse a ensuite essayé de reprendre la main en ressortant le « kärcher sarkozyste » du placard des communicants. Mais cela amène les électorats d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen à se souvenir que le kärcher n’a jamais servi.  

Depuis le début décembre, la candidate investie par le Congrès des Républicains a un boulevard devant elle. Et les médias lui déroulent le tapis rouge. Mais il faut bien constater que la percée post-Congrès la met seulement cinq points au-dessus du score qu’elle avait jusque-là dans les sondages. Et à 16% en moyenne, la candidate n’est pas sûr de parvenir au second tour. 

Le paradoxe Marine Le Pen

Vendredi 7 janvier, Marine Le Pen était à Béziers, reçue par Robert Ménard, maire de la ville. 

A l’Assemblée Nationale, elle a été clairement contre le passe vaccinal, à la différence des Républicains. Après trois jours de débat, la candidate a repris sa campagne de terrain. 

Prenez le temps d’écouter l’extrait ci-dessus de la conférence de presse commune avec Robert Ménard. On y trouve toutes les forces et les faiblesses de la candidate. 

  • elle a bien senti que le dernier lieu où l’on pratique la démocratie, c’est l’échelon municipal. (On se reportera par exemple à l’appel du Collectif des maires résistants). Et la candidate propose intelligemment une relation de confiance entre le prochain président et les maires de France. 
  • Marine Le Pen attire justement l’intention sur l’importance des villes moyennes. (On lira la note consacrée à ce thème par le Centre d’Analyse et de Prospective de l’ISSEP)
  • Mais la candidate ne dit pas clairement que cela signifiera de renoncer au financement public des « métropoles »‘. Il ne faut pas cliver – pour laisser le mauvais rôle à Zemmour. 
  • De même, quand elle parle de l’Etat stratège, elle oublie de dire que la puissance publique est, par sa bureaucratie, la première source de lourdeurs et de paralysie pour les maires. 
  • Marine Le Pen convoque vite un de ses épouvantails favoris, « la loi du marché »; alors que la France crève de l’étatisme inefficace. 
  • Lorsqu’elle parle de redynamiser et rééquilibrer les territoires, elle prend l’exemple de l’écosystème du tourisme mais ne pense jamais réindustrialisation. 
  • la candidate n’a pas l’air de se poser la question de la création de richesses. 

Marine Le Pen fait une campagne de terrain. Elle se veut candidate apaisée – l’anti-Zemmour. Elle parle « d’union nationale ». Elle assume ses différences avec Robert Ménard. En tout cas, c’est le visage qu’elle veut donner d’une « candidate normale ». 

En privé, selon une de mes sources au Rassemblement National, Marine Le Pen doute. Elle imagine gagner et se retrouver ensuite dans la position du bouc émissaire, à qui l’on ferait porter le chapeau pour la remontée à la surface de tous les problèmes dissimulés par Emmanuel Macron. Et puis la candidate reste seule: non seulement elle a poussé vers la sortie un certain nombre d’esprits libres (par exemple à l’occasion de l’investiture pour les élections régionales); mais les réseaux de personnalités disponibles pour occuper les postes-clés de l’appareil d’Etat restent fragiles. Le cercle des Horace ne voit plus guère la candidate maintenant qu’elle est en campagne. Et les propositions de ces personnalités issues du secteur public et du privé sont souvent retravaillées – pour le pire – par les apparatchiks de la campagne.  

Manoeuvres, insultes, complotisme et coups bas à venir: le malaise d'une République dont les dirigeants entravent le fonctionnement

« Il aura coché toutes les cases, aura fait tous les mouvements politiques »

Marine Le Pen réagit au ralliement de Guillaume Peltier à Éric Zemmour ⤵ pic.twitter.com/HnCl8XDAVU

— BFMTV (@BFMTV) January 9, 2022

A un moment de leur dialogue, Robert Ménard précise qu’il donnera son parrainage à Marine Le Pen. Comme en 2017 et en 2012, la candidate doit se battre pour obtenir ses 500 signatures. Avec 380 promesses, elle est en avance sur Eric Zemmour (qui en est à 280); mais le bilan est pour le moins mitigé pour celle qui est candidate pour la troisième fois. D’où les oeillades appuyées aux maires comme Ménard.
A vrai dire, dans le système peu transparent de l’attribution des parrainages, tout donne à penser qu’Emmanuel macron fera en sorte que Marine Le Pen ait ses signatures – cela peut lui éviter de se retrouver face à Valérie Pécresse. Et cette dernière fera sans aucun doute en sorte qu’Eric Zemmour ait les siennes – pour que les voix de la droites s’éparpillent et lui permette de gagner la qualification au centre.
Cela promet une campagne sans merci, où les quatre principaux candidats (Emmanuel Macron s’est rapproché un peu plus de la candidature dans l’entretien accordé le 5 janvier au Parisien) vont passer par des hauts et des bas.

Tous les coups seront permis De ce point de vue, les sarcasmes de Marine Le Pen à l’annonce du ralliement de Guillaume Peltier à Zemmour (voir la vidéo ci-dessus) sont révélateurs. Fin décembre, le Monde se faisait le colporteur de ragots recueillis au Rassemblement National pour accabler Jean Messiha, animateur du cercle des Horace en 2017 mais qui cette fois-ci rallie Eric Zemmour. 

Le Canard Enchaîné a lâché des informations sur les lieux de réveillon et de vacances de Noël d’Eric Zemmour. Et les milieux journalistiques bruissent d’une offensive à venir contre Eric Zemmour. François Fillon n’a-t-il pas été déstabilisé, en 2017 par une campagne médiatique et judiciaire? 

En tout cas, depuis quelques semaines, le thème qui agite le plus les réseaux sociaux est le hashtag #JeanMichelTrogneux, véhiculant une théorie fumeuse – copiée sur les Etats-Unis et le cas de Michele Obama, cible d’une semblable rumeur – selon laquelle Brigitte Macron serait une transsexuelle, née de sexe masculin.  Pourquoi cette théorie absurde? Comment peut-elle rester en tête des hashtags de twitter pendant des semaines quand les informations sérieuses sur la situation sanitaire sont régulièrement censurées? 

Insultes d’Emmanuel Macron envers les Français, censure médiatique sur les sujets du COVID-19, degré de détestation des journalistes encore jamais atteint dans la population, annonce de déstabilisations à venir  de certains candidats etc…: la société française est profondément perturbé par l’absence de débat politique entre une gauche et une droite bien structurées. Mondialistes et populistes développent les uns et les autres des théories complotistes, des dénonciations de bouc-émissaires, des discours politiques violents. 

Candidats à relativement faible assise dans l’opinion, bouillonnement sociaux qui risquent d’autant plus de surprendre que les médias veulent une société alignée sur les mots d’ordres de l’Etat et de la gouvernance internationale. La situation est explosive et beaucoup moins maîtrisée par Emmanuel Macron qu’il n’y paraît. C’est pourquoi il est tout à fait possible que la campagne s’emballe de manière inattendue, dans une direction que personne n’avait soupçonnée.  


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