Les hôpitaux français sont-ils trop pauvres ou trop bureaucratiques ?

Les hôpitaux français sont-ils trop pauvres ou trop bureaucratiques ?


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Une rumeur persistante veut que les hôpitaux français manqueraient de moyens, ce qui expliquerait le profond malaise qui les frappe aujourd'hui. Cette rumeur est très largement un mantra idéologique porté par ceux qui (à l'unisson des covidistes d'ailleurs) considèrent que l'impôt et le service public sont l'alpha et l'oméga de la vie collective. Pourtant, cette rumeur ne résiste pas aux faits.

Les hôpitaux français sont en crise, c’est une évidence. La lettre au ministre Braun, signée par 4.000 soignants, sur la situation en pédiatrie l’a rappelé, si nous l’avions oublié. Et le ministre s’est empressé d’abonder en ce sens, ce qui souligne la collusion d’intérêts entre le pouvoir et les pourfendeurs du « manque de moyens » dans les hôpitaux.

« Ce n’est pas nouveau malheureusement, depuis des dizaines d’années, l’hôpital est maltraité« , convient le ministre de la Santé. Pour ce dernier, ce plan d’action doit permettre une « augmentation du personnel, c’est essentiellement cela, à condition que l’on trouve du personnel ». « Il faut refaire venir des gens à l’hôpital », plaide-t-il, appelant également à une « solidarité au niveau des territoires, c’est-à-dire aussi les libéraux, venir aider à l’hôpital ».

Il est assez fascinant de voir ce ministre qui refuse obstinément le retour des personnels non-vaccinés plaider pour une augmentation des effectifs… en regrettant qu’il n’y ait pas assez de candidats pour pourvoir les postes. Ce paradoxe devrait suffire à éveiller la suspicion de tous ceux qui réclament en coeur « plus de moyens pour l’hôpital public » : c’est aussi une antienne reprise par les défenseur du passe vaccinal…

Un manque de moyens, vraiment ?

Pourtant, aucun chiffre sérieux n’étaie le prétendu manque de moyens des hôpitaux français. Le graphique que nous reproduisons ci-dessus remet d’ailleurs l’église au milieu du village. Il compare l’évolution du nombre de lits d’hôpitaux en France et dans l’OCDE entre 2009 et 2019. On voit que la France dispose d’un nombre de lits pour 1.000 habitants très supérieur à la moyenne de l’OCDE (5,8 contre 4,4), et très supérieur à des pays qui n’ont aucun problème en matière de capacité hospitalière : la Suisse ne dispose que de 4,6 lits, les Pays-Bas 3,1 lits, le Canada 2,5 lits.

Bien entendu, le nombre de lits par habitants ne suffit pas à quantifier l’effort de santé d’un pays, ni les moyens globaux dont disposent les hôpitaux. Mais il s’agit néanmoins d’un indicateur significatif pour qualifier l’existence ou non d’une crise systémique. Et, en France, on ne peut certainement pas parler d’une crise systémique de l’hôpital.

50% de hausse entre 2006 et 2021

S’il faut examiner les moyens de l’hôpital proprement dit, ce graphique produit par la Commission sénatoriale d’enquête sur les moyens des hôpitaux en mars 2022 permet là encore de remettre les pendules à l’heure.

Comme on le voit, entre 2006 et 2020, les objectifs de dépenses des hôpitaux sont passés de 63,7 milliards à 84,4 milliards, alors même que le nombre de lits baissait. Il s’agit d’une augmentation de 33% des moyens en l’espace de 14 ans, soit un rythme plus rapide que l’inflation. Entre 2020 et 2022, ces moyens ont augmenté de 25 milliards, soit une hausse de 33%… en deux ans.

On ne peut certainement pas parler de baisse de moyens. Et, pour l’instant, les hausses colossales des deux dernières années n’ont produit aucun effet sur la qualité de soins.

