C’est une petite phrase glissée dans les colonnes du Financial Times qui résonne comme un coup de tonnerre dans les chancelleries européennes et, surtout, au Kremlin. L'OTAN, par la voix du président de son Comité militaire, l'Amiral Giuseppe Cavo Dragone, a confirmé ce week-end qu'elle envisageait un changement de doctrine majeur : passer d'une posture purement défensive à une approche « plus agressive » et « proactive » face à la Russie, incluant l'option de frappes préventives.

Ce virage stratégique répond à un constat d'échec partiel. Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, Moscou a multiplié les actes de « guerre hybride » sur le sol européen : sabotages d'infrastructures (câbles sous-marins, rails), cyberattaques massives, brouillages GPS perturbant l'aviation civile et violations répétées de l'espace aérien. Jusqu'à présent, la réponse de l'Alliance était essentiellement réactive. Pour les hauts gradés de l'OTAN et les pays du flanc Est, cette passivité est désormais perçue comme une invitation faite à la Russie de continuer, le coût politique et militaire de ces actions étant quasi nul pour Moscou.

À quoi ressembleraient ces actions préventives?
L'Amiral Dragone a levé le voile sur les options actuellement sur la table des stratèges de Bruxelles pour reprendre l'initiative dans cette « zone grise » :
1. La riposte cybernétique offensive : C'est le domaine le plus immédiat. L'OTAN admet être « plutôt réactive » dans le cyberespace. Le nouveau plan consisterait à ne plus se contenter de bloquer les attaques, mais à les anticiper en frappant les infrastructures numériques russes à l'origine des menaces avant qu'elles ne soient déployées. Plusieurs États membres possèdent déjà ces capacités offensives, qui pourraient être coordonnées au niveau de l'Alliance.
2. Des règles d'engagement assouplies sur le terrain : Sur le plan cinétique (physique), l'OTAN étudie une harmonisation et un durcissement des règles d'engagement sur son flanc oriental. Concrètement, cela pourrait signifier l'autorisation pour les forces alliées d'abattre des drones ou des aéronefs menaçants dès leur détection radar, sans attendre une confirmation visuelle ou une incursion prolongée dans l'espace aérien de l'OTAN.
3. Le concept de « frappe préventive défensive » : C'est le point le plus sensible. L'Amiral Dragone a indiqué que mener une « frappe préventive » pour neutraliser une menace hybride imminente (comme un groupe de saboteurs identifié ou une base de lancement de drones) pourrait être requalifié en « action défensive ». L'objectif est de modifier le calcul de Vladimir Poutine : lui faire comprendre qu'une action hybride à bas coût pourrait entraîner une riposte directe et douloureuse de l'OTAN.
Des obstacles majeurs subsistent
Si le message diplomatique envoyé à la Russie est clair, la mise en œuvre de cette doctrine reste complexe. L'Amiral Dragone lui-même a souligné que cette approche est « éloignée de notre façon habituelle de penser et d'agir ».
Le principal verrou est juridique et politique : comment obtenir le consensus des 32 pays membres pour frapper en premier, sur la base de renseignements parfois difficiles à attribuer avec certitude ? Le risque d'une escalade incontrôlée vers un conflit ouvert, si une frappe préventive était mal interprétée ou basée sur une erreur, reste la crainte majeure des alliés occidentaux, face à l'impatience des pays baltes et de la Pologne.
Bref, le travail de préparation des esprits à une confrontation directe a commencé.


