Le scandale Fatima Benomar pose la question de l’attachement d’Anne Hidalgo à l’État de droit


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Fatima Benomar, chargée de mission à la Ville de Paris, dans l’entourage direct d’Ariel Weil, tête de liste pour les arrondissements centraux, a produit un message, sur les réseaux sociaux, appelant les soignants à ne pas épargner « ces flics s’ils atterrissent en réanimation ». Cet appel à l’homicide n’a suscité aucune réponse d’Anne Hidalgo… ni aucune sanction disciplinaire. Il s’agit pourtant d’une faute lourde.

Fatima Benomar est officiellement chargée de la communication de Jacques Boutault, le maire écologiste du 2è arrondissement, par ailleurs végétarien et grand défenseur de la condition animale. Ce n’est donc pas n’importe qui, et elle ne joue pas n’importe quel rôle dans l’état-major politique de la mairie de Paris, qui la rémunère.

Son appel auprès des soignants pour qu’ils « n’épargnent pas les policiers en réanimation » pose donc un problème politique substantiel, puisqu’une chargée de communication appointée par le contribuable parisien pour épauler un maire d’arrondissement tient, sur Internet (en l’espèce sur Twitter) des propos qui relèvent de l’appel à la haine et à la violence totalement répréhensibles par la loi, et relevant d’une sanction pénale.

Fatima Benomar, et le deux poids deux mesures face à la violence

Fatima Benomar ne serait pas payée par le contribuable, ses propos mériteraient tout de même d’être relevés, puisque l’intéressée se présente comme une pasionaria de la violence faite aux femmes. C’est sa cause. C’est son mot d’ordre.

Et elle a bien raison ! On s’étonne parfois de voir que la société française porte encore de violence contre les femmes, point d’orgue d’une mentalité sexiste qui semble venue d’un autre temps. Bon, de fait, Fatima Benomar semble trouver que le sexisme est vraiment une spécificité de la culture française, et son engagement contre le sexisme dans la culture musulmane ou maghrébine (elle est elle-même d’origine marocaine) paraît moins appuyé.

Pourtant, il ne faut pas beaucoup gratter pour constater que le sexisme dans les pays d’Afrique du Nord est infiniment plus violent et répandu qu’en France. Mais enfin, libre à Fatima Benomar de ne regarder que les podiums du tour de France où d’accortes blondes embrassent les vainqueurs d’étape, et libre à elle de ne pas déplorer que les cafés de Seine-Saint-Denis ou de Barbès soient quasi-exclusivement réservés aux hommes.

Ce qui gêne, en revanche, c’est que cette adversaire de la violence faite aux femmes professe dans le même temps la violence faite aux hommes, en l’espèce aux policiers. Il serait intéressant que les féministes nous expliquent pourquoi l’une des leurs n’aime pas qu’on frappe les femmes, mais trouve jouissif qu’un soignant liquide un malade en réanimation sous prétexte qu’il est policier.

Le maire du 2è accorde-t-il plus d’égards aux animaux qu’aux policiers ?

Après le tweet de sa collaboratrice, chargée de sa communication, le maire du 2è arrondissement a publié à son tour un message où il indique qu’il « désapprouve » le message de sa collaboratrice, dans lequel il ne voit qu’un appel à la non assistance à personne en danger. Mais il n’annonce aucune sanction contre cette prise de position.

Rappelons quand même qu’un soignant qui profiterait de sa situation professionnelle pour régler ses comptes avec un policier en réanimation se rendrait coupable d’un crime relevant des assises, ce qui est bien plus grave que la non-assistance, qui n’est qu’un délit. On s’étonne que le maire du 2è arrondissement minore à ce point la portée des paroles de sa collaboratrice.

Dans le même temps, le maire du 2è arrondissement prend de nombreuses positions sur la condition animale. On rappellera par exemple sa participation à un groupe de travail, à la journée EELV d’été 2019, dont le propos était : « Les pouvoirs publics
peuvent soutenir des initiatives qui permettent la découverte de la sensibilité des animaux, de leur intelligence, de leurs droits et de nos responsabilités envers eux. »

Visiblement, les écologistes parisiens considèrent que les pouvoirs publics doivent se soucier notre responsabilité envers les animaux. En revanche, envers les humains, cette responsabilité semble très différente selon le métier de chacun. La gauche telle qu’on la connaît à l’état pur : toujours à donner des leçons de morale, de bienveillance, à vanter le respect de la diversité, à condition, bien entendu, de rester dans l’entre-soi des bien-pensants.

