Le Congrès des Républicains saura-t-il choisir un candidat capable de battre Emmanuel Macron?

Le 4 décembre prochain, les Républicains auront désigné leur candidat à la présidence de la République. En réalité, ce choix va décider de l'élection présidentielle. Au moment où Eric Zemmour semble connaître un tassement dans les sondages, la personnalité du candidat LR et sa capacité, ou non, à s'ouvrir un espace entre une droite nationiste à 30% des voix et un bloc Macron + gauche à 40% décideront du choix des Français. Les adhérents des Républicains sont devant un défi: faire le bon choix, celui candidat capable de battre Emmanuel Macron

Un candidat enraciné au centre-droit et capable d'accélérer l'inéluctable décrochage d'Emmanuel Macron?
J’ai fait comme 40 000 de mes concitoyens: j’ai repris ma carte chez Les Républicains. Je veux pouvoir voter début décembre et contribuer à choisir qui sera le candidat défendant les couleurs du centre-droit. Pourquoi l’ai-je fait?
+ D’abord, parce que c’est ma famille politique. C’est à la mode de dire « j’ai adhéré à seize ans… » ; eh bien, oui, j’ai adhéré à seize ans au Mouvement des Jeunes Giscardiens puis j’ai été membre de l’UDF. Plus tard, RPR et UDF avaient fusionné dans l’UMP lorsque j’ai eu l’honneur de travailler, dans le cabinet de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche puis comme recteur, à la mise en place de la belle réforme de l’université imaginée et mise en oeuvre par Nicolas Sarkozy. Comme d’autres, j’ai regretté pour le pays que Nicolas Sarkozy ne fût point réélu; et, encore plus, le gâchis de 2017 lorsque l’UMP devenue « Les Républicains » a détruit avec acharnement ses chances de faire élire l’un des siens à la présidence de la République. Alors, oui, entre une droite nationiste qui est divisée entre Marine Le Pen et Eric Zemmour, et les « forces de progrès » (Macron, Jadot, Hidalgo, Mélenchon), je pense qu’un bon candidat pourrait ouvrir un espace et se mettre en position de battre Emmanuel Macron.
++ C’est à mes yeux ce qu’il y a de plus important pour la France, dans l’immédiat: empêcher la réélection d’Emmanuel Macron. Le disciple d’Edmund Burke que je suis ne déteste rient tant que le très mal nommé « progressisme » auto-proclamé, qui est en fait un « régressisme ». La France vient de traverser l’une des pires périodes politiques de son histoire: abaissement de notre prestige international, endettement abyssal, mépris de classe qui a mené jusqu’à une répression détestable du mouvement des Gilets Jaunes, gestion catastrophique de la crise sanitaire, laxisme coupable en termes d’immigration: on n’ose pas imaginer ce que donnerait un second mandat macronien. Je doute de la capacité de Marine Le Pen, malgré son métier politique, à gagner; et, malgré son admirable courage et sa capacité à faire voler en éclat l’imposture du cordon sanitaire avec la droite nationiste, je n’arrive pas à imaginer Eric Zemmour à l’Elysée. Je ne vois qu’un candidat issu des Républicains capable de gagner contre Macron, à des conditions que je préciserai un peu plus loin.
+++ Bien entendu, je fais partie de ceux qui ne se sont jamais satisfaits de la division suscitée par François Mitterrand et artificiellement entretenue par Jacques Chirac, entre la droite nationiste et les autres droites. La droite nationiste, la droite souverainiste, la droite conservatrice, la droite qui défend la loi naturelle, la droite entrepreneuriale et la droite des libertés locales ont vocation à travailler ensemble. Georges Pompidou avait su réussir cette rare synthèse; la tentative suivante, la synthèse sarkozyste n’a pas survécu à la défaite de 2012. Je souhaite le retour de Marion Maréchal en politique parce qu’elle saura, un jour, réaliser cette synthèse. En attendant, je pense qu’il ne faut pas insulter l’avenir. Les grandes secousses politiques et sociales se font toujours au détriment des plus pauvres et des plus vulnérables. La droite nationiste n’étant pas à même de faire surgir un candidat de rassemblement, je fais le pari d’un candidat issu des rangs de LR à condition qu’il soit solidement enraciné au centre-droit et capable d’accélérer l’inéluctable baisse d’Emmanuel Macron dans les sondages.
La droite LR saura-t-elle expulser ses démons habituels?

