Alors que Kiev se met à exporter ses armes « testées sur le champ de bataille », les Européens continuent de payer la facture américaine. L’Ukraine transforme la guerre en marché. L’Europe, elle, reste simple client.

Depuis le début de la Guerre avec la Russie en 2022, l’Ukraine a interdit les ventes d’armes à l’étranger afin de renforcer sa défense. Mais au cours de ces trois dernières années, la production d’armements, notamment de drones navals, a connu un essor considérable dans le pays. Suite aux demandes des producteurs, Volodymyr Zelensky a annoncé vendredi le lancement d’un programme de vente d’armes à l’étranger.
Première exportation d’armes pour Kiev
Pour la première fois depuis 2022, Kiev se prépare à lancer un programme d’exportations d’armes. Cette décision a été prise au cours d’une réunion gouvernementale qui s’est tenue le 28 octobre 2025 et c’est le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lui-même qui a annoncé la nouvelle vendredi. Il s’agit à priori d’une stratégie visant à soutenir l’industrie d’armement locale. Selon lui, depuis le début de la guerre, l’Ukraine dépendait beaucoup du financement et du soutien militaire occidental.
Mais l’industrie de l’armement en Ukraine a connu un développement rapide au cours de ces trois dernières années. Aujourd'hui, l'Ukraine, forte de plus de 200 entreprises de drones nées dans la nécessité du combat, exporte son excédent de production militaire « fait maison » vers ses alliés, une démarche dictée par la rentabilité.
Les bénéfices de ces ventes serviront à acquérir... quoi d'autre que les armes dont le pays a encore besoin. C'est le cercle vicieux de la dépendance subventionnée. L'Europe, en se dépouillant ou en sur-achetant aux États-Unis pour soutenir Kiev, crée in fine un concurrent sur le marché de l'armement "testé au combat". Une aubaine pour l'Ukraine, un coût et une faiblesse stratégique pour l'Union.
L'ère des Drones : la guerre à bas coût comme nouvel étalon
La clé de voûte de ce revirement ukrainien réside dans la « drone-isation » du conflit. Le président Zelensky veut faire passer la part d’armements locaux utilisés sur le front de 40 à 50 % d’ici la fin de l’année. Les ventes à l’étranger, limitées à des alliés « de confiance », permettront selon Kiev de financer l’achat d’armes plus sophistiquées auprès de ses partenaires.
Les drones terrestres, navals et aériens, peu coûteux et modulables, redéfinissent la guerre. Ils offrent une capacité de surveillance, de renseignement et d'attaque qui minimise le risque humain et le coût matériel.
L'Occident, englué dans des programmes d'armement lourds, longs à développer et prohibitifs, semble ignorer cette révolution. Les commandes françaises et européennes privilégient encore les plateformes conventionnelles (chars lourds, avions sophistiqués, artillerie de gros calibre ) qui, bien qu'essentielles, ne reflètent plus l'intensité et la fréquence des engagements quotidiens observés en Ukraine. Cette dissymétrie technologique et économique prouve que la course à l'armement n'est plus seulement une question de puissance de feu, mais de capacité d'adaptation et d'innovation à bas coût.

L’Europe paie, l’Ukraine revend
Mais cette initiative révèle une ironie grinçante : l’Europe, qui finance massivement la guerre ukrainienne, devient indirectement la cliente d’un pays qu’elle subventionne déjà.
Depuis 2022, des milliards d’euros de matériels et d’aides militaires transitent depuis Washington et Bruxelles vers Kiev. Or voilà que l’Ukraine, équipée grâce à ces flux occidentaux, revend ses propres armes à des pays tiers.
Autrement dit, l’Europe achète aux États-Unis, livre à Kiev, qui revend ensuite une partie de sa production, bouclant ainsi un circuit économique profitable à tous, sauf aux contribuables européens.
Cette logique est celle d’une guerre devenue marché : Kiev développe une économie de guerre exportatrice, pendant que les pays de l’UE s’enlisent dans la dépendance stratégique et industrielle.
La France, avec ses champions comme Dassault, Thales ou MBDA, possède une base technologique d'excellence. Mais observe-t-elle ce qui se passe en Ukraine ? S'en inspire-t-elle ? Rien n'est moins sûr. Notre modèle reste souvent celui du grand programme, long, coûteux et parfait, face à une menace qui réclame du cheap, du modulable et du vite.
L'Ukraine nous donne une leçon d'économie de guerre et de souveraineté industrielle. Elle démontre que l'innovation la plus radicale naît souvent de la contrainte la plus extrême, pour peu que l'État joue un rôle de facilitateur et non d'entrave.