Les autres, eux, peuvent mourir aux urgences, c’est normal.

Une grave faute professionnelle qui constitue un motif de suspension immédiate

Le traitement de cette affaire par la hiérarchie de Fatima Benomar pose quand même un problème majeur. En effet, dès lors qu’elle est appointée par une administration, Fatima Benomar est considérée comme agent public, placée sous le couvert du statut de la fonction publique.

Il se trouve que l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 (modifiée, pour les puristes), qui fixe le statut général applicable à la fonction publique prévoit clairement : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. »

Et appeler, à partir d’un profil Twitter où des fonctions de responsable de la communication du maire sont mentionnées explicitement, à occire des agents chargées de l’ordre public constitue une faute grave. C’est un délit commis par un agent public tenu, selon l’article 25 de la même loi de 1983, à exercer « ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. »

Le responsable hiérarchique de Fatima Benomar, ayant connaissance de ses propos publics délictueux, aurait dû considérer que son manque de dignité constituait un manquement professionnel suffisamment grave pour qu’elle soit suspendue immédiatement. Visiblement, ce qui semble applicable à un policier accusé de racisme ne l’est pas à Fatima Benomar lorsqu’il appelle à s’attaquer physiquement aux policiers.

Ce laxisme pose quand même un sacré problème.

L’inacceptable silence d’Anne Hidalgo

Dans la pratique, le message public de Fatima Benomar relève des menaces contre les personnes exerçant une fonction publique, délit prévu par l’article 433-3 du Code pénal. La peine encourue pour ce délit est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la menace. En cherchant un peu, le procureur pourrait même lui trouver des circonstances aggravantes qui alourdissent la peine.

Nous sommes donc face à une affaire sérieuse, où un agent public de la Ville de Paris a commis un délit pénal vis-à-vis d’un policier… Si l’on se souvient que les maires ont une fonction de police administrative (avec un rôle particulier à Paris, il est vrai), il paraît difficile d’imaginer qu’Anne Hidalgo ne réagisse pas dans cette affaire, sauf à couvrir par son silence des propos d’une extrême gravité.

Quelle légitimité peut conserver la maire, en effet, dans ses pouvoirs de police, si elle ne sanctionne pas impitoyablement l’une de ses collaboratrices en charge de la communication d’un maire d’arrondissement qui commet un délit aussi grave ?

Redisons-le, Fatima Benomar serait chargée des archives à la direction de la Propreté, le sujet serait à peu près inexistant. Mais elle est sur des fonctions politiques pour le compte de l’équipe municipale !

Comment admettre de tels débordements sans une réaction claire et précise ?

La gauche bobo et la bienveillance à géométrie variable

Le fonds de cette affaire est bien connu. Il existe une doctrine à géométrie variable dans le monde des bobos, très attaché à la bienveillance et à l’humanisme. Ce fonds est que la bienveillance ne trouve à s’appliquer qu’à l’entre-soi de ceux qui la prônent. Elle est un principe réservé aux élus, aux membres de la communauté et à ceux que la communauté juge susceptible d’être couverts par leur morale. Mais tous ceux qui sont bannis du groupe parce qu’ils ne pensent pas comme il faut ou parce qu’ils n’exercent pas le bon métier sont en revanche voués aux gémonies.

C’est le principe de l’universalité limitée des valeurs. Tout le monde fait partie de l’humanité sauf… ceux qu’on en retire.

En l’espèce, Anne Hidalgo ne veut pas se fâcher avec la clique des féministes et autres utilisatrices des bonnes causes pour faire carrière. Et elle sacrifie donc de façon tout à fait partiale la légalité républicaine pour protéger son camp.

Et après tout, qu’est-ce que l’État de droit, face à l’amitié entre femmes ?


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