Les Républicains sauront-ils se montrer à la hauteur ?Je m’adresse en fait à tous ceux qui, comme moi, vont voter. J’ai fait la liste des sujets que nous devons regarder en face:
+ d’abord, il faut bien le dire, la direction des Républicains, elle, n’a pas été à la hauteur de l’enjeu. Il est absolument scandaleux que l’entrepreneur Denis Payre n’ait pas pu présenter sa candidature, suite à une manoeuvre dilatoire, qui l’a privé du temps nécessaire pour se faire connaître et rassembler les parrainages. D’une manière générale, le fait d’avoir choisi une procédure fermée de « primaires » ne garantit pas la capacité d’un parti qui a perdu les deux précédentes élections présidentielles à piloter comme il faut l’après-Congrès. Tout va dépendre du choix qui est fait. Et ne nous voilons pas la face: le démon de la division, dont la droite héritière du gaullisme est souvent possédée, n’est jamais loin.
++ Saurons-nous nous défaire de l’influence, autrefois bénéfique, aujourd’hui néfaste, de Nicolas Sarkozy? L’ancien président, quels que soient les mérites (souvent méconnus) de son quinquennat, n’a pas aidé les siens à tirer les leçons de sa défaite de 2012. Il a perdu parce qu’il n’était pas allé jusqu’au bout de sa promesse de réinstaller le parti à droite. Le « péché originel » du sarkozysme de gouvernement, c’est d’avoir pratiqué une « ouverture à gauche » en 2007 alors qu’il aurait fallu parachever la victoire dans les urnes et faire l’ouverture à droite en invitant des personnalités d’un Front National assommé par la perte de 800 000 voix à rejoindre le gouvernement. Malheureusement Sarkozy n’était pas Margaret Thatcher: il voulait être aimé des médias et de l’establishment. C’est déjà l’erreur qu’avait commise Valéry Giscard d’Estaing, homme très à droite quand il s’écoutait mais toujours obsédé par l’idée de (comp)plaire à la gauche.
+++Saurons-nous nous défaire aussi de ce qui reste de chiraquisme à droite? La formule (forgée par Charles Pasqua) « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » a fait rire quand Jacques Chirac était au pouvoir; mais on n’a jamais pris la mesure de son effet délétère. C’est au nom de cette formule qu’on a pensé, à tort, que l’on pourrait refaire, en 2012, le coup de 2007 (promesses de fermeté contre l’immigration) aux électeurs du Front National; mais ils ne sont pas revenus. Et comme tous les candidats en lice sont, à un degré ou un autre, des héritiers du chiraquisme, on frémit de voir tel ou tel faire de la surenchère sur ce thème de l’immigration, comme s’il s’agissait de slogans et comme s’ils n’avaient pas compris les racines de la défaite de 2012. Il y a des sujets trop sérieux pour être laissés à « celles et ceux » qui pensent que, dans la situation actuelle du pays, on peut encore fonctionner à coup de slogans et de manoeuvres de Machiavel au petit pied.
Les cinq questions-clé à l'aune desquelles évaluer les candidats

Pour faire « le bon choix pour la France », comme aurait dit VGE, il me semble qu’il y a quatre thématiques à prendre en compte.
+ Il y a bien entendu tous les sujets identitaires abordés par la droite nationiste. Le diagnostic a déjà été fait depuis longtemps par le Front/Rassemblement National. Et son urgence est soulignée par Eric Zemmour. Que manque-t-il aux nationistes? Sans doute une capacité à convaincre qu’ils sauraient s’y prendre. Nicolas Sarkozy s’était arrêté là où les choses devenaient difficiles : avant une renégociation européenne. La question que je me poserai au terme des quatre débats: y a-t-il un des cinq candidats qui ait les épaules assez larges pour renégocier la politique d’immigration avec les partenaires européens?
++ L’Union Européenne, justement: Les Républicains sont pris entre le lyrisme inefficace d’un Macron, véritable Assurancetourix de la « souveraineté européenne », et le flou de la droite nationiste, qui ne sait pas trouver le point d’équilibre entre son envie de Frexit et le réalisme qui donne à penser qu’on ne reproduit pas un « Brexit » quand on est dans l’euro. On ne peut pas « sortir de l’Europe » par un coup de baguette magique; on ne peut pas non plus faire comme si la France n’était pas capable de peser sur les choix européens. Lequel des cinq candidats serait capable de faire respecter la France dans les institutions euopéennes?
+++ Notre pays voit l’essentiel de son énergie être absorbé par l’Union Européenne. Or, historiquement, il n’est de grande politique française que si elle trouve un point d’équilibre entre notre engagement européen et notre engagement sur tous les océans du monde, puisque nous sommes partout présents. Lequel des candidats s’intéresse-t-il vraiment à « l’outre-mer » et à la France comme puissance maritime? C’est la condition d’une nouvelle ère de puissance française au XXIè siècle.
++++ Notre économie étouffe sous le poids d’un Etat obèse et inefficace. Théoriquement, la droite défend la liberté d’entreprendre et le recentrage de l’Etat sur ses missions régaliennes, l’entretien des infrastructures, la recherche scientifique et technologique et la santé. En pratique, la droite se contente de freiner les dépenses de l’Etat et de modérer la fiscalité, pas d’inverser les tendances. Lequel des candidats trouverons-nous crédible sur les sujets économiques, prêt à un « choc de baisse fiscale »? Où sommes-nous condamnés à choisir, dans ce domaine, le « moindre mal »?
+++++Enfin, il y a la crise sanitaire. Il faut bien dire que la droite LR n’a pas été très brillante sur un sujet où il aurait pourtant été difficile d’enfoncer Emmanuel Macron. Néanmoins, le débat du 14 novembre au soir a permis de voir que trois sur les cinq candidats entrevoyaient le risque des politiques sanitaires coercitives. C’est timide mais d’autant plus important que la politique sanitaire à la Macron, n’est, comme les lecteurs du Courrier des Stratèges le savent bien, qu’un petit morceau d’une vision plus vaste, mondialiste, fondée sur la notion de Great Reset et la pratique d’un « capitalisme de surveillance » (Shoshana Zuboff). Lequel des candidats jugeons-nous le plus imperméable à l’idéologie ambiante et donc capable de préserver nos libertés?
La politique n’est jamais le domaine du choix idéal. Mais nous ne sommes pas condamnés non plus au désespoir de ceux qui ne trouveraient plus rien de bon dans le vieux parti. Cinq candidats de qualité se présentent à nos suffrages. Tous ne sont pas capables de battre Emmanuel Macron. Il nous faut donc choisir soigneusement. En sachant que l’éventuelle élection d’un candidat LR ne serait que la première étape d’une reconstruction beaucoup plus fondamentale de la droite.
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