On voit donc ici que ramener la crise de l’hôpital à un seul problème de moyens est un pipeautage absolu, une illusion qui permet d’occulter le véritable problème des hôpitaux français : la bureaucratisation galopante.

La bureaucratie, le mal des hôpitaux français

En réalité, les hôpitaux français ne souffrent pas d’un manque de moyens, mais d’une mauvaise organisation due à leur excessive centralisation au nom de ce qu’on appelle le service public hospitalier, autre nom d’un contrôle toujours plus étroit par l’état jacobin. C’est précisément ce sujet que les états généraux de Ségur avaient effleuré, et qu’Olivier Véran a botté en touche.

Comme par hasard, pourrait-on dire. Mais il est vrai qu’Olivier Véran appartient, comme ses détracteurs, à la « secte » qui ramène tout problème d’organisation à une question de moyens, et qui prend bien soin de ne jamais traiter la question majeure : celle de l’ordre interne à l’hôpital, où les médecins sont des barons tout-puissants, et les soignants des serpillères interchangeables.

Rappelons, sur ce point, que ce petit monde est désormais surveillé par une épaisse couche bureaucratique chargée de mettre en oeuvre des procédures chronophages et délirantes. C’est cette bureaucratie qui a capté l’essentiel des moyens nouveaux des hôpitaux depuis 15 ans.

La T2A et le mal bureaucratique

L’une des raisons pour lesquelles la bureaucratie a tant progressé depuis une vingtaine d’années dans nos hôpitaux tient à l’obsession absurde de « l’égalité sur tout le territoire » visant à assurer une répartition équitable des moyens entre les établissements. Si l’objectif est louable, l’administration jacobine de l’avenue de Ségur a agi avec la certitude qu’elle serait plus efficace que le marché pour y parvenir.

C’est pour cette raison qu’elle a inventé la tarification à l’activité (T2A), expression bureaucratique qui signifie qu’un hôpital facture chacun de ses actes sur la même base tarifaire que les autres hôpitaux. Cette invention géniale a produit des effets pervers en cascade : les hôpitaux étant rémunérés sur la base des actes qu’ils effectuaient, l’inflation a commencé, chaque séquence de soins donnant lieu à une multitude d’actes à facturer, y compris des actes inutiles.

Surtout, la main-d’oeuvre nécessaire pour produire ces actes de facturation est vie devenue inflationniste.

Voilà comment l’idéologie de l’égalité administrée se traduit par une dégradation globale d’un système et d’une qualité de service. Ce système dysfonctionnel a fait l’objet de nombreuses études sans concession, qui n’ont jamais été suivie d’effets.

La suspension des non-vaccinés a achevé le travail

Dans cet ensemble délirant, la suspension des non-vaccinés (et leur non-réintégration) a constitué la goutte qui mettait le feu aux poudres. Le 15 septembre 2021, des milliers de soignants ont dû quitter l’hôpital dans un terrible désordre que les pouvoirs publics s’emploient encore à nier.

Le ministre de la Santé a reconnu au début de l’été que ces suspendus représentaient près de 12.000 personnes. Il est très probable que ce chiffre soit légèrement sous-évalué.

Pour des raisons d’hybris et de narcissisme idéologique mal placé, les pouvoirs publics minorent systématiquement ce sujet. Mais il est assez cocasse de voir, dans le même temps, un système hospitalier répudier 12.000 soignants et regretter le manque de main-d’oeuvre. Une fois de plus, l’absurdité bureaucratique est au pouvoir.

Ce seul exemple rappelle que la crise de l’hôpital public n’est pas une crise de moyens, mais une crise de gouvernance et d’organisation. Autrement dit, le contribuable pourra à nouveau engloutir tout son patrimoine dans un impôt confiscatoire destiné à financer l’hôpital, ces moyens n’iront certainement pas aux soins. Ils profiteront à une bureaucratie vorace dont la spécialité est de se nourrir sur le dos de l’intérêt général.


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